Intervention de M. Villon


M. Pierre Villon
,

député

Mesdames, Messieurs, depuis douze ans, ce statut a été annoncé. Depuis au moins trois ans, les différentes instances de l’administration militaire y ont travaillé.

Votre commission de la défense nationale n’a eu la possibilité d’en discuter que pendant quelque vingt heures, dont une partie pendant la campagne du référendum, c’est-à-dire devant un nombre réduit de commissaires, puisque le Gouvernement avait d’autorité fixé au 2 mai le débat en séance publique.

Aucun d’entre nous n’aura pu consulter le rapport de la commission, qui n’a été distribué que cet après-midi. Une fois de plus, le Gouvernement révèle son mépris pour les élus du suffrage universel et sa conception du Parlement qu’il considère comme un simple organe d’enregistrement approuvant, les yeux fermés, ce qui lui est présenté.

Le projet de statut a été annoncé comme devant apporter de grandes satisfactions aux personnels militaires. M. le ministre d’Etat chargé de la défense nationale a pu dire que son application « marquera notamment le souci du Gouvernement de faire bénéficier les militaires du progrès matériel de la nation ».

La déception sera grande pour les personnels qui en prendront connaissance. Elle le sera encore plus lorsque l’application du statut leur fera découvrir combien l’imprécision des formulations et la possibilité que se réserve le Gouvernement de donner par décret l’interprétation des textes qui lui convient permettent de ruser avec les garanties ou avantages qu’il semble leur accorder.

Ainsi, par exemple, le texte de l’article 18 qui promet que toute mesure de portée générale affectant la rémunération des fonctionnaires civils de l’Etat sera appliquée aux militaires de carrière, est accompagné de la formule : « sous réserve des mesures d’adaptation nécessaires ».

L’article 11 prévoit l’octroi, dans certains cas, d’une allocation de logement aux militaires de carrière, mais il le fait dans des termes si vagues qu’il ne s’agit que d’une promesse dépourvue de toute certitude.

Même l’innovation la plus importante, celle qui prévoit d’accorder aux officiers qui quittent l’armée avant la limite d’âge un pécule devant leur permettre de se recycler et d’attendre de trouver un emploi civil, est assortie de garde-fous d’une extrême élasticité : ce pécule ne sera accordé qu’à ceux qui appartiennent aux armes et aux corps combattants seulement « dans la limite d’un contingent annuel fixé par arrêté interministériel » et « dans des conditions fixées par décret ».

Il y a surtout une disposition de ce projet qui permet de juger du peu de garanties que ce texte apporte aux officiers et aux sous-officiers de carrière. C’est l’article 3. Il dispose que « les statuts particuliers des militaires de carrière sont fixés par décret en Conseil d’Etat » ; ce qui signifie que toutes les lois votées par l’Assemblée pour établir ces statuts pourront être abrogées ou modifiées à la guise du Gouvernement. Cela signifie aussi que ce dernier pourra, par décret, créer des corps nouveaux. Par exemple, il pourra transformer en décret le projet de loi sur les officiers d’encadrement de la gendarmerie, que notre commission de la défense nationale a repoussé, à la quasi unanimité, à trois reprises, estimant qu’il n’était pas raisonnable de confiner les officiers de gendarmerie sortis du rang dans une situation infériorisée et que cela conduirait à briser l’unité de ce corps.

Ce n’est pas tout : l’article 3 contient une véritable monstruosité. Il prévoit que ces statuts particuliers établis par décret « peuvent… déroger à certaines dispositions de la présente loi ». Autrement dit, on vous demande de voter une loi et, en même temps, de donner au Gouvernement le droit de la violer.

On me répondra que ce sera « après avis du conseil supérieur de la fonction militaire ». Mais, ne s’agissant que d’un avis, le Gouvernement pourra n’en pas tenir compte. En outre, le choix et la désignation de la plupart des membres de ce conseil en font, en fin de compte, un organisme aux ordres du ministre des armées.

On nous dira aussi – cet argument a été avancé tout à l’heure – qu’il existe un précédent, celui contenu dans le statut général des fonctionnaires. Mais, précisément, ce n’est pas une loi votée par une assemblée législative élue, mais une ordonnance, celle du 4 février 1959, qui a introduit cette monstruosité dans la législation.

Vous objecterez peut-être encore que le Conseil constitutionnel a considéré qu’une disposition aussi antidémocratique était conforme à l’esprit de la Constitution. Mais ce conseil, désigné lui-même en majorité par le pouvoir et par ses barons, n’était guère apte à la refuser au pouvoir, surtout en 1959.

En prétendant que la Constitution de 1958 vous permet d’introduire à nouveau, dans le statut des militaires, une disposition aussi arbitraire, vous prouvez vous-même que nous, communistes, avions eu raison de la combattre à l’époque, notamment parce qu’elle étendait trop le domaine réglementaire.

Mais en allant jusqu’à vouloir inscrire, dans une loi proposée par vous, la possibilité, pour vous, d’y déroger par décret, vous démontrez en outre que vous interprétez la Constitution dans un sens qui en aggrave encore le caractère antidémocratique.

Il est de notre devoir de protéger les citoyens contre l’arbitraire du pouvoir. Les fonctionnaires civils, y compris les policiers, peuvent encore se défendre grâce à leurs organisations syndicales et au droit de grève. Or ces deux moyens, vous les interdisez aux militaires. Plus encore que les fonctionnaires civils, ils ont donc besoin que la loi les protège et qu’elle n’ouvre pas au pouvoir le droit de déroger à certaines de ses dispositions.

Sur le plan des avantages et des garanties matériels, ce projet de statut, en raison de l’imprécision des formulations et des dérogations arbitraires qu’il permet, ne manquera pas de décevoir les personnels militaires. Dans ce domaine, on est tenté d’opposer aux auteurs du texte le dicton : « donner et retenir ne vaut ».

Qu’en sera-t-il des espoirs de ceux qui attendaient de ce statut la possibilité d’un vrai dialogue avec la hiérarchie et l’administration en même temps qu’une extension de leurs droits et de leurs libertés individuelles, le droit notamment d’être, en dehors du service, des citoyens de plein droit ?

Vous leur assurez la liberté d’opinion et le droit d’exprimer cette opinion en dehors du service, mais vous annulez en même temps ce droit par l’interdiction qui leur est faite de s’exprimer, sans l’autorisation du ministre, sur tous les sujets militaires ou politiques.

Vous leur interdisez le droit de constituer des groupements professionnels, même sans caractère syndical. Vous leur interdisez d’adhérer au parti de leur choix, mais – et ici éclate l’hypocrisie du texte – cette interdiction est suspendue pour les candidats à une fonction élective. En somme, un militaire en activité a le droit d’adhérer à un parti le jour où ce parti dépose sa candidature, et il doit en démissionner le soir de la proclamation du résultat du vote s’il n’est pas élu.

Comme si vous ne saviez pas qu’aucun parti sérieux ne présente un candidat qui n’ait pas de liens étroits avec lui ! Vous permettez donc ces liens lorsqu’il s’agit de partis agréés par vous, mais vous vous donnez le moyen de les sanctionner quand il s’agit des autres, de ceux de l’opposition.

Vous permettez aux militaires de carrière et sous contrat d’adhérer « librement » aux groupements sans caractère professionnel ni politique. Mais cette liberté est singulièrement réduite puisque vous les obligez à en rendre compte à l’autorité militaire des fonctions de responsabilité qu’ils y exercent », et vous ajoutez que le ministre aura le droit de « leur imposer d’abandonner lesdites fonctions et, le cas échéant, de démissionner du groupement ».

Notons là encore l’imprécision du texte : en lisant la première condition, on pourrait croire que les intéressés ne doivent rendre compte de leur appartenance à un tel groupement que lorsqu’ils assument des fonctions de responsabilité. Mais la possibilité de leur imposer la démission du groupement laisse, au contraire, entendre qu’ils doivent déjà demander l’autorisation d’y adhérer.

Que reste-t-il de la liberté d’adhérer à ce genre de groupement si l’adhésion peut être interdite parce que ce groupement choisi, soit par sa composition soit par les intérêts qu’il défend, est mal vu du pouvoir ? Celui qui aura adhéré à un comité de parents d’élèves appartenant à une fédération qui n’a pas votre sympathie, ou à une association de pécheurs à la ligne qui comprend parmi ses membres des militants de l’opposition, risquera de devoir démissionner. Pour ne pas être mal noté ni bridé dans son avancement, chaque officier ou sous-officier regardera donc à deux fois avant d’user de cette singulière liberté d’adhésion.

Vous nous rétorquerez peut-être que l’article 25 empêche les discriminations puisqu’il interdit de faire état dans les pièces et documents du dossier individuel « des opinions philosophiques, religieuses ou politiques des intéressés ». Alors, je vous demanderai de déclarer qu’il n’existe pas d’autres dossiers individuels, de caractère secret. Et, si vous croyez pouvoir le faire, vous devez aussi accepter notre amendement à l’article 25, qui précise que « ce dossier est le seul autorisé ».

Voyons encore les garanties contre les sanctions arbitraires. Votre texte ne fixe nulle part les droits de la défense de l’intéressé. Il prévoit, là encore, un décret. Or cela est contraire à l’article 34 de la Constitution qui inscrit dans le domaine de la loi « les régies concernant… les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires », donc aussi les garanties contre des sanctions arbitraires.

Qu’en est-il du droit à l’information sans lequel il ne peut y avoir de libre arbitre des citoyens ?

Par l’article 7, vous perpétuez l’interdiction d’introduire dans les enceintes et établissements militaires ou à bord des bâtiments de la flotte les publications dont vous estimez autoritairement et sans recours possible qu’elles sont capables de nuire au moral ou à la discipline. Or nous vous mettons au défi de produire la liste des publications interdites et de prouver que chacune d’elles nuirait au moral ou à la discipline,

Est-il permis aux soldats et aux gradés de lire à la caserne, bien entendu en dehors des heures de service, le programme de notre parti pour un gouvernement démocratique d’union populaire, afin qu’ils puissent se faire une opinion sur nos buts et aussi sur notre conception d’une défense nationale authentique ? Si ce n’est pas le cas, dites-nous en quoi ce programme nuirait à leur moral ou à la discipline.

Pouvez-vous nous dire si les publications de l’organisation fasciste « Ordre nouveau » sont interdites ou non ? Estimez-vous qu’il est bon pour le moral de l’armée de lire, dans les journaux autorisés, que votre nouvel allié M. Lecanuet vante l’intégration supranationale et souhaite qu’avant la fin de cette année soient créés entre les dix de l’Europe de l’Ouest « des organismes permanents pour préparer les étapes… de la défense concertée », que le club présidé par votre collègue M. Giscard d’Estaing réclame « un véritable état-major européen » ?

Est-il bon pour le moral de l’armée de voir votre journal La Nation défendre la thèse de la « souveraineté nationale limitée » ou encore la très officielle Revue de la défense nationale, financée par vous, exposer que la petite Europe éclatera sous les contradictions d’intérêts si elle se confine dans le domaine économique, et qu’elle doit donc se donner des buts politiques communs et des structures militaires adéquates?

De telles idées, qui font fi de l’indépendance et de la souveraineté nationale, peuvent librement pénétrer dans les casernes et sur les bâtiments de la flotte, mais non celles qui démontrent la nécessité de sauvegarder l’indépendance nationale.

Le Figaro, dont les collaborateurs actuels les plus éminents ont été les porte-plumes de l’occupant ou des dignitaires de Vichy, est autorisé, mais non L’Humanité qui, pendant toute l’occupation, au prix de sacrifices indicibles, a été rédigée, imprimée et diffusée clandestinement pour combattre les traîtres et l’envahisseur hitlérien.

M. Emile Tricon . A quelle époque ?

M. Jean Brocard . En 1940 ?

M. Pierre Mauger . C’était en 1941 !

M. Pierre Villon . A partir de juin 1940. ( Applaudissements sur les bancs du groupe communiste. – Exclamations sur divers bancs de l’union des démocrates pour la République ).

Donc, pour le droit à l’information comme pour les autres droits et libertés, le projet de statut laisse les militaires en position de citoyens diminués.

Malgré tant d’expériences, comme celle de la Résistance ou celle des forces de libération nationale du Vietnam qui démontrent le contraire, vous en êtes encore à croire que le bon soldat ne doit pas être un citoyen conscient, qu’il doit être mis en condition par une discipline imposée et par la menace de sanctions, qu’il doit être une sorte de robot.

En présentant votre projet devant la commission, le 10 février dernier, vous avez. monsieur le ministre d’Etat, reconnu qu’il y a un malaise dans l’armée. Vous avez déclaré que l’adoption du statut « serait l’occasion solennelle pour le Gouvernement et le Parlement de marquer la considération qu’ils portent au corps militaire ». Vous l’avez répété tout à l’heure.

Je ne pense pas que les conditions de discussion et d’adoption de ce texte, ni ce qu’il apporte aux militaires de nouveau et de certain sur les plans matériel et moral, soient suffisantes pour surmonter le malaise, non plus que la petite phrase qui assure l’armée du respect des citoyens et de la reconnaissance de la nation, lesquels dépendent de bien d’autres choses que d’une petite phrase dans un texte de loi.

Vous-même n’en êtes pas tellement persuadé puisque, mercredi dernier, vous répondiez à un commissaire que ce qui hérisse l’armée, ce sont certaines émissions de l’O.R.T.F., certains articles de presse et que, pour surmonter ce malaise, il faudrait pouvoir mettre en prison les auteurs de ces émissions ou de ces articles !

C’est un diagnostic quelque peu sommaire du malaise et de ses causes que vous avez ainsi prononcé, un diagnostic qui, s’il peut être exact pour une petite minorité de cadres, ne l’est certainement pas pour la grande majorité.

Non, leur malaise a des motivations plus nobles que celles que vous semblez ainsi leur attribuer. Il y a, d’abord, le besoin de ne pas être considéré comme des numéros matricules qui n’ont pas le droit à la parole pour ce qui concerne l’armée elle-même, le désir de pouvoir dire son opinion, d’être entendu par la hiérarchie supérieure et par l’administration centrale. Or, vous ne leur accordez rien sur ce plan-là parce que vous avez une conception autoritaire de l’armée et de la vie politique en général.

C’est pour la même raison que vous avez maintenu toutes les contraintes qui font des militaires des citoyens diminués, ce qui est une autre source de malaise. Vous ne voulez pas qu’ils soient mêlés à la vie de la nation, qu’ils se mettent à réfléchir parce que vous craignez qu’ils ne découvrent ainsi les contradictions entre la réalité et ce que leur disent les discours officiels sur leur propre rôle. Mais vous ne pouvez empêcher qu’en mille occasions ils ne découvrent cette réalité et ne se posent des questions.

La source principale du malaise réside dans la contradiction entre l’idéal patriotique qui leur a fait choisir le métier des armes et les faits qu’ils constatent.

Ils constatent, par exemple, que le premier magistrat du pays ne parle jamais plus de l’indépendance nationale ou de la souveraineté nationale mais seulement de la « personnalité » nationale, que, dans certains domaines comme celui de l’agriculture, les décisions ne dépendent déjà plus de nos propres autorités mais des compromis conclus – en général au détriment de nos intérêts – aujourd’hui entre les Six, demain entre les Dix. Ils découvrent encore qu’avant même d’être soumis au Parlement national, notre budget doit être examiné et approuvé à Bruxelles par un organisme supranational.

Comment ne seraient-ils pas inquiets quand on leur dit que cette patrie, à la défense de laquelle ils ont voulu vouer leur vie, ne peut s’épanouir qu’à la condition de se dissoudre dans un ensemble supranational ouest-européen ou atlantique, et quand on parle déjà de faire dépendre l’armée française d’un état-major supranational qui déterminerait une stratégie au service d’intérêts étrangers ?

Quand ils regardent ce qui se passe à l’intérieur de cette patrie, ils voient les scandales, l’injustice fiscale, les faveurs dont bénéficient quelques puissants groupes de la banque et de la grande industrie, qui se partagent les affaires fructueuses, comme les autoroutes à péage, la construction d’armements et les subventions d’équipement ; ils voient l’accumulation de la misère à un pôle – chez tant de vieux, chez les chômeurs ou chez les ouvriers spécialisés qui gagnent moins de huit cents francs par mois – et la concentration de la richesse à l’autre pôle. Alors ils se demandent si cette patrie, telle qu’elle est aujourd’hui, mérite l’esprit de sacrifice qui est le leur.

Et quand vous leur dites que l’armée est au service de la République, n’en viennent-ils pas à se demander si un régime dirige en fonction des intérêts d’une infime minorité et dont le Parlement, dépourvu de pouvoir, est un reflet tronqué et faussé de la réalité nationale, mérite encore le nom de république ?

Les mêmes doutes les assaillent lorsqu’ils tournent leurs regards vers la chose militaire.

Je passe rapidement sur les questions qu’ils peuvent se poser, du fait que, depuis douze ans, l’accent est mis sur la force de frappe comme force de dissuasion exclusive. Comment ne sauraient-ils pas que, si notre pays recourait à cette arme, la riposte atomique le détruirait de fond en comble et le désorganiserait à un degré inimaginable, rendant impossible toute résistance ? Ne peuvent-ils se demander à quoi sert alors l’armée conventionnelle ?

Il est vrai que maintenant vous leur dites qu’ils doivent constituer une force de dissuasion populaire. M. le Premier ministre, à Saint-Cyr, le 23 mars, annonçait d’ailleurs, en termes sibyllins, que le champ était ouvert « aux actions indirectes », et il déclarait : « Rien ne nous permet de dire que la France n’aura plus à intervenir ailleurs. » Mais que voulait-il dire par là ?

Dans la même allocution, il faisait une allusion voilée, encore qu’assez claire, au rôle de l’armée dans le maintien de l’ordre. Bien qu’il l’ait présenté comme la défense de « notre démocratie » – remarquez le possessif « notre » – il faut le remercier d’avoir ainsi fait exception à la règle de silence qui est appliquée en cette matière.

Ce projet de statut n’en souffle pas mot non plus. Mais les militaires sont bien obligés de savoir qu’ils peuvent être appelés, eux qui voulaient servir la nation et sa défense, à s’opposer aux forces vives de cette nation en jouant les briseurs de grève, voire à défendre éventuellement un pouvoir discrédité en combattant leur propre peuple par les armes.

Ici réside une des contradictions les plus graves, qui ne peut pas ne pas amener les cadres de carrière à se poser des questions.

Comment expliquer aux appelés et à la nation que l’armée qui, contre un agresseur extérieur, aurait besoin de l’appui populaire, est en même temps, à l’intérieur, une force de coercition au service de la classe dirigeante, d’une classe dirigeante qui a perdu tout sens national, liée aux classes dirigeantes des autres pays capitalistes par la participation à des sociétés multinationales, exportant ses capitaux dans d’autres pays où les salaires sont plus bas, donc les profits plus grands, d’une classe dirigeante qui n’est préoccupée que de la sauvegarde de ses privilèges ?

Comment justifier devant les réservistes rappelés, fils de travailleurs manuels ou intellectuels, qu’ils doivent participer à un exercice pour le cas d’une grève de la S. N. C. F., ce qui s’est fait il y a quelques mois à Clermont-Ferrand ?

En raison de cette contradiction, l’armée se sent coupée de la nation, et c’est une autre des causes profondes de son malaise.

Si vous maintenez tous les interdits qui enferment l’armée dans un « ghetto », si vous tenez, à ce que les militaires ne soient que des robots capables de se battre sans se soucier des motifs, c’est bien dans cette mission inavouée et inavouable qu’il faut trouver l’explication.

Aussi n’est-ce pas ce statut qui surmontera le malaise de l’armée, dont les racines prennent naissance dans le caractère de votre régime et dans l’orientation de sa politique.

C’est seulement en changeant de cap, en brisant notamment la domination des monopoles capitalistes sur le pays qu’un gouvernement démocratique, appuyé sur l’union populaire, pourra donner à l’armée pour mission exclusive d’assurer, en liaison avec le peuple, la défense du territoire national et d’y préparer chaque citoyen, comme nous l’avons exposé dans notre programme de gouvernement.

C’est un tel gouvernement qui pourra établir un statut des cadres de carrière et de réserve, qui les traitera en citoyens à part entière et qui n’exigera d’eux qu’un loyalisme absolu dans le service à l’égard de l’Etat démocratique et la non utilisation du service militaire à des fins politiques.

Il établira aussi un statut du soldat qui garantira aux intéressés des conditions de vie décentes, dignes, et l’exercice de leurs droits normaux de citoyens, tandis que votre projet, pas plus que le code du service national, et bien qu’il prétende être le statut de tous les militaires, est presque muet en ce qui concerne les appelés et les cadres de réserve sortis du rang de ces derniers.

L’armée ainsi bâtie sur des fondements démocratiques, et vouée aux seules missions de la défense, retrouvera l’estime et l’affection que la nation portait en 1944 et en 1945 aux soldats des maquis et à ceux de la 2e D. B. de Leclerc, à ceux qui assiégeaient les poches de l’Atlantique, ou qui se battaient dans l’armée de de Lattre de Tassigny. ( Applaudissements sur les bancs du groupe communiste ).

M. Hervé Laudrin . Et les Forces françaises libres ? Vous les oubliez ?

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