Commentaires de l’Adefdromil sur les articles 17, 18 et 24 du projet de loi de programmation militaire N° 822.

     « Aucune blessure n’est bonne pour le droit, toutes lui sont mortelles ».

M. François Mitterrand – Le coup d’Etat permanent

 

Le projet de loi vise à limiter le risque de « judiciarisation » inutile des opérations militaires selon la volonté du Président de la République.

En l’état, les dispositions prévues sont gravement attentatoires au droit des victimes françaises blessées ou tués en opérations extérieures, soit dans le cadre strict d’un engagement contre un adversaire, soit dans le cadre d’entraînements préparatoires à l’engagement sur le territoire où nos troupes sont positionnées ou pré-positionnées.

Article 17

Cet article vise à mettre fin au déclenchement automatique de l’enquête pour recherche des causes de la mort en cas de découverte d’un cadavre à l’issue de combats.

 L’objectif recherché est contraire aux dispositions de l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4/11/1950, qui garantit le droit à la vie et impose une enquête impartiale aux Etats ayant ratifié cette convention.

 Cet article doit être purement et simplement retiré.

Article 18

Cet article vise à supprimer le droit des victimes et de leurs proches de mettre en mouvement l’action publique en cas de mort ou de blessures résultant d’un délit en particulier en cas de violation de règles de sécurité, d’imprudence.

Ces dispositions vont faciliter le classement de multiples « bavures » et accidents, puisque les poursuites seraient soumises à la seule décision du Parquet, qui, sera privé d’éléments d’enquête pertinents, faute d’enquête, si la mort est déclarée comme résultant d’un combat.

Ce projet d’article est présenté comme « un retour au droit commun » de l’article 113-8 du code pénal, qui donne seule compétence aux Parquets pour la poursuite des délits commis à l’étranger lorsque la victime est française.

En fait, les militaires en opérations extérieures ne sont ni des touristes, ni des hommes d’affaire. Ils se déplacent avec des armes susceptibles de blesser ou tuer des adversaires, des civils et leurs camarades.

C’est cette dernière catégorie qui doit être protégée.

Il y a d’ailleurs une contradiction manifeste à clamer que les militaires ne font pas un métier comme les autres (la fameuse spécificité) et à vouloir les traiter comme de simples touristes, au regard de leur responsabilité pénale.

Ce projet d’article conduit donc à une régression du droit, peu digne du pays des droits de l’homme.

Dans cette optique, l’extension de la protection fonctionnelle de l’Etat aux ayants-droit de militaires décédés organisée par l’article 22 de la loi recèle une bonne part d’hypocrisie, puisqu’on veut supprimer à ces mêmes ayants droit le droit de mettre en mouvement l’action publique en cas de décès du militaire en opération extérieure.

Dans sa rédaction actuelle, cet article est susceptible d’exempter de responsabilité pénale les auteurs et complices d’homicides, de blessures par négligence, imprudence, impéritie au mépris du droit des victimes garanti pourtant au II de l’article préliminaire du code de procédure pénale, qui serait dès lors vidé de son sens en ce qui concerne les militaires en opérations extérieures.

Article 24

Cet article vise à faire revivre le « conditionnalat », c’est-à-dire un avancement  soumis à la condition que son bénéficiaire démissionne dans un certain délai après l’obtention de la promotion promise.

Ce système a été censuré par le Conseil d’Etat dans plusieurs arrêts (n°209105 du 8/11/2000, n°212226 du 7/02/2001, n°222687 du 13/06/2003).

Ce dispositif lèse forcément ceux qui peuvent prétendre à un avancement régulier, puisque des postes susceptibles d’être occupés par des candidats méritants seront, en fait, accordés à des officiers ayant pris l’engagement de démissionner. Il est manifeste que cet engagement sera un argument de poids pour accorder la promotion fonctionnelle, au mépris du principe d’égalité entre les candidats, qui repose sur une comparaison rationnelle des mérites.

Absence de chiffrage prévisionnel des mesures d’incitation au départ.

Il serait pertinent et transparent qu’un chiffrage prévisionnel des mesures proposées au vote de la représentation nationale soit indiqué dans la loi et en particulier les contingents budgétaires prévus pour telle ou telle mesure, l’augmentation de charge prévisible pour le budget de l’Etat et notamment celui des pensions militaires.

Absence d’engagement sur les volumes de recrutements directs dans les grandes écoles militaires.

Une loi de programmation réaliste et sincère devrait s’engager sur des volumes  précis de recrutement dans les grandes écoles militaires.

En effet, les officiers recrutés par cette voie royale sont appelés à faire des carrières longues. Ce sont eux qui sont susceptibles de stagner longtemps dans des grades intermédiaires, et qui, au final peuvent encombrer la hiérarchie, retarder l’avancement et obliger régulièrement à prendre des mesures coûteuses d’incitation au départ.

 

EXTRAITS fiche thématique CEDH

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