Qui défend ou ose encore défendre les intérêts « matériels » des militaires ?

L’association amicale de l’EMSST (enseignement militaire supérieur
scientifique et technique) a organisé, le 20 janvier 2004, un
colloque à l’Ecole militaire à Paris.

L’objet de ce colloque était :  » La
Spécificité Militaire : Mythe ou
Réalité
« .

Le sous-titre de ce colloque était le même que celui de
l’article de Jean Kerdréan consultable sur le site de l’ADEFDROMIL
depuis la mi-décembre 2003 et intitulé :  » La
Réforme du Statut général des Militaires :
 »

Pure coïncidence mais tout de même significative !

Ce colloque comportait quatre tables rondes dont les thèmes
étaient les suivants :

Les fondements de la spécificité militaire.
Les armées et la société civile : Convergences et
Divergences.
Les perspectives d’évolution : une spécificité
atténuée ou renforcée ?
Vers un nouveau statut ?

Comme le rapport de la commission Denoix de Saint-Marc propose au point
4.1.4 de fixer les principes de la rémunération des
militaires sans évoquer le décret fondamental du 10 juillet
1948 que pour sa part il considère comme toujours en vigueur, le
contrôleur général des armées
Eugène-Jean Duval (c.r) avait préparé une question
portant essentiellement sur la défense des intérêts
« matériels » des militaires et tout d’abord en particulier sur
l’état de ce décret de classement en s’appuyant sur la
réponse faite par le ministère de la défense
à la question posée par un parlementaire (JO Débats
Sénat – 1er janvier 2004 – page 22 – question n° 9728 du 6
novembre 2003).

Monsieur Jean Guisnel, journaliste à l’hebdomadaire « le Point »,
ayant en quelque sorte officiellement introduit, semble-t-il, pour la
première fois, dans un débat sous houlette militaire, le
rôle joué par l’ADEFDROMIL et son actif Président,
Michel Bavoil, pour la défense des intérêts des
militaires, le contrôleur général des armées
Duval (c.r) à demandé à l’ADEFDROMIL de bien vouloir
reproduire le texte complet de la question qu’il avait
préparée et sur laquelle il espérait un débat
de fond en raison de la teneur même du rapport de la
commission.
En effet, le président de la table ronde : le professeur Olivier
Gohin, a mis fin brutalement et autoritairement à cette
intervention, estimant qu’elle n’avait pas sa place dans un tel
débat.

Il est vrai que selon le vieil adage : « de minimis non curat praetor »
(traduction libre : le chef ne s’occupe pas de broutilles) cette question
que l’ADEFDROMIL tient pour fondamentale pour la défense des
intérêts des militaires avait d’autant plus sa place dans le
débat que – répétons-le – le
rapport de la commission (point 4.1.4) fait des propositions que
l’ADEFDROMIL a tendance à juger obscures et donc dangereuses
compte tenu du passé.

En ce qui concerne l’intervention de Monsieur Guisnel dont il est fait
état, l’ADEFDROMIL tient à remercier tout
spécialement ce journaliste pour avoir posé cette question
à l’occasion d’un colloque inauguré par le
général Thorette, chef d’état-major de
l’armée de terre.

***
*

Texte complet de la question posée par le contrôleur
général Duval (c.r) mais que le professeur Gohin l’a
empêché de développer
.

« Vous avez dit  » Convergences et Divergences « , je pense
qu’entre ces deux termes il est indispensable d’introduire le terme  »
Transparences « .

J’ai sous les yeux la réponse faite par le ministère
à la question parlementaire n°9728 – JO Débats
Sénat du 1er janvier 2004 page 22 – par laquelle le
sénateur André Vantomme demandait de connaître
« comment aujourd’hui en 2003, c’est à dire cinquante ans
après ce décret initial (décret n°48-1108 du
10 juillet 1948) les militaires se situent dans cette grille ( de
classement) par rapport aux autres catégories d’agents de
l’Etat »; c’est tout simplement un refus de répondre à une
bonne question.

Après vérification, ce décret n’a pas
été abrogé, il est toujours la base de
l’instruction sur la solde. Alors à quoi sert-il? Ce que vous ne
savez peut être pas c’est que pendant longtemps, personne ne
pouvait faire le point, y compris à la Direction de la Fonction
Publique, sur l’état même des textes modificatifs pris au
cours des ans par divers ministères; mais les temps ont,
semble-t-il, changé, et à la fin de l’année 2003,
pour être précis, le décret 2003-1222 du 19
décembre 2003, était le 509ème décret
modificatif au décret de base!! Oui, j’ai bien dit « 509e
» !
Alors quelle place exacte les militaires de tous grades
tiennent-ils, aujourd’hui, dans ce classement? Ce classement est-il
encore justifié ? La rédaction du point 4.1.4 du rapport
n’est vraiment pas claire. Puis-je la relire ?

La réponse du ministère montre tout simplement que le
ministère a failli à sa mission en n’entretenant pas ou
en ne faisant pas entretenir par les services spécialisés
(en l’occurrence, les commissariats) le classement établi par ce
texte de base. Aujourd’hui, 20 janvier 2004, les armées doivent
montrer à leurs troupes et à la Fonction Publique
qu’elles s’intéressent au sort de leurs administrés;
elles doivent rétablir le classement en faisant le point de son
évolution et le mettre à la disposition des militaires et
dire de façon explicite si ce décret est supposé
être toujours applicable aux armées après adoption
des propositions peu claires de la commission sur ce point.
Connaître l’état actuel du classement établi par ce
décret sera déjà un pas extraordinaire, une base
de discussion sûre et certaine et non l’engagement de vieilles et
inutiles querelles sans preuve comme il y en eut tant dans le
passé.

Mais il y a plus, toujours pour la défense bien comprise des
intérêts financiers (en réalité des
intérêts matériels, car nous sommes tous à
la gamelle comme le disait sans ambiguïté un officier il
y a quelques décennies durant les douloureux
évènements dits d’Algérie ), il est
indispensable que les armées fassent connaître la place
des militaires dans la situation salariale des agents de l’Etat telle
qu’elle est présentée dans les études
périodiquement publiées par l’INSEE (institut national
de la Statistique et des Etudes économiques); or sur ce point,
il ne semble pas que l’étude que j’ai faite et envoyée,
en son temps, à tous les chefs d’EM il y a quelques
années ait donné lieu à renouvellement; je sais
seulement que son renouvellement a été envisagé.

A cela, pour la défense des intérêts
matériels des hommes, il faut ajouter qu’il est urgent que les
informations sortent des ordinateurs : j’ai parlé des
pensions. L’affaire est réglée, dit-on; même si
elle est réglée, comment se fait-il que les
résultats ne soient pas, semble-t-il, mieux utilisés et
surtout rendus plus transparents? C’est la seule source qui, par
exemple, permet de connaître le nombre exact de départs
article 5, les bonifications, la durée réelle des
services etc.. Excusez-moi d’intervenir à nouveau à la
première personne : j’ai, en son temps, rendu destinataire
tous les états majors, de l’étude que je fis sur une
décennie de pensions militaires (1982-1992) à partir
des documents « papier » édités annuellement par le SPA,
avec, bien entendu l’accord écrit du SGA de l’époque.
Cette étude coûteuse en frais de reproduction
était accompagnée d’une étude sur la dette
viagère de l’Etat; j’ai fait récemment une mise
à jour pour le bulletin de la CNRM
(confédération nationale des retraités
militaires) mais pour la seule partie pensions de retraite, je n’ai
pas encore eu le temps de le faire pour les pensions dites
d’invalidité.

De même, à mon sens, il est, toujours dans le cadre de
la défense des intérêts « matériels » des
militaires (je ne dirai pas professionnels, puisque la défense
des intérêts professionnels est interdite), il est
important, à mon sens, à tort peut-être, que l’on
tire de l’atlas des départs des informations statistiques
permettant de mieux connaître la population des armées,
car dans cette population il y a des personnels qui partent ayant
acquis des droits à retraite et il y en a tant d’autres qui
partent sans droits acquis à pension.

Enfin, last but not least, face à la montée des
ésotérismes au sein de la fonction publique – je dis
ésotérismes pour ne pas employer le terme de
spécificités qui serait beaucoup plus exact – il est
urgent que les militaires, pour la défense de leurs
intérêts matériels et ceux de leurs familles,
connaissent deux ou trois choses : d’une part la ventilation des primes par nature payées par
les divers commissariats ( ce renseignement est facilement
disponible, du moins l’était il y a une vingtaine
d’années dans l’armée de terre);
d’autre part la ventilation des NBI allouées dans la
fonction publique : on voit parfois des publications mais il faut
une vue d’ensemble constante, c’est tout simplement de la veille ou
de la vigilance;
enfin il serait temps que sortent des tiroirs les études
commandées par des premiers ministres et relatifs aux
primes. Il faut que vous sachiez que l’IFRAP (institut
français pour la recherche sur les Administrations
publiques) dans un des derniers numéros de la revue
Société Civile a publié des informations (pas
forcément exhaustives mais assurément fort
instructives) relatives aux primes distribuées dans le
château fort de Bercy.

Je résume mes suggestions qui, à mon sens, sont tout
à fait simples :

faire établir par les commissariats le classement actuel des
agents de l’Etat relevant du décret de 1948 afin de
connaître la position exacte des militaires au sein de la grille
de la FP; l’exploitation de la liste des 509 décrets rend cette
opération aisée.
publier les informations relatives aux pensions des militaires en
exploitant rationnellement les informations existant dans les
ordinateurs du SPA et que l’on trouve dans de volumineux documents
papier que peu de personnes lisent ou consultent.
en partant des études périodiques de l’INSEE faire
ressortir dans une étude le classement et l’évolution de
la place des militaires parmi les agents salariés de l’Etat;
établir et publier une étude comparative des NBI
attribuées aux agents de l’Etat, en partant des textes
officiellement publiés ou, à défaut, connus;
établir par les commissariats une évolution de la
répartition des primes attribuées depuis au moins dix ans
aux diverses catégories de personnels des armées.

Je tiens à préciser pour avoir travaillé
personnellement et longuement sur ces sujets, qu’il ne s’agit nullement
de travaux d’Hercule, mais tout simplement de travaux qui auraient
dû être entretenus (s’ils ne sont pas lus, c’est une autre
affaire) et qu’ aucune excuse n’est admissible dès lors
qu’il s’agit par la seule application du principe de transparence de
concourir à la défense des intérêts
matériels des personnels militaires
. »

***
*

L’ADEFDROMIL a accepté de publier le texte complet de la question
préparée par le contrôleur général des
armées Duval (c.r).

Elle estime en effet, que des réponses apportées par les
Etats-Majors à cette question fondamentale dépend pour une
large part la connaissance de la place faite aux personnels des
armées au sein de la Nation et tout particulièrement au
sein de la fonction publique.

Le contrôleur général des armées Duval (c.r)
ne mentionne que la seule question à laquelle le Ministre de la
Défense, Madame Michèle Alliot-Marie, a
répondu.
L’ADEFDROMIL précise que deux autres questions importantes
posées par Mr le Sénateur André Vantomme sont encore
sans réponse :

la première sous n°9727 du 6 novembre 2003, adressée
à Mr le ministre de la fonction publique, de la réforme
de l’Etat et de l’aménagement du territoire porte sur « le plan
de classement hiérarchique des grades et emplois civils et
militaires (J.O Débats Sénat du 6 novembre 2003 page
3252);
la seconde adressée à Madame la ministre de la
défense concerne l’échelle des soldes de sous-officiers
et officiers mariniers (JO Débats Sénat du 27 novembre
2003 page 3425).

C’est à vous adhérents de l’ADEFDROMIL, c’est à vous
sympathisants de l’ADEFDROMIL, c’est à vous tous, militaires
professionnels, que l’ADEFDROMIL demande ou recommande de faire en sorte
que des réponses précises soient apportées à
ces questions écartées du débat le 20 janvier
dernier alors que le point 4.1.4 du rapport de la commission de
révision du statut général des militaires dont le
président était Monsieur Renaud Denoix de Saint Marc semble
particulièrement ambigu si l’on tient compte du fait que le
décret de classement est toujours tenu pour la base de
l’instruction sur la solde.

Enfin, l’ADEFDROMIL s’interroge sur l’immixtion de plus en plus
importante de personnalités civiles dans le débat portant
statut général des militaires et leur propension à
écarter systématiquement de celui-ci les points
fondamentaux s’y rapportant. Ont-ils reçu mission du gouvernement
ou de la Haute hiérarchie de nous faire avaler une nouvelle fois
des couleuvres ? C’est fort probable mais que je sache, les
autorités militaires ne sont pas consultées lorsqu’il
s’agit de réformer le statut des fonctionnaires ou le Code du
travail !

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