Question parlementaire – Assemblée nationale – N° 41576 – Interprètes afghans : la France ne doit pas les abandonner

Question N° 41576
de M. Alexis Corbière (La France insoumise – Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Armées
Ministère attributaire > Armées

Rubrique > étrangers

Titre > Interprètes afghans : la France ne doit pas les abandonner

Question publiée au JO le : 05/10/2021 page : 7246
Réponse publiée au JO le : 15/03/2022 page : 1700

Texte de la question

M. Alexis Corbière attire l’attention de Mme la ministre des armées sur la situation des auxiliaires de l’armée française s’étant engagés aux côtés des troupes françaises en Afghanistan. Entre 2001 et 2014, près de 1 067 personnels civils de recrutement local (PCRL) ont travaillé pour l’armée française. Comme cuisiniers, interprètes, chauffeurs, tous ont fait le choix de servir la France, souvent au péril de leur vie. Perçus comme des traîtres par les talibans, les menaces de mort à leur encontre n’ont jamais cessé. Or, depuis le départ des troupes françaises en 2014, seule une partie d’entre eux a pu obtenir des visas pour la France. Au fil des trois procédures de relocalisation mis en place entre 2012 et 2018, nombre d’entre eux se sont heurtés à des démarches administratives complexes se soldant tantôt par le silence du ministère des armées, tantôt par le refus de toute protection sur motifs douteux. Dans une note du 3 juin 2021, le ministère justifie ces procédures en officialisant son déni : « les personnels civils afghans ne sont pas particulièrement ciblés » ni même « officiellement menacés ». Pourtant, le 22 juin 2021, Abdul Basir, un ancien PCRL qui s’était vu refusé trois fois sa demande de rapatriement, fut assassiné par les talibans. Sur le terrain, les équipes diplomatiques et militaires ne comprennent pas cette politique et s’insurgent du sort réservé à celles et ceux qui les ont appuyés dans leurs missions malgré les risques évidents de représailles. Pire, en dépit des efforts déployés par les équipes diplomatiques et militaires dans le cadre de l’opération Apagan, près de 180 PCRL seraient encore sur place, selon les avocats chargés du suivi de leurs dossiers. Pour les PCRL rapatriés, le parcours du combattant se poursuit en France. Considérés comme « demandeurs d’asile » de droit commun, ils ne bénéficient d’aucun droit spécifique et doivent batailler pour obtenir un hébergement et une allocation. Preuve de l’impréparation du Gouvernement, aucun personnel de l’OFPRA, de l’OFII ou des services préfectoraux n’a reçu de directives précises pour accompagner les auxiliaires rapatriés en France. M. le député demande donc si des mesures immédiates seront prises pour assurer l’octroi de droits spécifiques aux PCRL rapatriés. Il demande aussi si des mesures seront prises pour assurer la protection et le rapatriement des PCRL demeurés en Afghanistan. Enfin, il lui demande si elle va examiner les propositions formulées au sein de son rapport parlementaire, en avril 2021, telles que la création d’un dispositif légal de relocalisation et d’un comité de suivi.

Texte de la réponse

La France s’est engagée en Afghanistan entre 2001 et 2014 sous mandats successifs du conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies afin d’aider l’Autorité intérimaire afghane, puis le gouvernement afghan à maintenir la sécurité sur son sol. Quatre-vingt-dix militaires français sont morts au combat au cours de cet engagement en soutien au peuple afghan. Comme la plupart des autres nations engagées, la France a eu recours à des personnels civils recrutés localement (PCRL) pour aider les forces dans leur mission au profit de la population afghane. Au total, près d’un millier d’Afghans a été employé aux côtés de la France dans des fonctions diverses (interprètes mais aussi chauffeurs, cuisiniers, etc…). Dès la décision de retrait des forces françaises, les services de l’État se sont mobilisés pour accueillir sur le territoire français ceux des auxiliaires afghans et leurs familles qui se trouvaient menacés du fait de leur service auprès des armées françaises et qui souhaitaient obtenir l’asile en France. Ainsi, la France a organisé des campagnes de délivrance de visa et d’accueil sur son territoire en tenant compte de la réalité de la situation individuelle de chacun. Entre 2012 et 2015, le rapatriement d’ex-PCRL avec leurs familles, soit 550 personnes, a été conduit en deux vagues. En 2017, compte tenu de la dégradation des conditions sécuritaires en Afghanistan, le Président de la République a souhaité que la situation des anciens PCRL soit reconsidérée. Une mission interministérielle, pilotée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, a procédé au réexamen des dossiers, notamment de ceux qui avaient été déboutés de leur demande de visa lors des campagnes précédentes. Ce nouveau dispositif d’accueil a bénéficié à 218 personnes supplémentaires. Ainsi, bien après le départ des forces françaises, la France a agi avec humanité et responsabilité en accueillant sur son sol près de 800 personnes avant la crise de cet été. À celles-ci s’ajoutent les personnes qui avaient apporté leur soutien aux services diplomatiques et divers services français locaux, soit 600 personnes. La chute brutale de Kaboul à la mi-août a conduit au lancement de l’opération APAGAN d’évacuation des ressortissants français mais également et en très grande majorité d’Afghans dont des anciens employés des armées françaises. À cette occasion, plus de 2600 Afghans ont été évacués, sur les 2834 personnes ayant quitté Kaboul à bord des avions militaires français. Cette opération a été d’une immense complexité et a représenté un très grand danger pour nos équipes à Kaboul. Au total, ce sont 4000 Afghans qui ont été accueillis en France. Depuis la fin de l’opération APAGAN, l’ensemble des services de l’État restent mobilisés pour continuer à évacuer les familles qui le demandent, selon des modalités en cours d’élaboration. Par ailleurs, dès leur arrivée en France, les Afghans sont accueillis et accompagnés par les services de l’État, en particulier en matière de démarches administratives et de solutions d’hébergement, et font l’objet d’un suivi destiné à faciliter leur intégration. Enfin, les propositions formulées dans le rapport d’information de la commission de la défense nationale et des forces armées sur les personnels civils de la Défense sont étudiées avec attention par les services de l’État.

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