L’été meurtrier

Politicien, familles ou médecin, chacun a eu le tort de partir en vacances au mois d’août. Mais c’est souvent comme cela, les absents ont toujours tort. Et puis, au mois d’août, il ne se passe jamais rien.

D’aucuns feront remarquer à juste titre que toute catastrophe, qu’elle soit humaine, tellurique ou climatique, comporte généralement quatre phases distinctes : pré critique, critique, post-critique, et enfin inter critique.

Ceux d’entre nous qui ont connu l’outre mer et ses tempêtes tropicales comprendront mieux ce que je veux dire. Ce n’est pas quand le cyclone vous tombe dessus que vous clouez les volets et rentrez le mobilier de jardin, c’est juste avant, alors que tout paraît si calme.

En phase pré critique on vous aura mis en alerte, mais vous n’ignoriez pas être en pleine saison cyclonique. En phase critique vous avez fait le dos rond en consommant les réserves et vous éclairant à la bougie. En post critique vous avez fait le tour de la maison, puis du quartier. Vous avez réparé les dégâts, appliqué les plans de secours prévus de longue date et noté les imperfections ou inadéquations de ces plans.

Puis, enfin au calme, vous avez réfléchi avec d’autres à améliorer chaque détail en vu de l’année suivante.

Dans le même ordre d’idée, on soutiendra difficilement que la chaleur, au mois d’août, constitue une surprise. Que l’isolement des personnes âgées, ou la pénurie de personnels médicaux et paramédicaux est une surprenante nouveauté. Qu’une forêt non entretenue et encombrée de dix années de broussailles explose de façon étonnante en période de sécheresse.

Mais, nous répète-t-on à l’envie, ce ne sont pas les événements qui ont surpris les organismes, instances ou administrations concernées, c’est leur ampleur. Peut-être, mais qui peut le plus peut le moins et les cyclones dans nos DOM-TOM surprennent plus par la faiblesse des dégâts que par leur asthénie propre. Qui peut encore ignorer que chaque maison y est construite selon des normes imposées justement pour les atténuer ?

Chez nous, dans notre chère métropole, et dans l’immédiate phase post-critique, il est de coutume de reprocher aux pouvoirs publics incompétence et absence de clairvoyance. Dans un premier temps. Puis de les submerger de propositions visant à éviter à l’avenir que pareille chose se reproduise.

Dans la précipitation et l’urgence désormais très relative, lesdits pouvoirs publics vont pondre une multitude de règlements dont le bénéfice attendu est plus politique immédiat que préventif à long terme.

Jusqu’à la prochaine catastrophe.

De l’invraisemblable surmortalité des personnes âgées

Il faut débloquer des fonds pour soigner, loger, distraire, remotiver, redynamiser nos grands anciens ? Bien entendu, nul n’en disconvient, mais c’était déjà une évidence avant l’été et on se consacrait plutôt à augmenter la partie du financement restant à leur charge, faire disparaître leurs médicaments dit « de confort » et diminuer le montant des aides sociales individuelles ou collectives.

Il faut augmenter le nombre de places dans les maisons de retraite dont les charges augmentent chaque année par la simple application des normes de sur sécurité ? Mais on pourrait aussi redonner aux familles l’envie et les moyens de s’occuper des ancêtres (encore faut-il que cette famille existe). Par exemple en inciter fiscalement et fortement les descendants potentiels (au sens le plus large possible), non seulement par des déductions sur les revenus, mais plus largement sur les taxations foncière et locale. Un ou deux millions d’initiatives individuelles, même financièrement incitées, peuvent être plus efficaces qu’un prélèvement supplémentaire, coûteux et spécifique (bonjour le principe de non affectation de recettes aux dépenses) suivi d’une redistribution selon des critères compliqués. Il est notoire que bien des indigents ne profitent déjà pas des aides légales du fait même des difficultés à constituer les dossiers correspondants.

Les médecins ruraux sont partis en vacances sans prendre de remplaçant ? Mais il n’y a plus assez de remplaçants et on n’en sollicitait un, autrefois (qu’on payait fort mal), que dans la mesure où son absence pouvait inciter les patients à aller chez le docteur d’en face. Or, il n’y a plus de docteur en face et cette pénurie a été voulue et organisée pour, là encore, diminuer les dépenses de santé.

De la destruction des forêts, de la mort des pompiers et de la folie des incendiaires

Chaque année, à peu près au même moment, des forêts de résineux étouffées par leurs broussailles desséchées s’embrasent de façon explosive. Chaque année ou presque des pompiers y perdent leur vie, des gens y laissent leurs biens, et le contribuable une bonne partie de ses contributions. A chaque fois on retrouve des incendiaires, involontaires ou non.

Et, chaque fois le calme revenu, des voix s’élèvent pour demander des moyens de lutte supplémentaires, des mesures de prévention, et le châtiment exemplaire du bouteur de feu.

Nul n’a besoin d’être un spécialiste en sylviculture, ni un incendiaire maladif, pour comprendre qu’il est plus difficile d’allumer un feu de pelouse qu’un feu de broussailles. Et que même un feu de feuilles mortes n’aura pas la puissance suffisante pour se communiquer violemment aux cimes des arbres. Dans certaines régions, ce sont des vignes qui ont stoppé l’incendie.

Il n’est pas non plus nécessaire d’être un stratège du feu pour deviner qu’un véhicule aura du mal à se frayer un chemin jusqu’au sinistre si le sentier est étroit, mangé des deux côtés par une végétation sauvage et dense, ou bordant un précipice. A ce niveau il est évident que toute retraite est quasi impossible, et que le combat dans de telles conditions non préparées, est condamné plus sûrement à l’héroïsme qu’à l’efficacité.

Alors, manquons-nous à ce point de textes de loi pour contraindre les propriétaires, particuliers ou collectivités, à nettoyer leur propriété ? Les assurances dont les pertes sont colossales et se répercutent sur nos factures ont-elles perdu leur puissance de dissuasion à passer outre ? Sommes-nous démunis en DDE, ONF, et autres responsables de l’aménagement du territoire dont le rôle est de remplacer les paysans, leurs cultures et leurs chèvres ? Et enfin, ne peut-on convier une infime partie des écologistes subventionnés du Larzac à leur prêter main forte, ne serait-ce que quelques jours par an ?

Là encore, l’action individuelle, contrainte ou fortement incitée, peut avoir plus de résultats qu’une nouvelle usine à gaz institutionnelle, l’achat d’une multitude de matériel sans utilité onze mois sur douze, ou l’inflation des peines infligeables (en théorie) à des individus dont le cerveau est déjà carbonisé.

Du nouveau statut général des militaires

Rien, il ne s’est rien passé (et c’est aussi pour cela qu’il vaut mieux parler d’autre chose).

En dehors de deux ou trois soubresauts d’associations « représentatives » dont on ignorait jusqu’à l’existence, c’est le mutisme absolu.

On en vient à se demander si les pieuses intentions de réforme du statut ne suivront pas le même chemin que les engagements pris, main sur le coeur, de ne pas toucher au budget de la Défense.

Mais rien de plus normal, nous n’en sommes pas encore à la phase critique. Pour les modifications, attendre la phase post-critique.

Renaud Marie de BRASSAC

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