Droits de l’homme et libertés publiques

Question N° : 65066 de M. Gille Jean-Patrick ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Indre-et-Loire )

Texte de la question

M. Jean-Patrick Gille attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur la délibération que la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) a adopté récemment.

Cette délibération recommande notamment au Gouvernement « la fin anticipée des mesures transitoires applicables aux ressortissants roumains et bulgares », ainsi que le rappel « aux préfets, recteurs et directeurs d’établissements [de] leurs obligations concernant l’inscription à l’école des enfants roms ».

« On compte entre sept et neuf millions de Roms dans l’Union européenne », rappelle la Halde dans cette décision adoptée le 26 octobre dernier, en ajoutant qu’ils ont commencé à venir dès 1989 en France, où leur population est aujourd’hui estimée entre 8 000 et 10 000 personnes, dont 40 % d’enfants.

« Tout traitement non discriminatoire respectueux de leurs droits fondamentaux impose de mettre fin à la politique d’expulsions de groupes ciblés et à l’exclusion spécifique de tout dispositif éducatif sanitaire ou social dont ces populations sont victimes », conclut la Halde en formulant neuf recommandations allant dans ce sens.

Outre la fin des mesures transitoires et le rappel de l’obligation de scolarisation des enfants roms donc, la Haute autorité demande aussi la suppression de la taxe de l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) à laquelle ils sont soumis dès leur entrée sur le territoire sur l’emploi et l’accès à Pôle emploi.

Elle préconise également que soient révisées les conditions de mise en oeuvre du dispositif d’aide au retour humanitaire de manière à assurer une réelle prise en compte des situations individuelles, de même que doit être mis en place un dispositif d’élection de domicile « accessible et efficace ».

Il est de même souhaitable, pour le collège de l’instance, de régulariser les Roms roumains et bulgares qui avaient déjà un titre de séjour avant l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’UE.

Dans les départements où les Roms sont les plus présents, il faut par ailleurs « adopter une politique d’accueil globale et de programmes départementaux », prône encore la Halde, qui réclame aussi « l’accès sans délai » des femmes enceintes et de toutes les personnes malades à l’aide médicale de l’État (AME). Il lui demande quelles suites le Gouvernement compte donner à ces recommandations.

 

Texte de la réponse

 

La population « Rom » originaire de plusieurs pays de l’Europe de l’Est, notamment de Bulgarie et de Roumanie, États membres de l’Union européenne depuis le 1er janvier 2007, est composée de citoyens de l’Union européenne.

Ces personnes bénéficient ainsi de la liberté de circulation et du droit de séjourner sur le territoire des États membres, sous réserve de posséder des ressources suffisantes et une couverture sociale.

Cette condition est requise à l’égard de tous les citoyens de l’Union européenne séjournant dans un autre État membre en qualité de non actifs, conformément à la directive 2004/38/CE qui a défini les conditions d’exercice du droit de circulation et de séjour des ressortissants communautaires sur le territoire des États membres.

Les ressortissants roumains et bulgares peuvent ainsi effectuer en France des séjours d’une durée de trois mois, à la condition de ne pas constituer, selon les termes de la directive précitée, transposée dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale.

Ceci signifie qu’ils n’ont pas vocation à bénéficier, pendant cette période, des aides ou des prestations sociales de la part des organismes sociaux français. S’ils souhaitent résider plus de trois mois en France, ils doivent satisfaire aux conditions requises pour bénéficier d’un droit de séjour en qualité soit de travailleurs soit de non actifs soit d’étudiants.

Lorsqu’ils projettent d’exercer une activité professionnelle, ils doivent solliciter au préalable un titre de séjour et, s’il s’agit d’une activité salariée, une autorisation de travail.

La liberté d’installation en qualité de salarié ne leur est effectivement pas encore reconnue, en application des dispositions des traités d’adhésion de leur pays à l’Union européenne, qui permettent le contrôle de l’accès au marché national de l’emploi de l’État d’accueil pendant une période transitoire de sept ans maximum se décomposant en trois périodes d’une durée respective de deux, trois et deux ans.

Les ressortissants roumains et bulgares sont donc actuellement soumis en France à la deuxième phase de la période transitoire, qui s’achèvera dans moins de deux ans.

Une éventuelle prorogation de ce contrôle au-delà de cinq ans ne pourrait intervenir que si le marché national du travail subissait ou était menacé de subir des perturbations graves, après avis de la Commission européenne.

Il sera mis fin à la taxe de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), due par l’employeur lors de la première admission au travail du salarié roumain ou bulgare, dès lors que la période transitoire s’achèvera.

Cependant, l’accès sans opposition de la situation de l’emploi à une liste de cent cinquante métiers connaissant des difficultés de recrutement a été d’ores et déjà ouvert à ces ressortissants, qui peuvent accéder à un large éventail d’activités couvrant la presque totalité des secteurs professionnels (bâtiment et travaux publics, hôtellerie, agriculture, mécanique, services aux particuliers, etc.).

Si leurs employeurs demeurent tenus, pendant la période transitoire, au paiement des taxes dues à l’OFII lorsque les intéressés sont admis pour la première fois au séjour en qualité de salariés, il n’en demeure pas moins que ces ressortissants bénéficient, dès à présent, de facilitations pour l’exercice d’une activité professionnelle en France.

Ces facilitations leur ayant été reconnues dans des délais plus rapides qu’aux ressortissants des États ayant intégré l’Union en 2004, il n’est pas envisagé, pour le moment, de mettre fin par anticipation au régime transitoire qui leur est applicable.

En revanche, la liberté d’établissement (professions libérales, commerciales, industrielles et artisanales) et de prestation de services leur est ouverte depuis le 1er janvier 2007, dès lors qu’ils justifient des mêmes conditions que celles requises des nationaux.

Les ressortissants roumains et bulgares qui, n’ayant pas le statut de travailleurs, ne possèdent pas des moyens d’existence suffisants (d’un niveau équivalent au revenu de solidarité active) non issus de l’assistance sociale ainsi qu’une couverture sociale, ne peuvent revendiquer un droit de séjour en France et peuvent faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire.

Ces règles s’appliquent à l’ensemble des ressortissants roumains et bulgares, comme à tous les autres citoyens de l’Union européenne, la loi ne permettant pas d’opérer une distinction en fonction de l’appartenance à une communauté.

Par ailleurs, lorsqu’un citoyen de l’Union européenne séjournant dans un État membre autre que celui dont il possède la nationalité y adopte un comportement menaçant gravement l’ordre public, il peut faire l’objet d’une mesure d’expulsion.

L’expulsion pour des motifs graves d’ordre public est donc possible.

Un comportement troublant l’ordre public dans les trois mois suivant l’entrée permet la reconduite à la frontière sur le fondement du 8° du II de l’article L. 511-1 du CESEDA. La menace doit être actuelle, réelle et suffisante, quand bien même elle ne requiert pas le degré de gravité justifiant l’expulsion. Le délai de départ ne peut être inférieur à un mois, sauf urgence.

Le retour au pays peut aussi s’effectuer dans le cadre du retour volontaire soutenu par l’aide humanitaire au retour financée par l’Office de l’immigration et de l’intégration (OFII). Il s’agit alors de procédures individualisées, aidées financièrement et accompagnées socialement dans la perspective d’un retour durable.

Des aides à la réinsertion dans le pays d’origine peuvent prendre le relais de l’aide au retour.

En 2008, 7 842 ressortissants roumains ont été éloignés du territoire français dont 6 413 dans le cadre de l’aide au retour. En 2009, 8 439 éloignements ont été réalisés dont 7 251 retours aidés.

S’agissant des ressortissants bulgares, 1 064 ont été reconduits en 2008 et 851 au cours de l’année 2009, dont 658 retours aidés.

Cependant, pour les ressortissants roumains ou bulgares déjà titulaires d’une carte de séjour en France avant l’adhésion de leur pays d’origine à l’UE, la demande de renouvellement de leur titre est traitée en tenant comptes des droits acquis au regard du droit au séjour et au travail – conformément à l’article R. 121-16 du CESEDA -, lorsqu’elle a été présentée dans le délai réglementaire.

 

Source : JO du  09/03/2010 page : 2751

 

À lire également