Panorama de jurisprudences récentes concernant les militaires.Avril à octobre 2013 (Par Jacques BESSY, président de l’Adefdromil) 1ere partie

 1 – Lien au service

11 Non renouvellement de contrat  CAAMarseille 18/10/2013  N° 12MA03820

Le non renouvellement d’un contrat en raison de la manière insuffisante de servir de l’intéressé n’a pas un caractère disciplinaire. Dès lors, la décision n’a pas à être précédée de la communication du dossier et n’a pas à être motivée.

1. Considérant que M.C…, engagé sous contrats régulièrement renouvelés depuis le 5 janvier 1988 en qualité de militaire infirmier et technicien des hôpitaux des armées pour exercer des fonctions d’aide-soignant, s’est vu refuser le renouvellement de son contrat et a été rayé des contrôles de l’armée à compter du 24 février 2011, par une décision du ministre de la défense du 23 juillet 2010 ; que M. C…a formé un recours devant la commission des recours des militaires ; que ce recours a fait l’objet d’un rejet implicite par le ministre de la défense au terme d’un délai de quatre mois ; que M. C… a saisi le tribunal administratif de Toulon d’une demande tendant à l’annulation tant de la décision du 23 juillet 2010 que de la décision implicite de rejet de son recours préalable ; que cette demande devait être regardée comme dirigée contre la seule décision implicite de rejet du recours préalable obligatoire qui s’est substituée à la décision initiale et qui est seule susceptible de recours ; que M. C…relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

2. Considérant que, par une note datée du 6 décembre 2010 adressée au président de la commission des recours des militaires, le service de santé des armées indique que, depuis son affectation en service de réanimation en septembre 2008, le requérant a montré des carences relationnelles avec ses collègues de travail et surtout avec certains patients ; que son contrat a néanmoins été renouvelé pour une année afin de lui permettre d’adapter son comportement à son environnement institutionnel et professionnel, mais que l’adaptation espérée du comportement de l’intéressé ne s’est pas produite ; que cette note indique par ailleurs que le non-renouvellement du contrat de M. C…est également motivé par l’impossibilité d’affecter l’intéressé dans un emploi en relation avec ses qualifications d’aide-soignant ; que ce motif, non contesté par l’intéressé, est corroboré par deux attestations versées par M.C…, lesquelles indiquent incidemment qu’il était chargé, au sein de l’hôpital où il était affecté, de fonctions de manutentionnaire en réserve, ne relevant pas des fonctions normalement dévolues à un aide-soignant ; que M. C…ne soutient, ni même n’allègue, que l’affectation à ces fonctions de manutentionnaire révèlerait la volonté de le sanctionner ; que, dans ces conditions, et alors que M. C…se borne à soutenir que la décision en litige est fondée sur le caractère insuffisant de sa manière de servir, il ne ressort pas des pièces du dossier que le non-renouvellement du contrat du requérant serait fondé, ainsi qu’il le soutient, sur un motif disciplinaire ; que, par suite, la décision en litige n’impliquait pas que M. C…fût mis à même de présenter des observations ou de présenter une défense préalablement à son édiction ; que cette décision, même si elle a été prise en considération de la personne de l’intéressé, n’est pas non plus au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l’intéressé ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier, ni au nombre de celles qui doivent être motivées en application des dispositions de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

12 – Retrait d’une offre de démission et référé « suspension ». Arrêt CE n°370463 du 9 octobre 2013  

Une offre de démission peut être retirée par le militaire  tant qu’elle n’a pas été acceptée ou tant que l’acceptation de la démission n’a pas été notifiée.

La perte de rémunération constitue la condition d’urgence requise par le code de justice administrative pour demander la suspension d’une décision devant le juge des référés.

Dès lors, un militaire est fondé à demander la suspension de l’acceptation de sa démission intervenue postérieurement au retrait de l’offre de démission.

« 8. Considérant, d’une part, que Mme B…soutient sans être contestée que son administration d’origine n’est pas en mesure de la réintégrer avant le mois d’avril 2014 et qu’elle sera privée pendant cette période de sa rémunération ; que, dans les circonstances de l’espèce, la condition d’urgence doit être regardée comme établie ;

9. Considérant, d’autre part, qu’il ressort des pièces du dossier que Mme B… a présenté sa démission de l’armée, et donc la fin de son détachement, le 1er février 2013 ; que cette démission a été agréée d’abord par une décision du 20 mars 2013 ; que, la décision du 30 avril 2013 contestée a, en premier lieu, annulé celle du 20 mars 2013 et, en second lieu, agréé sa démission ; que dans ces conditions, Mme B…ayant retiré sa démission le 19 avril 2013, soit avant l’intervention de la décision contestée du 30 avril 2013, le moyen tiré de ce que cette décision, ayant retiré l’agrément de sa démission du 20 mars 2013, reposerait sur une inexactitude matérielle en tant qu’elle accepte une démission que Mme B…avait retiré le 19 avril 2013, est de nature, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute sérieux sur sa légalité ; que par voie de conséquence, ce moyen est également susceptible de faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision du 7 mai 2013 rejetant le recours gracieux de Mme B… ; 

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la demande, que Mme B…est fondée à demander la suspension de la décision 30 avril 2013 en tant qu’elle accepte sa demande de résiliation de son contrat d’engagement et de la décision du 7 mai 2013 rejetant son recours gracieux ; »

13 –  Non admission SOC et motivation. CE 10/04/2013  n°357163 

La décision de non admission dans le corps des sous-officiers de carrière de la gendarmerie ne fait pas partie des décisions devant être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979.

Considérant qu’aux termes de l’article 21 du décret du 12 septembre 2008 portant statut particulier du corps des sous-officiers de gendarmerie, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : “ Les sous-officiers de gendarmerie de carrière sont recrutés au choix parmi les sous-officiers de gendarmerie engagés, qui ont demandé leur admission à l’état de sous-officier de carrière. (…) “ ; qu’il résulte de ces dispositions que l’accès au corps des sous-officiers de carrière n’est pas de droit pour les sous-officiers sous contrat qui en remplissent les conditions ; que, par suite, le tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit en relevant que la décision litigieuse, qui ne refuse pas un avantage dont l’attribution constituerait un droit pour les personnes remplissant les conditions légales pour l’obtenir, était au nombre de celles qui doivent être motivées en vertu de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son jugement doit être annulé ;

2 Mesures disciplinaires.

Suspension de fonctions. Arrêt CAA Nancy n°13NC00534 du 17/10/2013

Le régime juridique de la suspension de fonction est le même que celui des sanctions. Et le militaire suspendu peut faire contrôler la légalité de la mesure directement par le juge administratif sans passer par la commission des recours des militaires qui est incompétente. La faute fondant la mesure de suspension de fonction doit être suffisamment grave. A défaut, la mesure de suspension de fonctions est disproportionnée. C’est ce que rappelle la cour administrative d’appel de Nancy qui déboute le ministre de son appel et condamne l’Etat à payer 2000 euros au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative.

« 5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, que l’arrêté litigieux portant suspension du capitaine A…est motivé par le fait qu’il a autorisé l’organisation d’un repas au sein de sa compagnie, auquel il a participé avec des membres de sa famille dans la soirée du 18 février 2012 ; que s’il est constant que M. A…a ainsi enfreint les consignes et règlements en s’abstenant d’informer le commandement de l’organisation de ce repas et en y autorisant la présence de personnes civiles, la faute ainsi commise n’est pas d’une gravité suffisante pour justifier une mesure de suspension immédiate ; que la circonstance qu’au cours de cette soirée sa fille, âgée de 24 ans, a été victime d’une agression sexuelle par un tiers non identifié est sans influence sur la gravité des faits reprochés à l’intéressé ; que, dès lors, c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les faits reprochés à M. A…ne présentaient pas un degré suffisant de gravité de nature à justifier qu’il soit suspendu de ses fonctions dans l’intérêt du service ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé sa décision du 22 février 2012 ; » 

suite de cet article le 6 novembre 2013

 

 

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