Une bien curieuse rencontre, avec l’histoire

En tant que président de l’Adefdromil, j’ai reçu, il y a quelques jours un ouvrage intitulé « A la croisée des chemins » ; son auteur est Eugène-Jean Duval, il est, comme vous le savez si vous avez lu « le piège de la spécificité », long article paru sur le site, contrôleur général des armées en 2ème section, c’est-à-dire en retraite.

Et voilà que sans indiquer son grade (du reste il était loin de l’avoir en Indo), il livre une histoire sous forme de roman. Je crois que cette histoire, à l’exception d’un fil rouge, sans doute très ténu, vous pouvez la tenir pour véridique. Je n’ai pas pu résister à vous en informer avec, bien entendu, l’accord de l’auteur.

Il est évident que cette histoire vécue ne correspond pas tout à fait à la mentalité d’aujourd’hui, les temps ont changé, c’est tout, c’est l’évolution : à cette époque les parents n’allaient pas  sur place voir où leur enfant, majeur, donc ayant le droit de s’engager librement, était mort pour la démocratie, la liberté du monde, comme disent aujourd’hui les politiques douillettement calfeutrés dans des palais nationaux. Demain, ces « politiciens » n’hésiteront peut-être  pas à sacrifier l’armée sur l’autel de la patrie sans terre et pourquoi pas sans père. Mais revenons à cette histoire que j’ai qualifiée Curieuse, je vais vous en dire un peu plus pour que vous sachiez ce qu’ont fait vos anciens.

Comme tout mauvais lecteur, je suis allé de suite à la dernière page du bouquin, et les trois dates et lieux 1987-1995-2007, Saint-Philibert, Paris, Madère, ainsi que le Inch Allah, final, m’ont intrigué et j’ai demandé à l’auteur quelles en étaient les raisons.

Je vous les livre, c’est tout simple mais il faut connaître ; ce n’est pas un roman à clés comme on dit dans le monde de la fiction littéraire contemporaine, non c’est banal mais c’est une histoire si proche de nous.

En 1986, l’auteur lit dans la Revue Historique des Armées [1] un article signé sur l’opération Auvergne en Indochine et incidemment sur Vannuxem.  Je connais, se dit l’auteur et il poursuit sa lecture. Il se rend compte que c’est un récit à tire d’aile, pourrait-on dire, un survol de très grande hauteur, pas au ras des pâquerettes, comme on dit. Immédiatement, il commence à  prendre sa plume mais pour ses petits enfants, ce qui explique 1987 et Saint-Philibert, parce que ce sont ses devoirs de vacances, cette année-là.

Je vous laisse découvrir ce que l’auteur raconte sur la fin de la guerre d’Indochine et sur les débuts de celle qu’en 1999 le législateur ose appeler  la guerre d’Algérie, érigeant ainsi des évènements en une guerre tragique et sanglante.

L’auteur, comme beaucoup de militaires, est passé de l’Indochine en Algérie, presque directement, après un détour par Rivesaltes, le grand camp de la fin des années trente, construit, dit-on, pour recevoir des réfugiés espagnols. Que peut-on dire de tout cela, aujourd’hui? Ce n’était pas triste les débuts de l’Algérie avec ceux que l’on a appelés « les rappelés » et surtout de se trouver dans la même région qu’un certain Bigeard, bien connu par ses écrits.

Mais alors, allez-vous me dire, où est le « curieux » là dedans ?

Le curieux, là dedans, est qu’en Indochine, le lieutenant Querscoët, de réserve servant en situation d’activité,  a fait, dans des circonstances surprenantes mais réelles m’a dit l’auteur, la connaissance de Mohammed, un adjudant de tirailleurs marocains – qu’il avait projeté de retrouver au Maroc à l’automne 1955 –  et que, par le plus grand des hasards, il a retrouvé en Algérie au tout début de l’année 1956,  dans un poste des Aurès où était stationnée la compagnie de Mohammed. Il faut, en toute hâte, selon le Commandement relever toutes les unités marocaines car, à cette époque, en 1956, les Marocains désertent ! Eh oui !

Et alors 1995, c’est quoi et pourquoi ? Là aussi, c’est tout simple. En 1995, un de ses camarades du régiment d’infanterie coloniale de Constance (Allemagne), devenu ami, l’invite à aller au Maroc, dans une villa qu’on lui prête à Agadir pas loin des endroits où eut lieu le tremblement de terre. C’est ainsi que pendant deux ou trois jours, les Querscoët et les Voyne (c’est leur nom dans le roman) arpentent les rues d’Agadir en bons fantassins qu’ils furent. Au bout de trois jours, ils en ont marre de marcher à pied, en long, en large et en travers, ils commencent à connaître Agadir, les épouses ne cessent de leur dire qu’elles ne se sont pas engagées dans la coloniale. Assis sur un muret, pour souffler, devant la mosquée, ils se font héler par l’unique chauffeur de taxi qui, sortant de la grande mosquée et remettant sa blouse bleue en nylon, leur propose ses services. Et c’est parti pour une belle virée au Maroc en Mercedes D 240 où l’on tient à cinq sans se serrer.

Pendant que les amis des Querscoët tentent de se remettre au « cumin noir » d’une turista sévère, Querscoêt et son épouse discutent en déjeunant sous les platanes de l’hôtel du même nom, à Immouzer, ancienne garnison française, avec Mohammed. Quelle surprise ! Querscoët et Mohammed se reconnaissent, enfin ! , se retrouvent et échangent leurs souvenirs. Querscoët s’était rasé, tout est dans la barbe ! Inch Allah !

Au retour, en 1995, à Paris, l’auteur a retracé cette rencontre, tout à fait inattendue et Allah eût dit, pour le moins surprenante.

Pourquoi ne pas raconter ce qui s’est réellement passé ? C’est ce que s’est dit l’auteur, constatant le flot d’ouvrages  à caractère plus ou moins historique sur le thème des colonies, c’est ce qui explique qu’en villégiature à Madera, en 2007, muni de son fidèle ordinateur portable, un 1234, il en a profité pour corriger ces souvenirs qu’il avait depuis 1987 portés d’un ordinateur à l’autre !

Vous savez tout ou presque, c’est vraiment Curieux, le déroulement de l’Histoire !

 Bonne lecture !

                                                                               Michel Bavoil,

                                                                 président fondateur de l’Adefdromil.

 

PS – Ce livre est publié en contrat participatif (formule proche du compte d’auteur, moyennant un versement préalable de l’auteur de 2.500€) par les éditions THELES – 11 rue Martel – ¨Paris 10.

[1] Revue historique des armées N°139 – juin 1980

Lire également:

Aux sources officielles de la colonisation fr.

Eugène-Jean Duval

La colonisation, qu’on le veuille ou non, est une politique conduite par un pays à un moment donné de son histoire, elle s’inscrit certes dans le grand mouvement de la marche des civilisations, mais elle n’en traduit pas moins une volonté d’imposer les diverses formes de son imperium sur d’autres territoires. Ce premier tome s’étend jusqu’à la guerre de 1870, période durant laquelle les systèmes politiques français n’ont cessé de changer, la Constitution de notre pays n’a pas été immuable, le résultat, de ce fait, ne peut qu’être très varié. C’est tout cela que l’auteur démontre en s’appuyant sur des sources officielles.

 

 

   
 
 
 

 

 

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