Rapport sur le moral : groupement de gendarmerie départementale du Finistère

GENDARMERIE NATIONALE
Région de gendarmerie de Bretagne le 24 septembre 2007
GROUPEMENT DU FINISTERE
12, place de la Tour d’Auvergne – 29107 QUIMPER

N° 931 / 2-CDT

R A P P O R T
du Colonel …
Commandant le groupement de gendarmerie départementale du Finistère

O B J E T : Rapport sur le moral
Réunion commission de participation groupement du jeudi 13 septembre 2007.

DESTINATAIRE : Général de division, commandant la région de gendarmerie de Bretagne.

Le présent rapport a été rédigé conformément à la circulaire de référence, à partir des rapports des commandants des six compagnies, de l’escadron départemental de sécurité routière et après réunion de la commission de participation du groupement du Finistère.

Les militaires se demandent toujours pour quelles raisons le rapport sur le moral existe puisqu’il n’aboutit à rien de concret et l’exigence de sa réalisation en urgence après la période estivale est vécue comme une tentative de les prendre de court. Aucune réponse concrète ne leur est fournie à l’issue alors que les présidents de catégorie soulèvent fortes questions. Ils en ressentent une perte de crédit vis-à-vis de leurs camarades.

Depuis le dernier rapport en date du 16 octobre 2005, le moral des personnels du groupement du Finistère est considéré comme en forte dégradation. Il semble bien que le décalage entre les effets d’annonce politique au moment des élections et la réalité constatée à la rentrée ait amplifié le mouvement.

Les militaires ont visiblement fait crédit à la nouvelle équipe politique mais se montrent particulièrement déçus des premières prises de position : discours du ministre de la Défense, nouvelle grille indiciaire sur le long terme…

Les préoccupations ont évolué : il s’agit de la confrontation entre une charge de travail croissante et un niveau de vie en baisse.

Les gendarmes déplorent que là encore, les policiers dont le temps de présence au travail est plus faible qu’eux voient une partie de leurs heures supplémentaires payées quand il est estimé que les militaires peuvent bien attendre un rattrapage sur la durée d’une hypothétique LOPSI 2.

Les gendarmes prennent conscience que finalement, accepter de servir l’Etat en consacrant plus de temps que leurs homologues policiers à la mission, ne leur rapporte rien puisqu’ils passent systématiquement après ceux qui ont un pouvoir de nuisance sociale.

I / APPRéCIATION RELATIVE à LA CAPACITé OPéRATIONNELLE ET AU MORAL DES PERSONNELS.

I-1 / BILAN RELATIF AU MORAL.

I-1-1 / Depuis le précédent rapport, le moral des unités du groupement s’est dégradé.

L’absence de mesures concrètes visant à améliorer le quotidien du gendarme alors que les clignotants virent au rouge depuis plusieurs années est certainement un facteur essentiel de la dégradation du moral.

A la pression subie pour obtenir la fameuse efficience, ne correspond aux yeux de beaucoup aucune compensation. Le casernement notamment domanial reste en piteux état, le rattrapage des salaires promis n’arrive pas, les charges de travail augmentent alors que la part d’initiative se réduit.

Ces éléments suffisent à décrédibiliser la hiérarchie jusqu’au sommet alors que parallèlement, notre positionnement montre de grandes faiblesses à travers le sort qui est fait aux gendarmes du GSPR, à la baisse d’influence du ministère de la Défense, aux poussées de la maison police nationale qui veut digérer nos pôles d’excellence, au peu de cas qui est pour l’instant fait des strictes demandes d’égalité avec la police nationale.

Le désormais célèbre slogan «travailler plus pour gagner plus» est en contradiction flagrante avec la réalité des heures exercées par les gendarmes par rapport aux policiers : Ceux qui gagnent le plus en sécurité publique sont ceux qui en font le moins !

I-1-2 / Actuellement, le moral des unités du groupement est jugé de très moyen à assez mauvais.

Les militaires ont la conviction qu’il leur est demandé de plus en plus de travail pour permettre aux autres administrations et à la justice, engluées dans les 35 heures, de fonctionner :

convocations en justice, procurations, poursuites d’enquêtes après faits constatés par fonctionnaires assermentés, établissement de CV complets pour permettre au juge unique de prendre ses décisions, …

Même si la gendarmerie n’a pas à choisir ses missions, les multipriorités, souvent fixées dans l’urgence, finissent par décourager :

un jour, c’est la police ferroviaire, un autre les chiens dangereux, un troisième les ESI.

Les commandants d’unité estiment n’avoir que peu de marge d’initiative. Les gendarmes ont la désagréable impression que personne ne monte au créneau dans la hiérarchie pour exprimer leurs inquiétudes et défendre leurs intérêts.

Les présidents de catégorie se trouvent également dans une position difficile vis-à-vis de leurs camarades qui estiment qu’ils ne sont pas écoutés.

L’impression d’être corvéable à merci domine partout d’autant que les effectifs politiquement promis depuis plusieurs années n’arrivent qu’exceptionnellement. Les personnels en stage ou temporairement non remplacés, les absents pour maladie, les détachés OPEX constituent des trous à l’emploi qui grèvent la capacité opérationnelle des unités. Ces difficultés affectent le moral des personnels.

L’arrivée de nouvelles technologies comme Icare V2 alors que la version 1 était enfin digérée contribue au mal être du personnel qui se débat avec des difficultés techniques et des bugs informatiques générateurs de disparition soudaine du travail accompli.

Le niveau de connaissances requis pour exercer un métier de généraliste a tendance à croître alors que la formation ne suit pas toujours :

travail illégal, immigration irrégulière, respect de la réglementation sur le transport, normes HSIE, gestion de l’immobilier, …

Les mises en cause médiatiques injustifiées de militaires sont rarement suivies d’intervention du service de communication pour rétablir la vérité. Or, un gendarme non défendu est assurément coupable aux yeux de l’opinion et l’image de la gendarmerie nationale s’en trouve atteinte.

I-1-3 / Dans les douze prochains mois, le moral des unités du groupement déjà vacillant devrait s’aggraver.

La crise de confiance dans l’institution est assez forte et mérite d’être soulignée.

Les militaires estiment manquer tout à la fois de reconnaissance et de considération.

Personne n’est épargné jusqu’au sommet de la hiérarchie.

Les militaires sont en attente de la session de novembre du CFMG qui menace d’être houleuse. Ils pensent d’ailleurs que d’autres sacrifices leurs seront imposés sur les retraites et sur les salaires contrairement à tous les discours rassurants. Il est à craindre une reprise de la contestation ouverte si aucune mesure concrète n’est annoncée à l’issue.

Chaque niveau de responsabilité est désormais atteint :

Le GAV qui s’inquiète de son avenir et recevant une réponse négative inexpliquée concernant son inadaptation psychologique à l’emploi de gendarme. Il souhaiterait une bonification par année de service afin d’avoir plus de chance au concours d’accès SOG ;

Le gendarme APJ qui estime qu’il n’a rien pour lui dans le PAGRE, l’échelon exceptionnel étant contingenté ainsi que l’accès à la GFC. Certains évoquent une certaine «paupérisation» de leur métier pour ceux dont l’épouse ne travaille pas.

D’autres expriment le sentiment «qu’il n’y en aurait que pour les gradés et les officiers dans les mesures étudiées» ;

Le gradé qui s’estime dévalorisé par l’affaiblissement du grade dans le nouveau dispositif (grade qualifiant de MDC et grade d’encadrement d’adjudant) ;

Les gradés supérieurs qui ne peuvent prendre le train du PAGRE pour cause de créneau d’âge incompatible ;

Les officiers anciens qui estiment que leur durée de vie professionnelle ne leur permettra pas de bénéficier des mesures promises ;

Les officiers à potentiel qui attendent beaucoup plus longtemps que dans les autres corps en tenue des niveaux indiciaires en rapport avec leurs responsabilités.

I-2 / BILAN RELATIF à LA CAPACITé OPéRATIONNELLE.

I-2-1 / Depuis le précédent rapport, la capacité opérationnelle des unités du groupement est vécue comme stable voire en dégradation.

Le principal facteur de baisse de la capacité opérationnelle tient à une attente du personnel en termes d’effectifs qui n’est pas comblée par la mutualisation des moyens issue de la mise en communauté. Les militaires logés en caserne subissent d’ailleurs une plus importante pression de disponibilité que leurs camarades souvent mieux logés en extérieurs. Les personnels déplorent que l’homme politique qui vote à Paris un budget insuffisant à la gendarmerie exige par ailleurs le maintien d’un maillage territorial obsolète et coûteux une fois revenu dans sa région.

I-2-2 / Actuellement, la capacité opérationnelle des unités du groupement est jugée dégradée.

Les gendarmes ont le sentiment que le cumul des missions imposées est facteur de perte de la qualité du travail à l’exemple du contact avec la population de plus en plus difficile.

La fiabilité des systèmes informatique constitue un souci majeur d’autant que l’accélération des évolutions technologiques pose des difficultés techniques sur le terrain (perte de données, pannes à répétition, incompréhension des utilisateurs, rejet de Icare V2 moins fiable que sa version 1 …).

L’entraînement au tir reste insuffisant en raison de la pénurie du nombre de cartouches. Veut-on réellement que le militaire sache utiliser son arme ?

I-2-3 / Dans les douze prochains mois, la capacité opérationnelle des unités du groupement devrait baisser.

Les militaires pensent qu’ils ne peuvent attendre aucune amélioration dans leurs conditions de travail mais qu’à l’inverse, les exigences politiques seront encore plus grandes.

II / THEMES MéRITANT ATTENTION.

II-1 / MOTIFS DE SATISFACTION

II-1-1 / Les moyens matériels des unités.

L’arrivée de nouveaux moyens est toujours jugée positive (intra/internet, informatique, téléphonie, véhicules) ainsi que le renvoi du 17 qui a allégé les sollicitations des unités territoriales.

II-1-2 / L’externalisation de la gestion du parc immobilier.

Même si les premiers effets ne sont pas encore là, les gendarmes savent que ce dossier est en très bonne voie et apprécient que leurs conditions de vie et de logement soient mieux pris en compte par le conseil général propriétaire des murs.

II-1-3 / La nouvelle tenue d’intervention.

A l’exception de la casquette, la tenue est un réel sujet de satisfaction. La tenue des unités motorisées est attendue avec impatience.

II-1-4 / Le gel de la mobilité.

La mobilité systématique a subi plusieurs entorses qui satisfont les militaires.

II-1-5 / La mise en place du PAGRE et la GFC.

Même si les mesures ne peuvent satisfaire tous les personnels, toute mesure permettant d’accélérer les carrières ou permettant de terminer sa carrière plus honorablement est perçue comme très positive. Le gendarme attend le même traitement de fin de carrière que pour le gardien de la paix.

II-1-6 / L’apport des réservistes.

C’est une réelle plus-value lorsqu’ils sont bien formés et titulaires du permis de conduire. Ils constituent une bouée d’oxygène dans un département du littoral à vocation touristique.

II-1-7 / La transparence de gestion RH.

La communication du commandant la région de Bretagne au profit des candidats à l’avancement est très bien perçue et permet à chacun de prendre les risques qu’il estime possible.

II-2 / SUJETS DE PRéOCCUPATION

La préoccupation majeure reste un problème de niveau de vie :

II-2-1 / La nouvelle grille indiciaire.

C’est actuellement le point majeur d’insatisfaction. Le gendarme estime faire les efforts qu’exige de lui le politique mais n’en voit pas la couleur en terme de reconnaissance : il sait et accepte d’en faire plus que d’autres sur le plan des horaires de travail mais il ne supporte plus que cela ne se traduise pas en terme d’espèces sonnantes et trébuchantes. Il ne se compare pas aux militaires des autres armées dont les opérations extérieures arrondissent les fins de mois mais aux fonctionnaires de police qui travaillent moins qu’eux.

II-2-2 / L’effet PAGRE non généralisé.

Les gradés écartés des mesures du PAGRE sont amers : échelons exceptionnels de majors insuffisants, cadres trop proches de la limite d’âge pour profiter de l’ascenseur.

II-2-3 / Les primes.

La prime au mérite : plus son niveau s’élève, plus elle fait de mécontents.

Beaucoup parmi le personnel estime avoir rempli leur contrat et ne sont pas primés.

La NBI : les adjoints des unités qui commandent un jour sur deux dans les BTA voudraient la même prime que les adjoints des COB ou de BR.

La prime d’habillement : les prix des nouveaux effets sont plus élevés (bottes d’intervention, polaire, …) et nécessiteraient une revalorisation.

II-2-4 / Le régime des retraites.

Les militaires ont compris qu’ils devraient travailler plus longtemps pour sauver le régime par solidarité de génération des retraites, mais s’inquiètent d’une part de la pénibilité du travail en brigade à un certain âge et d’autre part du remplacement progressif des emplois adaptés de gendarmes dans les états-majors par des personnels CSTAG.

II-2-5 / L’accession à la propriété.

Les gendarmes estiment que le régime est défavorable aux militaires. Où en est le dossier concernant la mise en place d’aides spécifiques à l’accession à la propriété étudié par l’ancien ministre de la Défense ?

III / CONCLUSION

Le sentiment général est à la morosité et à l’exaspération. Même si le gendarme est conscient qu’il y a plus malheureux que lui dans la société, il constate que dans la fonction publique française, seuls ceux qui manifestent publiquement leur mécontentement voient leur condition s’améliorer : (exemple des policiers négociants une prime pour palier l’absence d’augmentation de l’ISSP attendue depuis les années 2002).

Depuis plusieurs années, les gendarmes ont exécuté loyalement les missions et les nouvelles orientations de travail voulues par le politique. Ils ont subi de nombreuses réformes dans l’organisation de leur travail. Ils ont fait baisser réellement la délinquance tant routière (ce résultat national est en grande partie le leur) que générale en contribuant largement à ce que ce bilan ministériel soit présentable. Ils sont conscients de pouvoir faire mieux leur travail mais certainement pas plus.

Dans le Finistère, ils ont doublé une répression routière déjà d’un bon niveau en provoquant même l’asphyxie des trois TGI par ce contentieux dramatique. Ils ont absorbé rapidement la délinquance de voie publique des villes de reprises CSP où les maires confient en catimini que la sécurité est assurée désormais. Ils remplissent une grande part de leurs objectifs annuels.

Ils attendent une véritable reconnaissance de leur travail qui passe par une égalité de traitement avec la police nationale reposant sur le principe auxquels ils adhérent : « travailler plus pour gagner plus » et non plus « travailler plus pour gagner moins ».

Le gendarme dans son immense majorité reste dévoué à la chose publique et croit réellement à son utilité sociale.

Il sait qu’il est la meilleure solution économique pour l’Etat afin d’assurer la sécurité de 50% de la population sur un territoire très étendu. Il attend que soient défendus fermement ses intérêts estimant que ce n’est actuellement pas le cas ni de leur hiérarchie ni du monde politique.

Signature

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