La folie de la croix (1)

Plus que tout le reste, y compris les choses de l’amour, l’attrait du ruban rouge est une chose importante chez les français.

Citons ici P. GATERAT dans son  » vade-mecum du petit homme d’état » (Seuil) :

…Ils ont pareillement leurs glorieux, leurs effrénés, leurs exhibitionnistes et, moins souvent, leurs discrets, leurs refoulés et leurs inassouvis, leurs difficiles et leurs délicats, et ceux qui le sont moins, leurs éplorés et leurs inconsolables, leurs languides, leurs chagrins, leurs aigris et leurs maussades, leurs eunuques et même (rarissima turba !) ceux qui demeurent volontairement chastes; sans compter les corrompus et ceux qui les corrompent, intermédiaires, proxénètes et marchands.

Adorés et décriés, tour à tour, une ferveur pareille les a divinisés au point de leur élever des sanctuaires qui s’apparentent, jusqu’en leur architecture.

Temple d’Amour, ou Grande Chancellerie ? … « 

Chez les militaires, initialement conçue par BONAPARTE pour récompenser les services éminents au combat, la Légion d’honneur a perdu de sa dignité depuis le 22 Janvier 1852 lorsque LOUIS NAPOLEON son neveu, en créant la Médaille militaire pour s’adjoindre la complicité des officiers du ministère lors de son coup d’état du 2 décembre 1851, écarta les non officiers, trop nombreux, du ruban rouge, pour la réserver dans une très grande majorité aux officiers d’origine directe et sans mérite, c’est à dire sans titre de guerre (2)

Les civils ne furent et ne sont non pas en reste, chacun pourra se souvenir du scandale qui vit la démission de Jules GREVY, Président de la III° République à la fin du XIX°, car son gendre vendait la Légion d’honneur ( lire l’article en cliquant ici).

Certains esprits aiguisés y voient un os à ronger laissé par le haut fonctionnaire civil et le politique aux officiers des grandes écoles militaires, afin de les distraire de venir chasser sur les terres giboyeuses et bien rémunérées qu’eux se réservent. Le piège fonctionne parfaitement depuis 155 ans.

Ayant perdu sa véritable vertu, celle des services militaires éminents en particulier au combat voulu par le premier Consul en 1802, ce premier Ordre national est ainsi galvaudé.

Le Grand chancelier, officier général depuis 1815, pourrait et peut tout aussi bien être une personne éminente de la société civile; la république semble l’avoir oublié et confie ce rôle à un officier général ayant occupé de hautes fonctions rue saint Dominique. En attendant que la place se libère, on le met parfois en attente dans un placard doré près du mouroir des hauts fonctionnaires civils en fin de carrière, au Palais Royal. Le citoyen un peu curieux peut observer cette étrange et très chère « réserve républicaine », vers midi, dans la célèbre brasserie du Grand Hôtel du LOUVRE, Place du Palais Royal.

Le Grand chancelier résidant à l’Hôtel de SALM, face aux Tuileries, le long de la Seine, occupe une fonction officielle qui doit entrainer sa neutralité et sa réserve. En effet, l’article R112 du code de la LH ne précise-t-il pas que dans ses attributions : »…Le grand chancelier a seul qualité pour représenter EN TOUTES CIRCONSTANCES l’ordre national de la Légion d’honneur… » ?

Mais quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que notre actuel grand chancelier profite de sa fonction pour faire de la retape et demander aux nouveaux nommés dans les deux ordres nationaux et la médaille militaire, de contribuer à soutenir l’association qu’il vient de créer  » un avenir ensemble« , dont la vocation est d’accompagner les jeunes issus des milieux défavorisés, du lycée à leur insertion professionnelle.

Qu’il fasse de la retape personnelle pour cette association apparaîtrait fondamentalement justifiée à la condition que cette association fusse présidée par quelqu’un d’autre que le titulaire d’une fonction officielle de la république – voir la société d’entraide des membres de la LH – ; mais cela en l’espèce, frise la confusion des fonctions et fait un peu désordre.

Notre association doit rappeler que la majorité de ses anciens subordonnés militaires, – mais n’ a-t-il pas oublié … les non officiers ? – sont eux aussi défavorisés, mais aussi… victimes d’une épuration officielle dans leur profession dans l’accès au 1° Ordre national. La preuve: sur son site de la grande chancellerie, à la page Médaille militaire, il est bien noté que cette décoration – qui n’est en aucun cas un ordre national- « a été créée afin d’éviter que la Légion d’honneur soit attribuée en trop grand nombre!… ». On reste là sans voix, alors qu’à tout propos, nos gouvernants donnent des leçons de respect des droits de l’homme au monde entier!

Ne serait-il pas plus judicieux de rendre enfin et d’abord justice aux non-officiers actuels et aussi à leurs anciens vivants et morts au combat ? Nous ne demandons pas qu’il demande pardon – quoique !..- mais qu’il fasse oeuvre de simple justice et donc, qu’il REPARE.

Cette action au profit des jeunes issus des milieux défavorisés nous apparaît bonne et… à la mode. Mais auparavant, il apparaît plus urgent de réparer ce que le second empire et les républiques ont commis et continuent de commettre, car il s’agit ni plus ni moins que d’un crime. En effet, dans le petit Larousse au mot  » épurer  » nous pouvons lire: rendre pur, plus pur ; rejeter certains membres hors d’une administration, d’un corps ou d’un groupe comme indignes !…

Mais cette idée est-elle porteuse vis à vis des media, ces faiseurs d’opinions aux mains de quelques puissances d’argent proches du pouvoir quels que soient les républiques, et dont trois des cinq principaux sont…des marchands de canons ?

Voilà pourquoi, nous exigeons plus de courage, de reconnaissance, de mémoire et surtout de…dignité, en un mot plus de justice. Le nouveau secrétaire général de la grande chancellerie récemment nommé et issu du corps des magistrats de l’ordre judiciaire le lui soufflera-t-il? Rien n’est moins sûr.

Car enfin, la Grande chancellerie est dépendante du pouvoir politique, du Grand Maître et du Ministre de la Justice. Il y a là en l’espèce, violation de l’article 5 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – principe de la république – : » …Tous les citoyens égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité ; et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents !… ».

C’est bien joli de jouer les humanistes, mais dans ces cas graves il nous semble que le respect du simple humanisme entraîne d’alerter le politique, de lui rendre compte, et in fine de rendre justice en restant à sa place; le rôle du locataire de l’Hôtel de SALM n’est pas que représentatif, ses attributions sont claires dans le titre VI chapitre I° du code de la LH.

Il y va de la dignité de notre pays.

Lulius ancien lieutenant de César.

(1) Expression de François MAURIAC ancien membre du Conseil de l’Ordre !

(2) L’épuration des récompenses, un crime d’état

(3) Le désordre de la Légion d’honneur à titre militaire

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