On se moque des gendarmes

Je réagis à votre article sur l’octroi généreux des primes de rideaux, complément (COMICM) et supplément (SUPICM) de l’indemnité pour charges militaires (ICM) aux militaires de la gendarmerie obligés de changer de logement octroyé par nécessité absolue de service (NAS) dans la même garnison sur ordre du commandement dans les cas de changement d’assiette, de cessation de bail, etc.

En fait, la circulaire "d’application" n° 20000/DEF/GEND/PM/LOG/ADM du 17 avril 1997 modifiée (BOC, p. 3147), ainsi que l’instruction "d’application" interarmées de la solde n° 338/DEF/CCC/SP du 20 décembre 2002 modifiée (BOC 2005, p. 1059), fermaient de manière sournoise et intellectuellement malhonnête le droit aux COMICM et SUPICM.

En effet, le décret n° 68-298 modifié, qui définit la notion de changement de résidence, en vigueur au 1er juillet 1967 et abrogé à compter du 1er octobre 2007, date à laquelle le décret n° 2007-640 s’applique, peut s’interpréter de deux manières, l’une bienveillante, l’autre restrictive.

Sans surprise, la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), premier défenseur des intérêts de ses subordonnés, a choisi à l’époque l’interprétation restrictive. Face aux mouvements de colère qui se développent et afin de tenter de calmer les esprits avec un petit sucre, en accordant les primes de rideaux à compter du 1er juillet 2007 par note n° 91587 DEF/GEND/PM/AF/RAF du 29 juin 2007, la DGGN ne fait qu’appliquer enfin l’interprétation bienveillante du décret de 1968 précité, en anticipant sur l’entrée en vigueur au 1er octobre du décret n° 2007-640, qui lui est de lecture claire.

Le comble est qu’on tente ainsi de faire passer la mise en conformité d’un texte avec le droit pour une avancée sociale. C’est-à-dire que pendant des années, en refusant d’appliquer un décret demanière bienveillante, on a spolié les militaires de la gendarmerie de leurs droits. Il faut se réjouir que la DGGN rentre dans le droit chemin qui est aussi le chemin du droit.

Les primes de rideaux (COMICM et SUPICM) pour les changements de résidence ont été instituées à compter du 1er janvier 1974 par le décret n° 73-231, modifiant le décret n° 59-1193 relatif à l’ICM. Rappelons au passage encore une fois qu’en dépit de tout bon sens, ces primes de rideaux si bien nommées ne sont pas représentatives de frais, ce qui est une aberration juridique et pratique, et donc imposables. Encore une fois, les militaires ont été bien défendus par la hiérarchie.

Pour la définition du changement de résidence, le décret n° 59-1193 modifié renvoie au décret n° 68-298 modifié, lequel sera remplacé au 1er octobre 2007 par le décret n° 2007-640.

Le paiement des primes de rideaux aux militaires faisant mouvement sur ordre du commandement pour occuper un logement concédé par nécessité absolue de service dans la même garnison est ainsi prévu par les actuels décrets n° 59-1193 modifié, en vigueur au 1er janvier 1974, et n° 68-298 modifié, en vigueur au 1er juillet 1967.

Tout le problème est que ce décret de 1968 peut se lire de deux manières : ordre de mutation OU par exception mouvement imposé dans la même garnison : c’aurait été le bon sens. Ordre de mutation ET mouvement imposé dans la même garnison : c’est l’option assurément moins onéreuse qu’a choisi à l’époque la DGGN et qu’elle a formalisé dans sa circulaire interne n° 20000 précitée ainsi que dans l’instruction d’application interarmées de la solde n° 338 précitée, alors que l’instruction d’application du SGA n° 11010/MA/DAAJC/AA/4 du 13 mars 1974 modifiée (BOC, p. 522) n’interprète pas l’ambiguïté du décret exposée ci-dessus.

Pour l’avenir, le nouveau décret n° 2007-640, qui entre en vigueur au 1er octobre 2007 et abroge le décret de 1968 précité, lève cette ambiguïté sur laquelle la DGGN a très habilement surfé et qui a pénalisé les ayants-droits depuis trente ans.

Plusieurs enseignements doivent être tirés de cette situation fréquente au ministère de la défense où les chefs sont censés défendre l’intérêt de leurs subordonnés… Il faut être vigilants et ne jamais prendre pour argent comptant les annonces prétendument généreuses. Malheureusement, ce ne sont pas les PSO ou les membres des conseils d’armée ou du CSFM qui sont en mesure de suivre ces problèmes.

Les militaires qui ont été lésés depuis moins de quatre ans par cette application illégale des textes par la direction générale de la gendarmerie ne doivent pas hésiter à engager des recours (déchéance quadriennale) devant la CRM, puis les juridictions administratives en cas de rejet de leur demande.

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