Grogne des gendarmes

Comme de nombreux médias et autres destinataires, l’Association de défense des droits des militaires a reçu une lettre adressée par des gendarmes à Madame le ministre de la Défense. Une série de revendications est jointe à cette lettre sous le titre de « Gendarmes en péril ». Certains médias se sont déjà faits l’écho de cette grogne. Afin de mieux comprendre ce qui se passe au sein de la gendarmerie actuellement et d’informer ses lecteurs, l’Adefdromil met en ligne ces deux documents. Ils n’engagent pas l’Adefdromil, mais sont révélateurs du malaise que nous avons signalé.

Madame la Ministre de la Défense

Ce courrier n’a pas la prétention de recenser exhaustivement les problèmes internes. Il représente le fruit d’un travail collectif de notre condition. Cette démarche nous est apparue nécessaire car le péril qui touche notre corps pourtant d’existence pluriséculaire est bien réel.

Les gendarmes appartiennent -jusqu’à présent- à la société militaire dans leur organisation et hiérarchie mais sont liés de manière presque fusionnelle à la société civile.

Or ces concepts traditionnels sont aujourd’hui bouleversés par l’évolution de notre société et les choix qui sont faits par ceux qui sont aux commandes.

De faits certains événements et orientations plus ou moins récents nous conduisent à nous interroger sur notre nécessaire évolution, le dogme du statut militaire n’a aucun droit à prédominer dans le cadre d’une société démocratique et de la liberté d’expression.

C’est une question d’intérêt public.

Beaucoup d’entre nous sont en effet partagés et veulent être consultés sur la question qui mérite au minimum d’être posée puis tranchée afin que le débat soit clarifié.

Contrairement aux rapports dithyrambiques qui ne manquent certainement pas de vous être servis par notre haute- hiérarchie

Laquelle produisait d’ailleurs probablement les mêmes jusqu’en novembre 2001 à Monsieur RICHARD, le climat social interne est devenu excessivement délétère et laisse craindre de nouveaux rebondissements.

Tout en étant conscient de l’effort fait en matière d’équipement depuis 2001, force est de constater que l’ambiance de travail a fortement dégénérée et que les raisons de la colère ont été diluées

Sans qu’aucune mesure résolutive ne soit enclenchée, bien au contraire.

La considération que nous demandions s’est évanouie.

Nous ne l’avons jamais eue de notre hiérarchie, nous l’avons même perdue de nos concitoyens.

Ne nous affirmez pas le contraire, nous le constatons directement chaque jour.

La condition du gendarme est en panne.

Les membres de notre corporation, s’ils réaffirment leur loyauté à la République et ses institutions et leur attachement à l’Etat de droit ne peuvent rester plus longtemps silencieux sur les comptes rendus mensongers qui vous sont remis.

Nous en serions presque -par devoir -à vous rendre compte sur ces bases que les principes à valeur constitutionnelle et notamment celui sur l’institution d’une force publique au service de tous est actuellement bafoué de manière scandaleuse par ce que l’on appelle « la culture du résultat ».

Le sens de notre démarche qu’on ne s’y trompe pas est apolitique, mais nous ne pouvons accepter de nous voir imposer des « quotas » à peine de sanctions officielles ou déguisées.

La position du gendarme est devenu précaire, périlleuse plutôt:

Le gendarme citoyen est aujourd’hui une sorte de soldat perdu tenaillé par le mépris croissant, le culte du galon, le règne de potentats locaux chargé d’organiser la rentabilité, de manière que l’affaire soit la plus juteuse possible. Or le service public n’est pas pour nous synonyme « d’abattage ».

Les escadrons tournent à plein régime. Le Certificat d’aptitude technique est une farce.

De fait, le gendarme et néanmoins citoyen se retrouve peu à peu isolé de la société civile car celle-ci ne constate pratiquement plus que le coté exclusivement répressif accru imposé par les chefs.

Notre marge de manoeuvre sur le terrain est quasi-nulle, le mot « discernement » gommé de notre vocabulaire alors qu’il était un principe de fonctionnement-clef.

Oublié la confiance de la population et son corollaire, le renseignement. Car le renseignement ne doit pas être assez rentable.

Le gendarme n’est d’ailleurs pas citoyen mais à égalité avec les détenus qu’il transfère parfois.

Les réserves concernant les articles 5 et 6 de la convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un procès équitable sont les mêmes que celles émise en droit pénitentiaire et nous laisse à la merci d’un régime disciplinaire féodal. Nous ne supportons plus l’arbitraire qui est pourtant prohibé par le RDG et avons le sentiment qu’une hiérarchie se réserve les droits, tout les droits…

Le gendarme n’a pas non plus le droit d’être citoyen et sa famille en subit directement les répercussions. Il n’est pas libre de choisir son logement, se trouve pénalisé en matière d’acquisition, peut-être sanctionné s’il refuse d’occuper un appartement insalubre.

Son niveau de vie compte -tenu de la disponibilité imposée ferait réfléchir ceux qui le présentent comme un nanti.

Il ne cesse de voir remises en cause les promesses faites qui s’évanouissent par un subtil mélange de tour de passe-passe et de répression médico- statutaire et il est poussé discrètement en direction de la sortie.

Nous ne pouvons accepter que nos camarades soient méprisés de la sorte.

Pour conclure, le cas des GAV a qui l’on fait miroiter une carrière pour les remercier de manière scandaleuse en arguant d’une inaptitude.

Qui aurait pu être annoncée d’emblée et non cinq ans plus tard nous apparaît inadmissible car ils accomplissent les mêmes missions les mêmes horaires avec la même abnégation, les mêmes vicissitudes, les mêmes peines.

Bref notre situation n’est semble t-il pas si évidente qu’il n’y parait puisque certains organes de presse se font depuis peu l’écho sans qu’il n’y ait eu de démentis officiel , de la prise de position du Chef d’Etat major des Armées concernant la gendarmerie.

Le droit de groupement professionnel également si l’on s’en réfère à la Mutuelle d’officier de gendarmerie « LE TREFLE  » dont le siège est situé rue de TOURNON dans une caserne.

De fait, le droit d’expression semble définitivement acquis pour chacun et à ce titre nous vous faisons part (ci-joints) des axes de travail que nous souhaiterions voir débattus de toute urgence du 26 au 30 mars 2006 en substitution de la session CSFM pour une session extraordinaire et purement consultative du CFMG.

Le 26 mars partout en France, les gendarmes seront attentifs à la réponse de leur(s) ministre(s) et sauront s’ils sont autorisés eux aussi à constituer une mutuelle ou s’exprimer dans les mêmes conditions que leurs chefs.

NDLR : « Par ailleurs, sur le forum de l’Essor de la Gendarmerie, le gendarme Jo Antona appelle à une réunion privée à Arles le 5 avril prochain »

Gendarmes en péril

En 2001, notre institution a vécu de graves secousses, des milliers de sous-officiers de gendarmerie se mirent à braver leur hiérarchie pour que soit enfin reconnues leurs conditions de travail austères et moyenâgeuses.

Aujourd’hui, en 2007, notre situation n’a malheureusement pas changé, sinon en pire. Du mouvement de 2001, il ne reste plus rien, nos conditions de vie sont toujours autant en décalage total avec la société actuelle. Le constat est tout aussi catastrophique pour ce qui est des conditions de travail : les gendarmes subissent une pression permanente de leur hiérarchie pour faire du « chiffre », et doivent se plier à tous les artifices possibles et imaginables pour produire des statistiques favorables… à défaut d’être vraies. Les missions inutiles se multiplient, n’ayant qu’un lointain rapport avec l’ordre public, et nous devons obéir en permanence aux caprices des administrations ou autorités considérant, de plus en plus, la Gendarmerie comme une solution miraculeuse à tous leurs problèmes. La mise en place des communautés de brigades, sans aucune concertation avec les gens de terrain, a eu pour incidence la désertion de milliers de cantons, l’abandon de communes entières, où la population ne se souvient de nous, que lorsque l’on doit la verbaliser à outrance sur ordre de notre hiérarchie.

Nous perdons le contact avec les Français. Les regards se baissent, les têtes se détournent car nous avons rompu le lien, ce lien qui faisait de nous, depuis des siècles, cette force indéfectible, puissante, sur laquelle la population pouvait compter lorsqu’elle était meurtrie et malmenée par l’Histoire.

Aujourd’hui, en 2007, le gendarme n’a pas le droit d’avoir plus de dix soirs de libre dans le mois. Il n’a pas le droit, le reste du temps, de quitter son logement, car se trouvant en astreinte jour et nuit. Ces astreintes ne sont pas rémunérées, pas compensées sous quelque forme que ce soit. Le gendarme peut travailler 24 heures d’affilée, il ne sera payé que huit heures : les heures supplémentaires n’existent pas pour lui, pas plus que les récupérations. Le gendarme n’a pas le droit d’adhérer à un parti politique, pas le droit d’être syndiqué ou représenté par une association, pas le droit de se loger comme il l’entend, pas le droit à la parole libre. Le gendarme affecté en escadron doit abandonner sa famille en moyenne 8 mois dans l’année, et il n’a pas même le droit… de choisir la période de ses congés, pour être avec les siens.

Aujourd’hui, en 2007, le gendarme est un sous-citoyen.

Les arguments que l’on nous avançait auparavant, ne veulent plus rien dire : 45 jours de permissions ? Les civils ont largement dépassé ce quota ! Le logement gratuit ? Quand il n’est pas insalubre, ce n’est qu’un prétexte pour nous imposer des journées et des nuits entières d’astreintes non rémunérées. Combien d’entre vous aujourd’hui préfèreraient accéder à la propriété et vivre sereinement avec sa famille, libéré des contraintes de ce soi-disant « avantage » devenu un véritable carcan?

Les renforts en effectifs promis en 2001, sont arrivés sous la forme d’officiers, toujours de plus en plus nombreux, toujours aussi prompts à contrôler, exiger, surveiller, astreindre, imposer à des hommes exténués et profondément démotivés. La défiance n’a jamais été aussi grande entre le corps des sous-officiers et sa hiérarchie. La concertation est inexistante et la rupture totale.

Nous ne comprenons plus. Nous en avons assez d’être des laissés-pour-compte, déconsidérés et méprisés par des gens poursuivant des intérêts électoralistes ou carriéristes. Les apports en effectifs, les avantages relatifs aux traitements et indices, sont exclusivement accordés aux officiers, et nous, sous-officiers, n’obtenons que des MIETTES.

Les suicides vont croissant, et jamais leurs causes ne sont simplement évoquées. Nos familles sont lasses, elles aussi, de subir ces conditions de vie antédiluviennes et archaïques.

Mais qui sont-ils pour faire endurer cela à nos femmes et à nos enfants ?

Qu’avons-nous fait pour être ainsi les oubliés de la Nation, nous qui donnons, sans arrêt, sang et eau pour elle ?

Tout cela doit cesser. Nos conditions de vie et de travail doivent évoluer, impérativement.

Nous demandons à tous les sous-officiers de Gendarmerie, de retenir la date du 26 Mars 2007, à 09H. A cette date, tous les représentants d’unités ou de formations, devront se rendre dans les groupements et régions de Gendarmerie, accompagnés de leurs pairs, pour remettre de façon collective nos doléances à l’échelon hiérarchique le plus élevé qui sera présent sur place.

Ces doléances sont énumérées ci-après.

1-STATUT MILITAIRE :

1-1/ Consultation des personnels par voie référendaire sur le maintien ou non de ce statut.

2-LE LOGEMENT ET LE RESPECT DE LA SPHERE PRIVEE

2-1/ Fin de l’obligation statutaire d’occuper un logement CNAS: possibilité offerte d’habiter dans un logement extérieur.

2-2/ aménagements financiers et fiscaux pour ceux qui souhaitent accéder à la propriété (taux de crédit

aménagés, pas de taxation fiscale des résidences secondaires…).

3-RECADRAGE DES MISSIONS –SERVICE COURANT

3-1/ Fin des communautés de brigades

3-2/ réorganisation du service avec pour chaque militaire un nombre d’heures maximum tous services et astreintes confondus jour et nuit par semaine ou par mois. Les heures supplémentaires effectuées exceptionnellement seraient payées, ou à récupérer en jours, ou encore en bonus pour la retraite.

Une disponibilité 24/24, oui mais de l’unité et non pas du sous-officier !

3-3/ audit externe pour éradiquer les missions qui n’ont pas un rapport direct avec l’ordre public.

3-4/ recadrage complet des missions des escadrons de gendarmerie mobile, avec éradication des missions inutiles et pouvant être assurées ou appréhendées autrement. Mise à niveau des conditions d’hébergement des escadrons déplacés.

3-5/ obligation de combler chaque poste, avec priorité pour les unités de terrain, dans les deux mois qui suivent le départ d’un sous-officier ou d’un GAV.

4-CLIMAT SOCIAL INTERNE ET STATUT MILITAIRE

4-1/ arrêt de la pression des statistiques et des notations

4-2/ audit externe sur le manque de considération de la hiérarchie en Gendarmerie

4-3/ augmentation des garanties disciplinaires en cas d’abus caractérisés de la hiérarchie

4-4/ possibilité de saisir directement le Ministre ou une autorité indépendante (médiateur)

anonymement. Cette autorité doit être extérieure à la gendarmerie (conseiller d’Etat par exemple ) et doit avoir un pouvoir d’enquête propre

4-5/ transparence sur les rapports sur le moral et possibilité de saisine en cas d’opinion dissidente

4-6/ imposer dans la formation des officiers, quelle que soit la filière, un stage en unité de terrain avec incorporation dans le service courant d’une unité de base (durée de deux mois ou plus à définir)

5-REMUNERATION – RETRAITE – MESURES INDIVIDUELLES

5-1/ Rattrapage sur l’ISSP (mesure édictée en 2001)

5-2/ garantie contractuelle de la retraite à 55 ans

5-3/ équité et transparence dans la gestion des carrières (mutations, demandes de stage, etc…).

5-4/ suppression de la prime au mérite qui est injuste et discriminatoire

5-5/ revalorisation des grilles indiciaires et des primes de police

Diffusez cette lettre au plus grand nombre, autour de vous, aux présidents de catégorie, aux membres du C.F.M.G. et du C.S.F.M., dans les gendarmeries, les mairies, les casernes… contactez les médias, faites savoir que les gendarmes en ont assez, que les gendarmes n’en peuvent plus de vivre comme des esclaves dans une société qui évolue sans eux, en les laissant sur la touche.

Et gardez toujours à l’esprit que le gendarme reste un soldat.

Un soldat digne, qui ne recule jamais lorsqu’il sait que sa cause est juste.

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