C’est dans l’e.r :Les retraités militaires une nouvelle fois radiés des cadres

Retraités, qui, de temps à autre, aimez rappeler que vous avez servi sous l’uniforme, en ajoutant le petit codicille « e.r » après votre nom vous avez bien lu. Ce n’est pas une erreur d’orthographe pour vous signaler le titre de l’émission : « c’est dans l’air » sur ARTE que vous regardez parfois, sans doute, vers 18 heures.

Non, c’est simplement, pour vous signaler la nouvelle réglementation qui vous interdit cette petite fantaisie…

Vous vous souvenez que l’une des « innovations » du statut général de 2005 – on n’ose plus dire « nouveau », tant il paraît déjà décalé – était de supprimer la position statutaire de la retraite.

Certains s’en étaient émus, dont l’Adefdromil.

La ministre s’était empressée de rassurer tout le monde :

« Le maintien de la position « en retraite » irait contre les intérêts des militaires puisque ceux qui auraient ce statut seraient dans l’impossibilité juridique de revenir servir dans les armées à titre contractuel » (24 novembre 2004, présentation du projet de loi relatif au statut général des militaires devant la Commission de la Défense Nationale) ;

« Les retraités ne sont pas au coeur du texte parce que beaucoup de dispositions les concernant sont obsolètes et que d’autres n’ont pas de raison de figurer dans ce texte » (Assemblée Nationale le 14 décembre 2004) ;

« La suppression de la position statutaire de retraite a pu faire craindre que les droits jusqu’à présent reconnus aux retraités militaires ne soient supprimés et que leur participation à la concertation au sein de l’institution ne soit remise en cause. Tel n’est en aucun cas l’objectif de la mesure. » (Assemblée Nationale le 15 décembre 2004)

Le ministère en a rajouté une couche en répondant à une question parlementaire :

« Dans le but de clarifier ce qui relève du statut de ce qui relève de la retraite, la position de retraite, qui n’apporte aucune garantie statutaire complémentaire, ne figure pas dans la loi N° 2005-270 du 24 mars 2005 portant nouveau statut général des militaires (SGM). En effet, la position statutaire « en retraite », maintenue dans la précédente loi de 1972 portant SGM, avait perdu tout fondement juridique depuis longtemps. Son objectif historique était en effet de maintenir les anciens militaires sous le régime du SGM afin de les dissuader de se tourner vers le mercenariat. La disparition de cette position dans le nouveau SGM, qui n’a aucune incidence sur les droits des militaires retraités, ne les a pas pour autant écartés de la communauté militaire. L’article 1er de la loi du 24 mars 2005 précise en effet que l’un des objectifs du nouveau statut est d’assurer aux retraités militaires le maintien d’un lien avec l’institution. Ainsi, l’article 11 de cette loi confirme la prise en charge des retraités militaires par le régime de sécurité sociale des militaires et garantit, dans les conditions fixées par décret, leur accès aux soins du service de santé des armées et l’aide du service chargé de l’action sociale des armées. De plus, la participation des retraités militaires au conseil supérieur de la fonction militaire est désormais expressément mentionnée dans l’article 18 du SGM… » Réponse à la question n° 69311 de M. Denis JACQUAT.

Bref, voilà un texte qui aurait mérité d’être cité en exemple, d’être mis au Panthéon des textes de loi puisqu’en supprimant une position statutaire, il était censé ne rien changer pour les militaires retraités !

Hélas, la réalité est tout autre, car les mots ont toujours un sens, surtout lorsqu’ils figurent dans les textes législatifs ou réglementaires, mais beaucoup moins lorsqu’ils sont prononcés dans des discours ou des déclarations, y compris à l’Assemblée Nationale.

La Direction de la Fonction militaire (DFM) vient en effet de préciser que:

« La loi de 1834 sur l’état d’officier est abrogé par l’article 111 -III de la loi 72-662 du 13 juillet 1972.

– L’usage du grade et des prérogatives qui lui sont attachées cessent donc avec la cessation de l’état militaire, notamment en cas d’admission à la retraite.

– La disparition de la position statutaire « en retraite » ne permet plus à un militaire rayé des cadres de l’armée d’active, de se présenter comme « officier en retraite ».

– Il est donc incorrect juridiquement de faire suivre l’indication de son grade de la mention « en retraite » ou « er».

Un ancien officier de l’armée active peut toutefois faire état du grade qu’il détenait quand il était en activité. »

Conclusion.

Comme eut dit le poète Jacques Prévert, Madame la ministre n’avait fait que prononcer des « paroles verbales », sans aucune importance !

A chacun d’apprécier la portée de la mascarade que certains ne manqueront pas de qualifier de trahison. Faut il en être surpris, si on se réfère aux conditions dans lesquelles a été votée la loi, comme l’a si bien montré le témoignage de Mme ROMERIO.

https://www.adefdromil.org/Document.php?DOC=06146343

Seuls échappent aux rigueurs de la loi, nos chers officiers généraux, qui ont encore le droit d’illustrer leur carte de visite du codicille « c.r ou 2 S ». Jusqu’à quand ?

Va-t-on poursuivre en justice les militaires retraités qui feront état du grade obtenu en activité avec la mention e.r ?

Enfin, que dire et que faire ? Il faut d’abord et bien sûr faire connaître ce double langage, cette mesquine perfidie. Et puis, le militaire, n’étant finalement qu’un citoyen en armes, il lui appartient d’user du droit conféré en 1945 par le Général de Gaulle : celui de mettre un bulletin dans l’urne.

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