Du silence des agneaux aux aboiements des bons toutous…

Mon colonel et cher camarade

Dans une lettre plutôt bien tournée, aux allusions assez fines, vous vous faites l’écho de l’écho de votre écho tout en protestant mollement de votre désir de discrétion.
Il faut rendre cette justice à Mariallio que son édito permit à une foultitude d’internautes militaires (ou non) de relire et d’apprécier votre prose. Et même au ministère de la défense, comme vous ne pouvez l’ignorer.

Il semble plutôt gonflé de taxer Mariallio de « passéiste » quand on sait à quel point l’ADEFDROMIL s’est impliquée dans le débat pour un statut des militaires conforme aux attentes socioprofessionnelles modernes. Les « avant-gardistes » dont nous étions n’ont pas été écoutés et l’on préféra débattre avec de sombres incapables qui prédisaient pour cette jeunesse des aspirations au retour à l’ordre et aux valeurs morales. Ce que l’actualité nous démontre chaque jour un peu plus davantage.

Et toujours cette sempiternelle rengaine du « pseudo » sensé dissimuler l’envieux médiocre tandis que le bon chevalier blanc avance en pleine lumière, sans crainte et sans reproche.

Un mien ami, aujourd’hui officier général, sans que ceci n’explique forcément cela, professait de toujours dire du bien de soi, que cela se répétait, et qu’on finissait un jour par en oublier l’origine. Internet n’existait pas à l’époque…

Non, bien sur, Chalmel est dans l’annuaire lui. Mais ne compulsez pas frénétiquement les pages blanches, et encore moins les jaunes pour en savoir plus sur l’érudit. Cet annuaire-là n’est pas accessible au vulgum pecus. Il est d’ailleurs en diffusion retreinte si mes souvenirs sont exacts, et ceux qui y figurent ont une excellente connaissance de leur position respective.

Un ancien médecin militaire me confiait un jour qu’ayant oublié son agenda à la maison, il se retrouva devant la salle d’attente de son dispensaire (FFA), sans pouvoir préciser le nom de la patiente suivante. Il s’en tira aisément, prétend-il, en lançant avec autorité: « allons mesdames, placez vous dans l’ordre de l’annuaire ».

Dans la marine, où, comme chacun sait tout est délicieusement excessif, la position à table est régie par le grade et l’ancienneté dans le grade. Ce qui oblige le maître d’hôtel à faire trente fois le tour de la table et explique subsidiairement la relative maigreur des plus jeunes qui n’ont parfois que le fumet du plat quand les anciens ont déjà terminé leur assiette. Car il est un adage commun à toutes les armes : moins on en fait, plus le temps presse.

Mais on s’éloigne du sujet, car pseudo ou pas, mon cher camarade, les plumitifs patentés de l’ADEFDROMIL ont toujours été bien connus des autorités. A l’opposé de votre interprétation étriquée, le pseudo reste une sorte de délicate pudeur à destination des lecteurs, ce qui, je vous le concède, est « invisible pour les yeux ».

Maintenant, comme le soulevait le président d’EUROMIL à l’occasion d’une AG de notre association, il ne serait nullement honteux de craindre la vindicte des chefs, surtout dans une ambiance de fin de règne. Pour avoir vu de quels arguments un officier général est capable quand le ministre le lâche aux basques de son subordonné en lui gueulant : « mords-z-y l’oeil », je pense qu’il faut être au minimum du grade de colonel et doté d’un solide patrimoine (et accessoirement d’un diplôme aisément reconvertible) pour se permettre de ne pas disposer d’un pseudo. Colonel, et sans aspiration ni vocation à changer de grade si je me fais bien comprendre et si j’ai bien compris votre petite allusion à destination de ceux qui vous notent.

Sur le fond, votre excellente connaissance du dossier « nouveau statut » vous autorise à qualifier d' »ouvertures » les misérables miettes qui surnagent après le naufrage de la rénovation. Ce n’est pas Martin Luther King Jr qu’il faut citer, mais Lénine (qui ne fait plus peur, vous pouvez y aller, même les russes vont finir par l’enterrer): « un mensonge répété mille fois… »

Cela dit quand vous évoquez le « débat rendu enfin possible » et le « nouveau droit d’expression », je comprends surtout que vous connaissiez très mal l’ancien statut, qui nous autorisait la même chose, à trop peu de choses près pour pouvoir parler d’avancée. Ne l’avons-nous pas clairement démontré en fondant un groupement professionnel militaire, tout-à-fait officiellement et sans être inquiétés autrement que par des poursuites disciplinaires inopérantes ou des interdictions publicitaires sans aucun fondement ni portée juridique ?

Si j’osais (à dessein) une comparaison qui va vous irriter, j’observerais que les militaires d’active de l’ADEFDROMIL ont pris moins de jours de consigne en trois ans que les officiers généraux, de blâmes, ces derniers temps.

Regardez bien la réalité au lieu de rêvasser à un monde meilleur, vous admettrez que rien ici bas ne se conquiert sans lutte, tout simplement parce qu’il s’agit plus de répartir équitablement l’existant que de réclamer encore plus.

L’Etat, le Ministre, vos supérieurs se satisferont longtemps de quelques toutous qui grognent un peu quand on oublie trop leur gamelle, mais qui attendent sagement le susucre ou le nonos en gardant le troupeau, non pas contre les loups, mais des velléités associatives.

Au fait, vous êtes-vous déjà demandé avec quelles forces vives vous allez bien pouvoir regarnir vos rangs ?
Et si la même réponse que moi vous traverse l’esprit, croyez-vous sincèrement que ce merveilleux statut, totalement hors-la-loi en matière de droit du travail, et anti-constitutionnel en matière de libertés fondamentales, sera accepté en l’état par les impétrants auxquels nous pensons ?

Alors débattre avec tout un chacun sur le sexe des anges, le droit d’association, le syndicalisme dans les armées (européennes ?) vous semble une bonne chose. Très bien, mais dans quel objectif autre que celui de perdre notre temps et de ménager concomitamment celui d’un ministre dont les yeux sont rivés sur la ligne bleue de l’Elysée ?

Sincèrement, s’il est logique que nous aspirions à représenter un jour tout ou partie des « agneaux » dans des instances de concertations libérées du « cadre intangible », pensez-vous avoir dès à présent une quelconque légitimité à représenter le ministère ?

Alors soyez fou, oui, mais dans une limite raisonnable… car le SSA veille.
Mef !

Cordialement

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