C’est quoi un papa militaire ? : réactions

1) Plutôt lourde cette lettre ?

Je trouve cette lettre prétendue humoristique un tantinet lourde. Et pourtant, Dieu sait, si j’ai de bonnes raisons de me plaindre de cette institution. Permettez-moi, de faire appel à mes vieux souvenirs d’épouse de brigadier-chef, et de sous-officier, par la suite, ayant servi 14 ans au sein d’un régiment T. A. P. (1975/1986 – 1992/1995).
Lorsque je fus présentée, en 1977, la première fois, et à quelque jours de notre mariage à ce bon vieux Colonel Morel (à l’époque, on ne concubinait pas, on faisait une enquête de moralité sur la fiancée et sa famille, et un homme du rang ne convolait en justes noces qu’avec l’accord de sa hiérarchie…), celui-ci m’annonça de suite la couleur, et j’avais, folle que j’étais (mais folle de mon homme aussi), tout juste 18 ans : « Mon petit » m’a-t-il dit, « vous voulez l’épouser, soit. Mais je vous préviens, vous serez la première épouse d’homme du rang dans ce régiment. Il n’y a pas de place chez nous, pour les épouses, et encore moins, pour les familles. Vous serez toujours la 5e roue du carrosse. Vous le voulez toujours ? Alors, on vous le donne, non, on vous le prête seulement, car voyez-vous, il sera toujours un peu plus à nous qu’à vous. N’oubliez pas on vous le prête seulement ». Vous croyez que je serais partie ? Et bé non, 15 jours après, je l’épousais, un beau jour de ce mois de juillet 1977. Et j’ai pas été déçue du voyage. Jean-Claude est resté au grade du brigadier-chef de 1975 à 1986, 11 ans. A l’époque, les hommes du rang n’avaient pas le droit de dormir à leur domicile durant les semaines « d’alerte guépard », ils dormaient en caserne, et en chambrées, s’il vous plaît. Les week-ends de « guépard » ou de « disponibilité opérationnelle, dite aussi D. O. », l’homme de ma vie bénéficiait d’une permission : c’est à dire qu’il avait le droit de venir chez lui, à compter du dimanche 13 h 00 jusqu’à 22 h 00, à la seule condition de venir pointer, à son escadron toutes les deux heures !!! Je ne vous parle même pas des semaines de quinze jours : « puisque t’es plâtré, mon gars, tu peux bien nous rendre ce service ! », des semaines à n’en plus finir de garde à l’armurerie, des semaines prises 8 jours avant un séjour outre mer de six mois (à l’époque c’était 6 mois, sans perm, sans portable et peu de courriers), et 8 jours au retour (« ta femme t’attend depuis 6 mois, elle est plus à 8 jours près »), des séjours à rallonges (une année 17 jours en France), des séjours, précédés ou suivis, de manoeuvres de 3 semaines, de gardes diverses et en tous genres, de revues encore plus diverses. Et les week-ends à l’époque, ne débutaient qu’à compter du samedi 14 h 00, le matin étant réservé aux activités sportives. Je passe sur les sauts, sur terre, sur mer, de jour, de nuit, les stages commandos (retour avec les phalanges explosées par des coups de rangers). Et on ne se plaignait pas plus que ça, et encore je m’estimais privilégiée, mon mari ayant été là pour la naissance de nos 3 enfants. Mais certaines de mes soeurs de galère n’ont pas eu cette chance, elles faisaient leur bébé toutes seules comme des grandes, les perdaient parfois, les enterraient seules, et attendaient seules, parfois pour toujours pour certaines : leur homme ne revenant pas, enfin, pas vivant…. Pour info, je me permets également de signaler, que lorsque nous étions en ville avec nos époux et si ceux-ci étaient en uniforme, il était parfaitement interdit de leur tenir la main, tout juste pouvions-nous leur prendre le bras (et nous étions des épouses, pas des copines…). 30 après, je suis toujours folle du même homme et pourtant ces quatre dernières années n’auront pas été de tout repos : usé physiquement et psychologiquement, il lui faut mener un autre combat, contre cette institution à qui il a tout donné, tout sacrifié, même sa famille, pour se voir simplement reconnaître certains droits. Mais il ne regrette rien. Alors que je lis ce qu’écrit ces pleureuses, permettez-moi, pour une fois de trouver ça un peu fort de café. Non mesdames, on ne peut avoir le beurre, l’argent du beurre et les cuisses de la crémière, on ne peut pas servir et être servi, on ne peut pas concilier famille et service. Je n’ai jamais tenu ce genre de propos à nos trois enfants (27, 23 et 19 ans) : je leur ai toujours dit que par les temps qui courraient : il valait mieux pour eux, être les enfants d’un père jamais là, mais qui pouvait les assumer financièrement, que les enfants d’un chômeur toujours là, ne pouvant pas satisfaire à leurs besoins. Et ils n’en sont pas morts. Je n’ai que 48 ans, et je ne regrette rien des 30 ans passés aux cotés de mon mari, et nos enfants non plus. Il est vrai que quand on aime vraiment quelqu’un, les choses se font plus facilement. Je sais que mon mari m’est infiniment reconnaissant de tous ses sacrifices, en particulier l’abandon d’une carrière professionnelle, et sa reconnaissance et son respect pour moi et nos enfants, me sont infiniment plus précieux que toutes autres choses. Il est vrai, que je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître…. Bien amicalement à toutes et tous.

Monique Couturier

PS : J’oubliais aussi : mes souvenirs se ramassent à la pelle : ma fille aînée, aura attendu 8 ans pour passer le premier Noël avec son père, car à l’époque les Noëls et Jours de l’An se passaient soit en opérations extérieures, soit en caserne d’abord et ensuite en famille…. Alors quand je lis ce que je lis, on ne s’étonne plus de l’ambiance actuelle…

2) C’est criant de vérité. Mais nous n’avons pas toujours eu conscience de ces situations.

Je me souviens d’une belle frégate de la Royale qui partait en mer le vendredi soir (après les heures normales de service) pour être sur zone le lundi matin, qui rentrait le vendredi matin pour faire le plein et qui repartait le vendredi soir…

Nous attendions avec impatience la Toussaint pour souffler un peu mais un amiral expédia le dit vaisseau à Cherbourg où il manquait pour une petite revue navale locale…avec départ le vendredi soir…

A Cherbourg, l’ensemble de l’équipage eut droit à un quartier libre de 20h00 à 24h00. A 24h00, l’ensemble de l’équipage était bourré et il y eut un mort au fond d’un bassin et de nombreux blessés. L’enquête qui suivit montra que certains matelots recrutés n’étaient pas rentrés chez eux depuis des mois car, les rares WE disponibles nous étions d’alerte à 4 heures. Ce qui est insuffisant pour un aller retour dans le Berry….

La disponibilité c’est comme la gratitude, même si on est en droit de l’attendre, il ne faut pas trop tirer dessus. Si les familles de militaires, écoeurées, ne fournissent plus le socle du recrutement (atavisme), celui-ci tournera tôt ou tard en eau de boudin.

Claude DEBEIR

Cher Monsieur,

même si ma réaction à l’article "c’est quoi un papa militaire" vous a paru réactionnaire, je vous prie de me croire que je ne le suis en rien.

Ce qui me désole surtout, c’est de voir tous ces "anciens" avoir tant donné, tant sacrifié, également pour certains l’essentiel : leur vie de famille, car combien de camarades de mon époux, arrivés à la cinquantaine, se retrouvent, certes, avec de beaux souvenirs, mais seuls, parce qu’un jour leur famille n’a plus supporté les contraintes de cette vie familiale en pointillé, combien ont perdu de vue leurs enfants, et n’apprennent que par hasard, que leur fils ou leur fille leur a donné un petit enfant.

Ce qui me désole, c’est de voir, que pour nombre d’entre eux, ces sacrifices à cette institution auront été bien mal récompensés. Je ne parle pas uniquement de médailles et de promotions (le sujet est trop vaste, et il y a tant à dire : de personnels notés 15 ans durant chacun "Remarquable", classés "parmi les meilleurs" et qui végètent, des années durant au même grade…), je parle simplement de ne pas être un jour obligé d’en référer à un tribunal quelconque pour pouvoir bénéficier d’une maigre pension d’invalidité, par exemple, ou pour tout autre "avantage social" que l’Etat reconnaît sans problème et sans procédure à ses citoyens.

Je vous rassure, ces personnels prêts à tout donner pour ne rien recevoir, à l’idéal romantique, mais pas très raisonnable, ont, tels les dinosaures, disparu à tout jamais. Bien sûr, il ne serait pas concevable aujourd’hui de faire subir aux familles, les mêmes contraintes (et le mot est faible) que par le passé. Mais admettez, que pour ces "anciens", il est parfois dur, de lire, que l’on puisse se plaindre de choses, qui semblaient, il y a peu encore, aller de soi. Mais, c’est très bien.

Les jeunes, nouvellement arrivés, vont secouer tous ces officiers supérieurs, assis sur leurs privilèges, qui pensaient ne jamais pouvoir être atteints par tel ou tel problème : maintenant, d’après ce que je lis sur ce site, n’importe qui, n’importe quand, peut aller frapper à la porte du bureau du colonel ou du général,se plaindre d’un ordre reçu "de façon trop autoritaire" ou d’un service (et c’est pas ce qui reste…) qui tombe au mauvais moment.

C’est très bien, et c’est normal. En effet, comment contraindre à cette discipline que mon mari et ses camarades ont connue, des jeunes gens, dont le seuil de frustration est proche de zéro.
Des jeunes gens entre 18 et 25 ans, qui pour la plupart, enfants, ne supportaient pas l’autorité des parents (je sais, il n’y en a plus "d’autorité" : il n’y a plus d’enfants mal élevés, il n’y a plus que des hyperactifs), qui, ados, ne supportaient pas l’autorité des maîtres, des professeurs (avant on disait à ses enfants à la sortie de l’école : tu as été sage avec la maîtresse, maintenant on dit : elle a été gentille avec toi la maîtresse ?), alors, avec de tels principes d’éducation comment voudrions-nous que l’armée de demain, puisse supporter le moindre ordre donné avec une tierce de trop, un service tombé malheureusement un samedi, un dimanche, un jour férié, voire un vendredi après-midi, en cas de RTT ?

A partir du moment ou l’on ne supporte rien des contraintes (et Dieu sait s’il y en a encore plus) de la vie "civile", il y a peu de chances que l’on puisse supporter celles d’une vie "militaire".
Si les "anciens" ont supporté, c’est que familialement et scolairement parlants, nous étions "pré formatés" : on nous disait plus souvent non que oui.
En acceptant, tout ce que nous avons accepté par le passé, nous nous sommes certainement trompés, et nos jeunes, ont certainement raison de ne rien vouloir de ce que nous avons subi. Leur façon de faire ou de dire, peut nous étonner, mais elle est malheureusement la seule possible. Mais à qui la faute, à force de ne pas respecter sa base, en lui niant des droits essentiels et de maigres avantages, le ministère de la défense, et ce, à tous ses échelons, se prépare un avenir des plus rugueux, car si nous, "anciens", avons mis les formes à nos requêtes, nos jeunes n’en mettront aucunes à leurs REVENDICATIONS. Alors là….
Bien amicalement.
Monique Couturier

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