Le Tohic, Cruella : à chacun son psy

Lorsque des travailleurs décident de déverser un produit toxique à la rivière pour faire avancer leurs revendications, lorsque des vignerons en colère attaquent des édifices publics au bâton de dynamite, lorsque des encagoulés ceinturés de dynamite narguent l’Etat en toute impunité, il n’est ni question de les incarcérer, ni de s’enquérir de leur santé mentale. Au contraire, on saluera la vitalité du dialogue social et républicain.

Lorsqu’un Adjudant Le Tohic, longtemps classé parmi les meilleurs – avec un potentiel officier, excusez du peu – lassé des réponses dilatoires apportées à sa légitime demande d’éclaircissement sur les soudaines mesures inavouables prises à son encontre, choisit après des années de vaines procédures d’occuper pacifiquement son lieu de travail, fut-ce une soute à munitions, c’est une toute autre affaire.

L’affolement des autorités militaires contamine les autorités civiles.Les pouvoirs publics, principe de précaution oblige, font évacuer les villages voisins alors que le poste de commandement opérationnel chargé de gérer la situation est à proximité de l’arsenal. La machine s’est emballée, alors que le prétendu « forcené » casse tranquillement la croûte en attendant que Cruella cesse enfin de répondre à côté de sa question.

L’évacuation des trois villages permet à la presse de s’emparer de l’affaire.Désinformée par le Chef qui veille à son propre intérêt mais pas à celui de Le Tohic, elle annonce à tort que le « forcené » veut tout faire sauter pour ne pas être mis à la retraite (sic). Bien entendu ce n’est pas cet argument débile que l’Adjudant agite : il veut faire rendre gorge à l’institution sur l’origine inepte de sa disgrâce et ce, de l’intérieur de celle-ci, car en retraite cela deviendrait mission impossible.

La suite est connue : reddition de Le Tohic, incarcération puis libération pour n’avoir jamais menacé quiconque. Comme il fallait bien sauver la mise de ceux qui avaient pédalé trop vite, il est actuellement psychiatrisé.

Le grain de sable

Au retour d’une Opex de plus de cinq mois, estimant qu’en son absence le laisser-aller s’est installé dans le groupe de stockage des munitions dont il est le responsable en titre, l’Adjudant consciencieux se prend par la main et entreprend de faire le ménage. Il constate, dans l’indifférence, la gêne puis le courroux de sa proche hiérarchie un déficit de 50 détonateurs explosifs qu’il ne veut pas couvrir. Cela ne pardonne pas.

Comment la petite hiérarchie du coin va-t-elle s’y prendre pour étêter ce sous-officier qui présentait l’inconvénient d’être militairement et techniquement irréprochable ? En fait, ce qu’elle avait ainsi écrit de lui depuis plusieurs années n’allait pas la gêner beaucoup.

Avec quelque humour, le premier noteur pour avoir été mis en cause dans l’affaire, découvrit chez l’auteur de ses soucis… un déficit de camaraderie ! Celui dont on écrivait la veille : « a montré ses capacités à diriger des équipes au travail, toujours prêt à rendre service, c’est un sous-officier de valeur » devenait, pour s’en être pris à son laxisme, un accident dans la cohésion du groupe. L’humoriste écrit alors : « D’un caractère réservé, de plus amples relations seraient bénéfiques à son épanouissement ».

A ne pas cirer suffisamment les pompes de ses chefs, il perdit du même coup son potentiel officier.

Cette restriction sera présentée aux non initiés comme anodine. Elle en est tout le contraire, le plus délicat au regard d’une notation initialement flatteuse étant d’instiller la toute première réserve. Le reste suivra de surcroît. D’autant que Le Tohic, en bon Breton, n’entendant pas se laisser faire par des revanchards, allait se faire broyer jusqu’à l’anéantissement…

La dégringolade

Il serait fastidieux de présenter l’ensemble des documents qui témoignent de l’acharnement mis à le détruire. L’incohérence de sa notation, de ses punitions, du traitement de ses recours est manifeste. Elle fut d’ailleurs reconnue devant témoins par le membre du cabinet du ministre présent sur place lors de la crise et usant de cette réalité pour le faire sortir de son refuge. Après, toutes les promesses furent oubliées. Sauf par la victime qui, après avoir connu la prison, paie maintenant en hôpital psy de haute sécurité, l’inconséquence de Cruella.

La notation, à commencer par elle, atteste d’un grand désordre dans la coalition des premiers noteurs, naturellement reprise par ceux du dessus, adeptes du « ce qui est cru est plus important que ce qui est vrai ». D’où de nombreux recours.

On citera, liste non exhaustive car il y en a des pages, des jugements de valeur en totale contradiction avec le même jugement exprimé sous une rubrique différente. Avec des cases cochées en désaccord avec des appréciations littérales. Avec surtout la non prise en compte des excellentes appréciations formulées par ses supérieurs en différentes Opex (alors que son affectation en unité projetable avait été « fortement déconseillée », il fut encore excellemment apprécié juste avant le clash du bunker !).

On trouve dans ce bourbier quelques morceaux d’anthologie. Ainsi avec « une autorité remarquable », l’Adjudant « ne peut pas encadrer ses subordonnés » ! Sept généraux et un ministre pour entériner une telle phrase !

En occultant complètement la juste raison qui avait révolté l’Adjudant, cette notation relevait plus du règlement de comptes que d’un acte majeur de commandement.

Pour avoir refusé de cautionner par sa signature une année de plus cette parodie de notation : 40 jours d’arrêts. L’ayant ainsi poussé à la faute comme il est d’usage en pareil traquenard, et une seconde fois dans la rédaction d’un rapport insultant (10 jours supplémentaires), Cruella avait momentanément l’avantage. Aidée en cela par le chancelier du Régiment qui ne lui fut d’aucun conseil dans cette course au casse-pipe.

Côté brimades et punitions, la cohérence fait également défaut. D’où d’autres recours.

Interdiction de fait d’exercer sa spécialité en ZMS, ceci pour avoir dénoncé l’usage d’un véhicule militaire à des fins privées (accueil en gare de la famille du Chef, déménagement de mobilier vers sa résidence secondaire), et pour s’être ouvertement inquiété de l’immunité du haut responsable dans la destruction de ce véhicule. Il faut comprendre que notre Adjudant venait d’écoper de 3 punitions (avertissement, 10 et 20 jours d’arrêts) pour avoir éraflé un véhicule de service lors d’une corvée homérique. Pourtant aucune trace de cette éraflure bénigne ne devait figurer dans l’état annuel had hoc. Désignation le matin pour le jour même à 08 h 00 à la surveillance d’un dépôt désaffecté à 100 km de là. Frais d’hôtellerie non remboursés. Refus de lui accrocher la médaille de la Défense Nationale selon le même cérémonial que pour quatre de ses camarades. Interdiction de passer un congé maladie dans sa famille, tel que l’avait préconisé le médecin. Exécution de ses punitions durant sa maladie, avec astreinte irréglementaire. Chantage à la permission : « J’attends la réponse à la poursuite ou non de son recours » écrit le Chef de corps sur sa demande. Accusation à la cantonade de voler de l’électricité. Ceci n’est pas prouvé, mais médisez, il en restera toujours quelque chose. On arrêtera là les humiliations, pour ne pas lasser le lecteur.

En matière de recours, c’est encore la Grosse Bertha.

Tantôt correction à reculons par le ministère de telle et telle erreur marginale de notation. Ceci hélas n’étant d’aucun effet puisque les notations suivantes dans l’ignorance du temps que mettent les recours pour aboutir, ni dans quel sens ils aboutiront, s’ils aboutissent un jour, s’ingénient à reprendre les mêmes impropriétés. Ainsi deux recours ayant pris leur temps pour aboutir favorablement, mais sur du détail, n’ont strictement rien changé d’un fond définitivement gangrené.

Tantôt telle punition est annulée après son exécution, voire remplacée par une autre. C’est ainsi que seront annulées les deux punitions de 10 et 20 jours d’arrêts. Mais quel combat pour y parvenir. Avec en prime l’étiquette de procédurier qui est immanquablement apposée sur le front de celui qui utilise son droit à défense.

Le bordel apparent dans le traitement de ces recours atteint parfois son paroxysme. Ainsi, lorsque la Commission des Recours donne la leçon au ministère en ces termes : « C’est la seconde fois que ce type d’affaire est soumis à la commission. Il appartient au ministre, saisi d’un recours préalable, de décider et non de se contenter d’annuler une notation pour la faire refaire par l’armée intéressée ». En clair la réhabilitation de cette notation relevait d’un travail véritable remontant à l’affaire des détonateurs, et non d’une parodie. Aucun rond de cuir galonné n’ayant à gagner en s’attelant à un pareil pensum, il est clair que ce déni de justice ne pouvait que conduire à l’affrontement.

Bien souvent le tribunal administratif, qu’il saisit de manière hasardeuse n’étant pas juriste, se déclare incompétent. Ceci d’autant que les arguments fournis par la partie défaillante sont comme souvent en pareille circonstance, parfaitement inexploitables. En clair, la photocopie à notre époque n’est plus ce qu’elle a été.

Les vraies responsabilités

Une grave accusation s’impose : comment dans ces conditions Le Tohic pouvait-il rester serein ?

« Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice » a dit Montesquieu. Les timbres, tampons, cachets, sceaux, formules majestueuses et ampoulées dont Cruella n’est pas avare quand elle guillotine ne sauraient tromper : parce que deux petits frileux locaux n’ont pu supporter l’effroi d’un déficit momentané de 50 détonateurs, parce que d’autres frileux plus haut placés n’ont pu les déjuger par crainte de fragiliser la discipline dans les armées, même dans ce qu’elle a de plus pernicieux, l’homme de qualité qui les avait obligés à y voir clair, n’étant ni vigneron, ni syndiqué, ni encagoulé, a été conduit en prison.

… D’où il ne devait ressortir que pour l’hôpital psychiatrique où ses censeurs, au regard de leur prestation, auraient pu l’accompagner sans dommage.

Est-il besoin de rappeler que cette histoire, comme celle du Vétérinaire Biologiste Principal Jean Riche Le (lire  » Mea Culpa de Mariallio dans l’affaire du vétérinaire mordu par Cruella « ), se passe ici et maintenant chez nous. Un contestataire est un dissident or, dans tout bon totalitarisme, celui qui pense autrement ne peut être que mentalement dérangé. Ainsi le professait Staline.

Ceci montre une fois encore que pour une affaire sérieuse, un militaire confronté à l’institution est un homme seul. Lorsque le rouleau compresseur roule et compresse, personne y compris les apprentis sorciers qui l’ont mis en branle, ne peut le contrôler.

Qui, à part les militaires complètement intoxiqués, peut-il croire un seul instant qu’une hiérarchie mise en accusation par sa victime, va mettre du zèle à faire prospérer le dossier qui pourrait la conduire à se déjuger ?

La responsabilité venant d’être prise, dans le « nouveau statut de 2005 », de reconduire l’interdiction d’une défense efficace des droits professionnels et sociaux des militaires par un organisme indépendant de la hiérarchie, il est clair que des drames comme celui-là risquent de se reproduire.

Raison garder

Au moment où, à la suite d’une dérive lamentable, l’armée lui déniait toute aptitude au grade supérieur après la lui avoir reconnue 9 années durant, au moment où la grande compétence professionnelle qui avait présidé au déroulement de sa carrière était à son tour contestée, au moment où la victime requerrait contre cette abjection, voici ce qu’écrit le colonel Jean-François PARLANTI, commandant le Régiment d’Infanterie de Marine du Pacifique Nouvelle-Calédonie :

« Sous-officier expérimenté de très grande valeur, possédant un excellent contact, l’adjudant LE TOHIC utilise naturellement ses qualités humaines, son calme et sa pondération pour commander remarquablement et efficacement en toute sérénité.

Il obtient sans conteste l’adhésion de ses subordonnés, l’estime de ses camarades et une totale confiance de ses supérieurs.

Excellent technicien possédant des compétences incontestables, l’adjudant LE TOHIC s’acquitte avec aisance et détermination des missions qui lui sont confiées.

Particulièrement efficace et consciencieux, il est un élément digne de toute confiance et un conseiller très précieux qui a su faire déboucher des études très complexes et fastidieuses.

Son sens de l’organisation et sa disponibilité ont permis au dépôt munitions de Nandaï de faire face aux lourdes opérations de maintenance non prévues par le calendrier. L’adjudant LE TOHIC fut à chaque instant un adjoint précieux au chef du dépôt munitions

Ainsi était noté l’adjudant LE TOHIC un mois avant de s’enfermer dans une soute à munitions, à Connantray.

Ainsi est-il resté pour sa famille et ses amis, alors qu’il est interné en hôpital psychiatrique de haute sécurité, derrière des murs de six mètres, et ce sans médication aucune. En revanche le côtoiement des malades mentaux n’est pas bénéfique pour un homme sain.

C’est désormais au Juge de la liberté et de la détention de restaurer la dignité de l’adjudant Le Tohic.

Après avoir été enfermé dans une soute à munitions, puis dans une prison et enfin dans un asile, il est urgent de rendre la liberté à l’adjudant Le Tohic.

Lire également :
Comité pour la libération de l’Adjudant Le Tohic
L’honneur d’un Adjudant !

À lire également