Message de Soutien à l’adjudant Régis LE TOHIC

Décider de faire le déplacement jusqu’à la maison d’arrêts de Reims où Régis, mon frère d’armes, se trouve incarcéré depuis le 6 décembre dernier n’a pas été une démarche difficile à entreprendre. Pour l’avoir quotidiennement côtoyé au cours d’une récente mission au Sénégal, je connais son professionnalisme, sa droiture d’esprit, ses très grandes compétences et par dessus tout, sa totale disponibilité. Disponibilité dans le service assurément mais également celle qu’il accorde sans compter aux autres.

à aucun moment, malgré les difficultés de la mission, son excellente humeur et son esprit de camaraderie n’ont été pris en défaut.

Lui faire cette visite est donc pour moi, non seulement le moyen de lui témoigner mon amitié dans un des moments, sans aucun doute des plus difficiles de son existence mais surtout de lui dire qu’à l’extérieur des murs de sa prison, nombreux sont ceux qui, comme lui, servent ou ont servi le Pays les armes à la main, pensent fortement à lui et sont très attentifs à la justice qui lui est appliquée.

Mais lorsque l’immense porte blindée de cette vétuste et sinistre prison de Reims se referme sur moi et que mes pas me rapprochent du parloir où je vais bientôt retrouver Régis, l’angoisse de me trouver en présence d’un homme abattu, démoralisé (ou pire), brisé, prend visiblement le dessus sur la motivation qui, jusqu’ici, est la mienne.

Si je devais retrouver ce Régis là, serais-je alors capable de trouver les mots et les gestes qui pourraient lui remonter le moral ?

L’intrusion d’un homme libre dans son univers carcéral ne va-t-elle pas provoquer en lui davantage de détresse, surtout au moment où je devrai de nouveau le laisser à sa solitude ?

En clair, en cet instant, je ne suis plus du tout aussi certain des bienfaits de ma démarche.

Le bruit des clefs que l’on tourne dans les serrures et la vision des détenus qui pénètrent dans le parloir me tirent aussitôt de mes réflexions. Amaigri, barbu et la coupe de cheveux toujours aussi militaire, Régis est subitement devant moi et nous nous serrons longuement la main.
Il est souriant et calme. Surpris et heureux de me voir là, il m’apprend que l’administration pénitentiaire ne lui communique jamais l’identité de ses futurs visiteurs.

Très vite, je comprends qu’il me faut faire un net effort pour me ressaisir car de nous deux, je suis celui qui est plus ébranlé et, paradoxalement, c’est Régis qui est amené à me réconforter !

Les trente minutes de visite qui m’ont été accordées ne sont pas suffisantes pour analyser tous les sujets qui préoccupent Régis mais l’essentiel sera dit.

Et l’essentiel, pour lui, c’est d’abord de rassurer les personnes qui ont été évacuées de leur domicile par décision du Préfet.

à toutes ces personnes, Régis tient à dire qu’elles ne couraient en réalité aucun risque en demeurant chez elles car il n’y avait jamais eu de sa part ni menaces, ni attitude ou comportement menaçant et pas davantage de gestes qui auraient pu être interprétés comme tels. Que le GIGN, présent sur les lieux dès le début de l’affaire, avait, à tout moment, les moyens et la possibilité de le neutraliser et qu’il l’aurait sans aucun doute fait, s’il avait existé le moindre doute sur ce sujet.
Que sa décision de s’enfermer dans un dépôt de munitions, qui n’était en fait rien de plus que son lieu de travail, avait été pour lui le meilleur moyen de porter connaissance à l’opinion publique les turpitudes, les dérives et les carences d’une hiérarchie militaire qui se tient au dessus des lois et qui, depuis des années, ne vise qu’à le détruire.

Dans cette affaire, il suffit simplement de s’intéresser aux faits pour s’apercevoir qu’avec Régis LE TOHIC, nous nous trouvons bien en présence d’un homme d’honneur et respectueux des règlements militaires qui, poussé à bout de patience par des tracasseries devenues insupportables au fil des années, va être conduit à cette extrémité.
Car par dessus tout, Régis abhorre le mensonge et les coups bas et il les supporte d’autant moins, qu’ils ont pour origine cette même hiérarchie qui, depuis trois décennies, prétend lui inculquer des valeurs telles que: sens du devoir – respect des règlements – discipline – esprit de sacrifice – dignité – abnégation, équité – droiture etc.
De toutes ces valeurs, Régis, comme tous ceux qui ont choisi de servir leur Pays sous l’uniforme, va en faire un sacerdoce. Il va y croire tellement fort, qu’il va les enseigner à son tour aux jeunes qu’il aura sous sa responsabilité.
Et toutes les raisons de son geste tiennent au profond sentiment de trahison qui l’accable lorsqu’il prend conscience qu’il à été berné par un système qui se fiche totalement du droit, de la dimension humaine et qui ne sert qu’une petite élite de privilégiés.

Juste avant que mes pas me reconduisent vers la lumière, Régis tient à me rappeler ses principales craintes :

Que l’on cherche le classer comme psychologiquement déséquilibré. Qu’avec le temps, son cas ne finisse par tomber dans l’oubli. Que son dossier ne soit jamais instruit par la justice.

Je crois que mes tentatives pour le rassurer ne l’ont pas entièrement convaincu mais je suis certain que sur ces trois points il se trompe.

D’entrée, il se trompe sur la première de ses craintes parce qu’il est simplement impossible de pouvoir imaginer que la justice de notre Pays puisse se conduire comme, en son temps, se conduisait la justice Stalinienne, en enfermant dans des centres psychiatriques les personnes qui dérangent.

Il se trompe ensuite sur la seconde car déjà, nous nous comptons par dizaines à lui témoigner notre soutien et que ce soutien ne doit et ne peut que s’amplifier car son combat est aussi celui que des centaines d’entre-nous ont supporté dans l’anonymat et que le cas LE TOHIC ne doit et ne peut désormais nous laisser indifférents.

Il se trompe enfin sur la troisième car nous avons le bonheur de vivre dans le Pays qui est aussi le berceau des droits de l’homme et que, comme à chacun de ses citoyens, Il se doit de rendre justice à Régis.

D’ailleurs, Régis ne paye t-il pas actuellement au prix fort ce droit à la justice ?

Pour toutes ces raisons, au moment même où la porte blindée de la prison se referme et que je quitte libre ce sinistre endroit, je suis totalement convaincu qu’un homme, qui n’est pas médicalement reconnumalade mental et qui n’a, par ailleurs, jamais attenté à la vie d’autrui, ne peut être maintenu plus longtemps derrière des barreaux.

Alors mon vieux Régis, je te dis courage et encore un peu de patience, ton calvaire approche de sa fin. Hors de ta prison, tes frères d’armes ne t’oublient pas et justice finira par t-être rendue.

Ton ami MAX.

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