Pas de gloire pour les soldats d’en-bas !

Il existe au sein de l’Armée française une coutume qui perdure depuis très longtemps et qui mérite d’être dénoncée : celle ayant trait à l’attribution des décorations pour les militaires du rang.

Engagé cinq ans au titre du 3° Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine, j’ai servi dans cette prestigieuse unité de 1990 à 1995. En Avril 1994, avec ce régiment, je suis parti en mission d’intervention pour procéder à l’évacuation de ressortissants français et étrangers au RWANDA. Cette intervention, appelée « opération Amaryllis » a duré 6 jours pendant lesquels nous avons évacué dans des conditions très difficiles et dangereuses, 1550 personnes dont 500 familles françaises.

C’était, compte tenu des événements, une mission périlleuse. Le pays était en pleine guerre.

A notre arrivée en France, une prise d’armes fut organisée pour fêter notre retour. Au cours de cette cérémonie, seule une vingtaine de parachutistes sur deux cent engagés dans l’opération dès la première heure se virent remettre la croix de la valeur militaire avec une citation.

Naturellement, le chef de corps du 3ème RPIMa et la quasi totalité des officiers des compagnies furent les premiers décorés. Puis vint le tour de quelques sous-officiers et caporaux-chefs ayant au moins sept à huit ans de services.

Pour les autres, c’est-à-dire les soldats de base, rien, strictement rien ! Pas un titre honorifique tel que la médaille d’outre-mer avec agrafe RWANDA par exemple, pas un seul témoignage de satisfaction ni même une simple lettre de félicitations à archiver dans le dossier. Aucune reconnaissance ne sera accordée aux soldats qui ont risqué leur jeune vie pour servir et défendre les intérêts de la République Française dans cette mission à hauts risques.

Une nouvelle fois les soldats de base ont été oubliés, ignorés, et cela de façon délibérée. Formant une masse obéissante et silencieuse, malléable et corvéable à merci, ces hommes peuvent rester dans l’anonymat, cela importe peu l’opinion publique ! Du moins c’est ce que pense le système bien huilé.

La croix de la valeur militaire avec citation est considérée comme un titre de guerre décerné à ceux qui ont accompli une action d’éclat. Je me suis toujours demandé : comment peut-on couvrir d’éloges un encadrement qui oublie d’honorer les hommes qu’il commande, comment peut-on couvrir de médailles la poitrine de gradés qui ont accompli leur devoir dans des conditions parfois moins risquées que celles de leurs subordonnés ? En somme, ma question est simple : comment peut-on décerner, dans les mêmes circonstances, un titre de guerre pour les uns et rien pour les autres, pas même un témoignage écrit de reconnaissance ?

N’est-il pas temps que nos hommes politiques condamnent ces pratiques mesquines ?

Le jeune soldat parachutiste que j’étais s’est senti trahi, abusé voir déshonoré par de telles injustices. Depuis cet épisode, je ne donne plus la même valeur aux mots patrie, égalité, fraternité et liberté. Mais j’ai rapidement compris une chose : dans l’armée il y a ceux qui servent et ceux qui se servent ; ceux qui signent des contrats précaires et ceux qui font carrière ; ceux qui vont au carton et ceux qui récoltent les décorations. Il y a, il faut bien le reconnaître, l’armée d’en haut et l’armée d’en bas et pour la caste d’en-haut, un soldat à la carrière courte, voire très courte, n’a pas besoin d’un titre de guerre pour retourner dans le secteur civil. Il faut laisser ça à ceux qui font carrière. Comme si un simple soldat n’était pas sensible, lui aussi, aux honneurs lorsqu’il sait qu’il a bien rempli sa mission.

C’est pourquoi je propose qu’un militaire qui participe à une mission opérationnelle dangereuse sur un territoire extérieur reçoive le titre de reconnaissance de la nation quelle que soit la durée du temps passé sur le territoire. A ce titre, une évacuation de ressortissants dans un pays en guerre est une mission dangereuse.

De même, accorder la médaille d’outre-mer avec l’agrafe du territoire sur lequel l’engagé intervient me paraît être la juste récompense de sa disponibilité, de son dévouement et de son abnégation au service de la France.

Ex Caporal para Provost

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