L’ « Intifada » du sous-officier

Les fêtes et la tragique actualité internationale ne doivent pas nous faire oublier que nous avons un camarade en prison et ce dans l’indifférence générale car, une fois le scoop passé, le devenir d’un sous-officier en détresse n’intéresse plus grand monde, même et y compris si par son geste désespéré il a mis le doigt là où ça fait mal.
Alors j’ai repris les coupures de journaux pour revoir un peu les évènements et les réactions plus ou moins spontanées qui ont suivi. C’est hallucinant !

Trois villages évacués. On croit rêver ! Pour celui qui un jour a été confronté à une étude de risques pour l’approbation d’une simple soute à munitions régimentaire ou qui a du se plier aux règles draconiennes qui régissent les dépôts roues des troupes en manoeuvre, il ne peut s’agir que d’une manipulation mentale de la population via les médias, toujours prêts à répéter tout et n’importe quoi sans vérifier (Cf. la fameuse agression antisémite du métro) et si en plus on peut remettre une louche à moindres frais à la grande muette, c’est tant mieux. D’autant plus que les chefs de ladite grande muette ne se sont pas privés pour organiser la désinformation.
Donc, « par précaution » on évacue trois villages. De deux choses l’une, ou le chef de dépôt a laissé délibérément stocker plus de munitions que le dossier sécurité de la soute ne permettait, mais là on peut en douter sans grand risque de se tromper, ou alors les zones à risques bénéficiaient d’une de ces sempiternelles dérogations dont l’armée a le secret dès lors que ça arrange l’Etat car il y a économie substantielle au bout.
A moins que dans l’affolement du moment on ait confondu tonnage brut et poids de matière active, ce qui laisse quand même de la marge. Mais les chiffres, c’est comme les mensonges, plus c’est gros, mieux ça passe.
« S’il n’a pas été accroché au tableau d’avancement, c’est qu’il ne le méritait pas. La progression n’est pas automatique. Il ne faisait pas partie des meilleurs éléments ». Merci pour toutes ces précisions, mon général. Je suppose que vous par contre… Il est vrai que votre profil de carrière est beaucoup plus lisse, eau chaude, eau froide comprises ! Pour justifier sa mise à la retraite, le général, d’après les journalistes, insiste également sur le fait « qu’il entretenait des relations conflictuelles avec sa hiérarchie », dont acte. Et pour terminer en beauté et sans sourciller, « c’est plus son comportement que ses compétences qui sont en cause ». Dès que vous aurez choisi entre ses compétences (que vous reconnaissez implicitement) et le fait qu’il ne faisait pas partie des meilleurs, faite-le nous savoir, mon général, mais pas par voie de presse, vous y avez déjà suffisamment brillé comme ça. Et puis s’il vous reste un peu de temps, voyez donc les notations établies par des chefs a priori neutres qui l’ont jugé pendants ses OPEX, à moins qu’il ne s’agissait, là aussi, d’incompétents, mais à ce rythme-là, on est mal.

Le Tohic devrait être mis en examen pour « menaces sous condition par moyen dangereux pour les personnes ». Pourtant le préfet de Champagne a bien déclaré à la presse la veille, que « l’intéressé est calme et n’a pas d’intention agressive ou violente, ni vis-à-vis de lui-même ni vis-à-vis des autres ». Il faudrait savoir !

Forcené ? Désespéré ? Geste fou ou dernier espoir d’un serviteur de l’état qui a consacré sa vie à cette armée qui le paye si mal en retour ? S’il ne nous appartient pas de juger, il nous est quand même permis de poser quelques questions.

Qu’est-ce qui pousse un général à dénigrer sans nuance un de ses subordonnés qui visiblement se trouvait dans un état de grande détresse ?
Si l’adjudant avait une radio, comme l’affirmait la presse, a t-il seulement mesuré les conséquences dramatiques qu’aurait pu avoir ce dénigrement sur le psychisme du « forcené » ?
Qui a décidé et sur quels critères, de faire évacuer trois villages, contribuant ainsi à rajouter à la panique ambiante des premières heures ?
L’évènement est suffisamment grave pour évacuer trois villages, mais pas assez pour déplacer madame la ministre de la défense. Faut-il conclure qu’elle savait qu’elle n’avait pas de soucis à se faire ?
Sait-on si les ouvriers et syndiqués qui ont menacé au cours de l’année, qui de déverser des produits polluants dans les rivières, qui de faire brûler ou exploser les installations des entreprises qui licenciaient ou délocalisaient ont été mis en examen pour le même motif que notre camarade qui n’a menacé personne ?
Sont-ils en prison eux aussi ou sont-ils libres parce que défendu par autre chose que leur hiérarchie ?
Alors mon général, si on parlait de l’article 10 ?
A moins que là, je ne devienne procédurier ?
Comment s’appelle le défenseur mis à la disposition de notre camarade par notre belle institution pour défendre l’un des siens ?
Ou a t-on décidé qu’il ne méritait pas plus de défense que d’avancement ?

Un pavé dans la mare fait toujours des ronds dans l’eau et vous ne pourrez pas nous maintenir la tête sous l’eau indéfiniment pour essayer de nous faire croire qu’il n’en est rien.
Lorsque les gendarmes sont descendus dans la rue, nous sommes restés dans nos casernes. L’augmentation substantielle de la NBI des généraux a récompensé ce bel exemple de discipline. Le geste de notre camarade nous rappelle, s’il le faut, que la patience aussi a ses limites. A force d’attendre sous les branches un fruit qui ne tombe pas, on finira bien par se résoudre à secouer l’arbre.

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