Question écrite N° 31758 de M. Brard Jean-Pierre ( Députés Communistes et Républicains – Seine-Saint-Denis ) publiée au JO le 13/01/2004 page : 217
M. Jean-Pierre Brard attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur l’intérêt que présentent les armes neutralisantes non létales. En effet, l’utilisation des armes à feu classiques par les forces de l’ordre entraîne trop souvent des blessures totalement inutiles pour le bon déroulement d’une interpellation ou d’une neutralisation, blessures parfois mortelles. L’usage d’armes non susceptibles d’avoir un effet mortel semble donc devoir être recherché. Il lui demande en conséquence si des avancées technologiques sont réalisées dans ce domaine et, dans l’affirmative, s’il envisage de faire évoluer l’équipement des forces de l’ordre en ce sens..
Réponse publiée au JO le 15/06/2004 page : 4500.
L’intérêt d’utiliser des armes neutralisantes non létales recueille toute l’attention du ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Tout d’abord, la possibilité, pour les forces de l’ordre, de recourir à la force est strictement réglementée. Ainsi, l’utilisation des armes à feu obéit, au plan juridique, aux règles de la légitime défense, dans le but de protéger autrui ou soi-même. Ainsi, l’objectif des policiers et des gendarmes est de neutraliser l’agresseur, jamais de rechercher délibérément une blessure qui pourrait s’avérer inutile. Il incombe donc à l’Etat de rechercher dans le cadre légal les moyens matériels les plus adaptés à une réponse proportionnée, en vue de la préservation ou du rétablissement de l’ordre public. C’est la raison pour laquelle, à côté de l’arme à feu classique dont le renouvellement est conjointement engagé entre la police nationale, la gendarmerie nationale et l’administration des douanes, un effort particulier est réalisé pour fournir aux forces de l’ordre des moyens techniques de réponse alternatifs. Ainsi, la police a été dotée de lanceurs sublétaux de balles de défense, mis à disposition notamment des effectifs des brigades anti-criminalité (flashball proGUIP) et des unités CRS (Cougar avec munition » bliniz « ). En 2003, un marché a été lancé pour généraliser ces lanceurs aux autres effectifs en tenue de la sécurité publique. De même, pour faire face aux agressions physiques directes, le bâton de défense constitue un équipement de protection adapté. Les bâtons de défense à poignée latérale (tonfas) peuvent désormais, sur décision de la hiérarchie locale, être attribués à tout policier, sous la double condition d’une formation préalable et d’un entraînement régulier. Par ailleurs, pour permettre aux policiers et aux gendarmes de disposer de moyens complémentaires, des recherches ont été menées sur d’autres matériels qualifiables de moyens intermédiaires de défense. Ainsi, pour assurer la protection des personnels, une expérimentation à grande échelle a été lancée concernant un nouvel équipement de défense, le dispositif balistique de désencerclement (DBD), destiné à provoquer le repli ou la dispersion de groupes d’individus menaçants qui n’hésitent pas parfois à s’attaquer, dans certaines zones, aux forces de l’ordre. Ce dispositif se présente sous la forme d’un corps en plastique qui projette, lors de sa déflagration, des morceaux de caoutchouc de forme et de masse déterminées, accompagnés d’un bruit bref à un niveau sonore élevé. De même, afin de trouver une alternative à l’emploi des gaz lacrymogènes classiques employés dans les conteneurs aérosols qui présentent certaines limites d’emploi (volatilité du produit et persistance de ses effets, toxicité réduite mais existante du solvant, incommodation des agents lors des interpellations…), il a été décidé de doter les policiers et les gendarmes d’incapacitants utilisant des poivres naturels ou synthétiques, en particulier la molécule connue sous le nom d’oléorésine capsium. Une expérimentation menée en 2003 dans des unités de sécurité publique et des compagnies républicaines de sécurité s’est révélée positive. Ces produits sont par ailleurs déjà utilisés par plusieurs polices étrangères (Autriche, Suisse, Länder allemands, différents Etats américains…). Pour faire face à des situations particulières où les autres dispositifs existant s’avèrent inappropriés, une étude a été lancée pour doter à titre expérimental certaines unités spécialisées de la police nationale (RAID, GIPN, etc.) de pistolets à électrodes qui, en se plantant dans les vêtements ou le corps d’un individu, lui transmettent une haute tension pulsée perturbant sa tension nerveuse et permettant ainsi son interpellation. Cependant, au-delà de son efficacité qui sera évaluée à l’issue de cette expérimentation, ce dispositif n’offre qu’un tir entre chaque rechargement, ce qui limite son emploi à la neutralisation d’un individu seul, qui doit, par ailleurs, se trouver à une distance de moins de cinq mètres pour une portée efficace. L’utilisation de ce type d’armes, acheté par différentes forces de police, en particulier aux Etats-Unis, au Canada et très récemment en Grande-Bretagne, requiert une formation spécifique en raison notamment de certaines précautions d’emploi : contre-indication sur les personnes souffrant de cardiopathie, les femmes enceintes, les personnes imprégnées de liquide ou de vapeurs inflammables d’alcool, interdiction de tir dans le cou ou à la tête. Enfin, une expérimentation a été lancée au sein de la police nationale sur des dispositifs d’interception de véhicules automobiles qui, se présentant sous diverses formes, ont en commun, par rapport aux herses traditionnelles, de supprimer les risques collatéraux en milieu urbain, comme l’enroulement possible autour de l’essieu pouvant blesser les fonctionnaires ou provoquer la perte de contrôle du véhicule. Ces dispositifs, s’ils n’entraînent pas un arrêt immédiat des véhicules, permettent le plus souvent de les intercepter ou de les retrouver rapidement.