Lettre adressée par Madame Annie ROMERIO à Madame Evelyne RATTE préfète du Limousin

Madame ROMERIO (1) a rencontré à sa demande Madame Evelyne RATTE, préfète du Limousin et de la Haute Vienne, qui a occupé également le poste de Secrétaire Générale pour l’Administration  du Ministère de la Défense de 2002 à 2005, lorsque le « nouveau » statut général a été adopté. Postérieurement, elle a souhaité préciser par écrit certains points abordés lors de l’entretien. Madame Romério a autorisé l’Adefdromil a publié le contenu de ce courrier. Nous l’en remercions.

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Madame Annie ROMERIO Limoges,  le 13 août 2010

Major (e.r.) de l’Armée de Terre

87000 LIMOGES

Madame Evelyne RATTE

Préfet de la Région du Limousin

Préfet de la Haute-Vienne

87000 LIMOGES

Madame le Préfet,

Lors d’un entretien accordé en 2007, Monsieur Alain RODET, député maire, m’avait signalé votre arrivée en Limousin, après que vous ayez occupé, précédemment les  très importantes fonctions de Secrétaire Général pour l’Administration de 2002 à 2005 sous Madame Alliot-Marie, alors Ministre de la Défense.

A la suite de ce rendez-vous, je me suis alors souvenu de votre présence lors de la discussion sur les retraites en 2003, en l’occurrence celles des personnels militaires. Or, le document parlementaire s’y rapportant m’avait inquiétée, notamment sur la justification de la  poursuite de la politique des carrières courtes, avec ou sans pension, politique nécessitée par l’obligation de disposer de personnels encore jeunes.

En effet, cet argument, je l’ai entendu depuis des  années en provenance, notamment, des C.G.A. J.C. Roqueplo et F.Cailleteau, dont vous avez sans doute entendu parler et qui, ni  l’un ni l’autre, n’ont cru devoir se soumettre à leur propre politique.

Leurs successeurs, notamment les C.G.A. Sandras, Palagos, Conort, Roudière et Piotre ont, hélas suivi le même chemin et qui plus est à votre ancien poste pour ce dernier.

Aussi en ma qualité de retraitée militaire, je ne pouvais laisser passer l’occasion de vous rencontrer pour évoquer, même brièvement, quelques points du statut général des  militaires (107 articles) voté en mars 2005 que vous avez « couvert » dans son intégralité, mais qui reste à améliorer profondément dans son application.

Je vous remercie donc tardivement de l’entretien que vous avez bien voulu m’accorder, pendant une quinzaine de minutes à la mi-avril malgré un emploi du temps chargé.

Toutefois, je vous dirai, sans ambages, qu’il m’a laissé très dubitative, ce qui m’a incitée, à rédiger ce compte rendu pour en retenir les sujets évoqués brièvement.

En effet, au fur et à mesure que je soulevais  quelques points négatifs, tout d’abord sur

le texte même  du S.G.M., voté à l’encan, à la va vite, et à main levée, ainsi  que sur les  problèmes actuels : sévices dans la Légion étrangère, jeunes indemnisés avec beaucoup de retard, à la suite du non renouvellement de leur contrat, mais aussi prolifération des officiers généraux….vous avez tenu à apporter des éléments spécieux pour contrer mes arguments, justifiant ainsi et votre action passée et la politique de professionnalisation des Armées décidée sans réelle concertation en 1996 par Jacques Chirac.

De mémoire, je cite : nous sommes dans un Etat de droit. Ce teste législatif est excellent, il a demandé beaucoup de  travail en commissions auxquelles vous avez participées ; quant aux problèmes concernant, entre autres, les légionnaires, et les jeunes renvoyés, manu-militari dans leurs foyers, votre réponse a été lapidaire  « il y a partout des gens mécontents »!

En venant vous voir, je n’ignorais pas que vous aviez quitté le domaine militaire depuis cinq ans, et que vous n’avez pas suivi toute l’application de cette loi, mais dans ma naïveté j’avais imaginé, avec le dossier succinct, mais explicite, remis avant l’entretien, et le recul du temps,  que vous auriez tenu, à mon égard, un autre langage plus franc,  courageux et lucide.

Pour quelle raison ? Tout simplement eu égard à ma carrière et aux connaissances acquises y compris dans plusieurs cabinets ministériels, carrière qui s’est terminée en 1990 au cabinet de mon quatrième ministre de la défense, alors J. P. Chevènement, ce que vous avez toutefois tenu à signaler au cours de cet entretien.

Je vais en quelques mots préciser ma pensée : vous auriez pu me dire que  comme  tous les autres, ce texte législatif était  perfectible, mais aussi, et surtout que les officiers généraux en poste au Boulevard Saint-Germain vous avaient tracé le chemin à suivre dés votre arrivée,  à charge pour vous de « mettre ce texte en musique »  à commencer par leur propre conditionnalat baptisé «  accompagnement » à leur reconversion sous forme du versement d’une indemnité, en somme l’application des carrières courtes, étoiles comprises…

Premier décret pris. Sans commentaires !

Or, reconnaître les carences et les turpitudes commises par les différents échelons, organismes et  commissions parlementaires, lors de l’élaboration de ce texte législatif de première importance, n’aurait rien eu d’indécent de votre part à mon égard, assez bien rompue que je suis, aux arcanes de la politique.

Je rappelle, à ce sujet,  que la vieille pratique du conditionnalat a été condamnée en novembre 2000 par le Conseil d’Etat grâce au courage de mon ami Michel BAVOIL, l’actuel président de l’ADEFDROMIL – Association de DEFense des DROits des MILitaires- à laquelle j’adhère en qualité de membre du Conseil d’Administration et pour laquelle je travaille à titre bénévole, comme les responsables eux-mêmes.

Ainsi légalisé, le conditionnalat étoilé est légitimement autorisé jusqu’au 31 Décembre 2010 – Coût ignoré !

Afin de ne pas trahir votre pensée, je résume sur  feuille annexée les points  brièvement évoqués avec vous, en les commentant,  ou les précisant.

Ma conclusion sera aussi tranchante que vos remarques l’ont été. Pour moi, vous faites partie de la France d’en haut (cf. J.P. RAFFARIN), celle des ministères où tout se décide pour tout le monde, celle, auto-satisfaite de ses vastes connaissances plutôt livresques  qu’acquises sur le terrain, en opération extérieure, par exemple.

En effet, cette dernière comporte des désagréments notables et des risques inhérents qui ont nom : le stress, la peur, la faim, le manque de sommeil, le froid, la chaleur, l’éloignement de la famille, la solitude, les responsabilités et la décision à prendre en un quart de seconde, le sifflement des balles (connu personnellement en Algérie), la douleur physique, la peine de voir un copain blessé, voire disparu…autant d’aléas que ne connaissent pas les spécialistes du stylo et les possesseurs de calculette, positionnés plus ou moins longtemps à l’ombre de la Tour Eiffel ou dans quelconque état-major en province, ou outre-mer.

L’engagement de nos forces armées de par le monde et surtout en Afghanistan, en est un exemple concret avec le 45ème Français tombé sur le sol afghan et de nombreux blessés et traumatisés qui en découle.

Enfin, une fois encore, démonstration est faite que l’Exécutif -de fait, l’administration- a fait plier et a conditionné en quelque trente cinq heures…la majorité législative.

Cela est fort regrettable en démocratie voire inquiétant pour l’avenir si ces errements devaient perdurer dans ce domaine et dans tous les autres qui touchent de près les Français.

Il me reste à mettre en pratique, dans mes prochains articles, ce que je vous ai dit en partant : demander d’ores et déjà, et opportunément  la refonte de ce texte, en y invitant tous mes amis, votre attitude aussi rigide que sans concession m’y a vivement encouragée.

En vous renouvelant, malgré tout, mes remerciements  pour m’avoir accordé quelques minutes d’entretien, je vous prie de croire, Madame le Préfet, à l’assurance de mes sentiments distingués.

Annie Romerio

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Annexe lettre Annie Romerio

(1)

Annie Romerio, née en 1935, s’est engagée au titre de l’Armée de terre en 1957. En 1958, elle intègre l’Ecole du personnel féminin de l’armée de terre à Dieppe.
Elle sert : de 1958 à 1961 et de 1965 à 1969 à la revue de Défense Nationale à l’Ecole Militaire à Paris ; de 1961 à 1964 au sein de l’EMSI (équipe médico sociale itinérante) et à l’Etat-major de La Reghaîa en Algérie ; de 1964 à 1965 à l’Etat-major des Forces Françaises en Allemagne ; de 1969 à 1971 à la Mission militaire de coopération technique au Maroc ; de 1971 à 1973 au Service Central d’étude et de recherche sur l’habillement (SCERH) à Saint Cloud ; de 1973 à 1974 au Secrétariat d’Etat de l’Education Nationale à Paris ; de 1974 à 1977 au Cabinet civil et militaire du Secrétariat d’Etat aux DOM-TOM ; de 1977 à 1981 à l’Ambassade de France aux Pays Bas ; de 1981 à 1982 à l’Etat-major de l’Armée de terre – division logistique – section intendance à Paris; de 1982 à 1984 au cabinet du ministre de la défense Charles Hernu, cellule des affaires internationales ; de 1984 à 1990 au cabinet des ministres de la défense Paul Quilès, André Giraud, Jean-Pierre Chevènement en qualité de secrétaire de direction, puis de chef du secrétariat de la sous direction des bureaux du cabinet (SDBC).
Elle quitte les armées en 1990 avec le grade de major.

Elle est chevalier de l’ordre national du Mérite, titulaire de la médaille militaire, de la croix de la valeur militaire avec étoile d’argent (rapatriements des harkis et de leurs familles).
Elle est membre du Conseil d’Administration de l’Adefdromil et conseillère du président.

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