L’avancement conditionnel

Capitaine BAVOIL Michel
14 rue Fould Stern
60 700 PONT SAINTE MAXENCE
TPH DOM : 03 44 72 96 30
TPH BUR : 03 44 61 94 63 Pont, le 20 Septembre 2000

Monsieur le Député,

Le 22 juin 2000, la Commission de la défense nationale et des forces armées a déposé, en application de l’article 145 du règlement de l’Assemblée Nationale, un rapport d’information sur les actions destinées à renforcer le lien entre la Nation et son Armée.

Vous avez présenté ce rapport N°2490, conjointement avec Monsieur le Député Bernard GRASSET.

J’ai lu avec beaucoup d’attention ce rapport et je suis surpris et troublé (au même titre d’ailleurs que de nombreux officiers et sous-officiers qui partagent mon point de vue), par le fait que vous n’ayez, à aucun moment, fait allusion au scandaleux avancement conditionnel dans les armées dit: « double jumping » dans notre jargon militaire et appelé très pudiquement « surclassement en fin de carrière » par le ministre de la défense.

Cette affaire a fait grand bruit dans l’armée de terre au moment ou vous avez parcouru ses Unités dans le cadre de votre information.

Vous n’êtes pas sans savoir que j’ai déposé un recours en Conseil d’Etat le 14 juin 1999, tendant à obtenir l’annulation de la décision du 16 décembre 1998 portant inscription au tableau d’avancement pour l’année 1999 (armée active) régulièrement publiée au Journal Officiel de la République Française du 26 décembre 1998, page 1956 et suivantes. Il en est de même pour le Tableau d’Avancement 2000.

L’hebdomadaire LE POINT a publié un dossier sur cette affaire sous le titre « le capitaine qui casse la baraque » en janvier 2000. Depuis cette publication, de nombreuses voix s’élèvent au sein de l’armée et des associations d’anciens militaires manifestent de plus en plus leur mécontentement à travers des articles parus (L’Essor de la gendarmerie nationale, la Tribune des sous-officiers, la Fédération nationale des anciens des missions extérieures, etc.).

Il faut souligner également que Monsieur Jean Claude DELARUE, Président de l’Association de défense des usagers de l’administration a adressé une lettre au ministre de la défense pour l’informer que l’ADUA m’apportait son soutien.

Comme je l’ai écrit  le 20 janvier 2000 aux présidents du Conseil Supérieur de la Fonction Militaire et du Conseil de la Fonction militaire de l’armée de terre, cette pratique du double jumping porte atteinte aux statuts des militaires, discrédite l’armée vis à vis de la fonction publique, méconnaît le principe d’égalité de traitement, accorde des avantages discriminatoires de retraite, répercute ces avantages sur les pensions de réversion, fait peser des charges indues au système des retraites.

Votre silence, Monsieur le Député, me paraît pour le moins surprenant. Il est d’autant plus surprenant que monsieur Alain RICHARD , Ministre de la Défense, a été dans l’obligation de se justifier auprès du journaliste Jean GUISNEL du POINT le 10 mars 2000. Je le cite:

« … Donc le « conditionnalat » – qui consiste à prendre l’engagement anticipé de quitter le service au moment d’une promotion de grade – est une technique de gestion que je trouve légitime. Car c’est à la fois l’intérêt du service et des personnes concernées. Quant à la possibilité de surclassement en fin de conditionnalat, elle doit rester exceptionnelle : cas de mérites particuliers ou besoin de résorption de sureffectifs dans une spécialité, par exemple. Mes instructions visent à ne recourir à cet avantage que de manière extrêmement restreinte ».

J’attire respectueusement votre attention, Monsieur le Député, sur le fait que les propos du Ministre de la défense sont démentis par les pourcentages importants des nominations à titre conditionnel prononcées en 1999 et non contestés par le ministre de la défense devant le Conseil d’état. Je vous joins pour votre information une copie du mémoire complémentaire N°8 faisant état de ces pourcentages.

On est en droit également de se demander pourquoi le ministre de la défense n’a pas évoqué cette pratique de l’avancement conditionnel dit « double jumping » devant l’Assemblée Nationale, lors de l’élaboration de la loi sur l’attribution du pécule ?

Cette affaire, qui est  suivie par la presse, les associations d’anciens militaires, la fonction publique et les cadres militaires en activité de service est appelée à rebondir car elle est proprement scandaleuse.

Aussi, j’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir me faire connaître votre position sur celle-ci, les raisons qui ont pu motiver sa non révélation dans votre rapport d’information et les démarches que vous entendez entreprendre afin que le ministre de la défense s’explique sur la divergence entre ses propos et la réalité des faits. La prochaine discussion parlementaire sur le budget de la défense me paraît être une bonne occasion pour formuler vos observations.

Veuillez agréer, Monsieur le Député, l’assurance de mes sentiments les plus distingués.

signé : Michel Bavoil

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