Sanction disciplinaire et propos misogynes, sexistes, obscènes, racistes et discriminatoires (Par Maître Elodie MAUMONT)

Par un arrêt du 22 novembre 2019, le Conseil d’Etat a, par ses 7ème et 2ème chambres réunies, rejeté la requête en excès de pouvoir formée par un officier de gendarmerie à l’encontre d’une sanction du 1er groupe du Blâme du Ministre.

Blâme du Ministre : la sanction la plus grave du 1er groupe

Aux termes de l’article L 4132-2 du Code de la défense :

« Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes :

1° Les sanctions du premier groupe sont :

a) L’avertissement ;

b) La consigne ;

c) La réprimande ;

d) Le blâme ;

e) Les arrêts ;

f) Le blâme du ministre ;

2° Les sanctions du deuxième groupe sont :

a) L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de cinq jours privative de toute rémunération ;

b) L’abaissement temporaire d’échelon ;

c) La radiation du tableau d’avancement ;

3° Les sanctions du troisième groupe sont :

a) Le retrait d’emploi, défini par les dispositions de l’article L.4138-15 ;

b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat.

Les sanctions disciplinaires ne peuvent se cumuler entre elles à l’exception des arrêts qui peuvent être appliqués dans l’attente du prononcé de l’une des sanctions des deuxième et troisième groupes qu’il est envisagé d’infliger.

En cas de nécessité, les arrêts et les consignes sont prononcés avec effet immédiat.

Les conditions d’application du présent article font l’objet d’un décret en Conseil d’Etat. »

Les articles R 4137-9 et suivants du Code de la défense précisent effectivement les conditions d’application de l’article précité.

Il peut être relevé notamment que :

  •  « à l’exception de l’avertissement, les sanctions disciplinaires sont inscrites au dossier individuel des militaires« . (article R 41377-22 du Code de la défense)
  • « L’effacement des sanctions disciplinaires du premier groupe est effectué d’office au 1er janvier de la cinquième année suivant celle au cours de laquelle les sanctions ont été prononcées.Sont toutefois exclues de l’effacement d’office des sanctions disciplinaires du premier groupe les sanctions concernant des faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes mœurs ou à l’honneur ayant donné lieu à un blâme du ministre, à des arrêts d’une durée supérieure à trente jours ou à une condamnation pénale inscrite au casier judiciaire numéro deux. » (article R 4137-23 du Code de la défense)

Une sanction proportionnée à la gravité des fautes

Rappelant dans son arrêt les faits de la cause, à savoir :

« Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que le chef d’escadron B…, après avoir commandé un escadron de gendarmerie mobile à Melun pendant quatre années, a été affecté du 1er août 2016 au 1er août 2018 en qualité de commandant de la compagnie de gendarmerie départementale de Rouen. A la suite d’un signalement fait le 13 avril 2018 sur la plateforme nationale destinée à recueillir les signalements des cas de discrimination au sein de la gendarmerie, le chef de l’inspection générale de la gendarmerie nationale a ordonné au commandant de la région de gendarmerie de Normandie de procéder à une enquête de commandement sur les relations qu’entretenait M. B… avec ses subordonnés. Les auteurs du rapport de l’enquête de commandement, remis le 15 juin 2018, ont constaté que l’intéressé avait tenu de manière récurrente des propos misogynes, sexistes, obscènes, racistes et discriminatoires à l’égard de subordonnés entre avril 2014 et mai 2018. Se fondant sur ces constats, la ministre des armées a prononcé, le 10 août 2018, un  » blâme du ministre  » à l’encontre de l’intéressé. M. B… demande l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision. »

la Haute Assemblée a considéré que, s’agissant de la légalité interne de la décision, outre d’une seconde décision déférée à la censure de la juridiction s’agissant de l’exclusion à l’Ecole de guerre :

« Sur la légalité interne de la décision attaquée :

7. En premier lieu, aux termes de l’article 3 de l’arrêté du ministre de la défense du 25 juillet 1980 portant organisation de l’enseignement militaire supérieur du deuxième degré :  » l’exclusion de l’enseignement militaire supérieur du deuxième degré peut être prononcée par le délégué général pour l’armement ou par le chef d’état-major ou le directeur sous l’autorité duquel est dispensé cet enseignement, soit pour travail insuffisant ou insuffisance d’instruction, soit pour faute contre la discipline ou pour tout autre motif grave, lié ou non lié à l’enseignement (…) « .

8. Par une décision du 13 juillet 2018 prise sur le fondement de ces dispositions, le directeur général de la gendarmerie nationale a exclu le requérant de l’Ecole de guerre au motif que  » le comportement habituellement adopté par le chef d’escadron B…, notamment par son discours et son langage inappropriés à l’endroit de ses subordonnés, démontre qu’il ne possède pas les aptitudes requises pour l’exercice d’importantes responsabilités d’état-major, de direction et de commandement au sein de la gendarmerie nationale « . Cette décision, prise dans l’intérêt du service sur le fondement des dispositions de l’article 3 de l’arrêté du 25 juillet 1980 afin de prévenir l’accès à des fonctions de responsabilité supérieure d’un officier ne présentant manifestement pas les aptitudes comportementales requises, ne revêt pas le caractère d’une sanction disciplinaire. Par suite, le requérant ne peut utilement soutenir qu’il aurait fait l’objet de deux sanctions disciplinaires pour les mêmes faits.

9. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l’article L. 4122-3 du code de la défense :  » Le militaire est soumis aux obligations qu’exige l’état militaire conformément au deuxième alinéa de l’article L. 4111-1. Il exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité « . Aux termes de l’article L. 4137-2 du même code :  » Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / 1° Les sanctions du premier groupe sont : / a) L’avertissement ; / b) La consigne ; / c) La réprimande ; / d) Le blâme ; / e) Les arrêts ; / f) Le blâme du ministre / (…) « .

10. Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

11. Il ressort des pièces du dossier que l’enquête de commandement, au cours de laquelle cinquante-cinq témoignages de gendarmes ont été recueillis, a établi que le requérant avait tenu à de très nombreuses reprises des propos misogynes, sexistes, obscènes, racistes et discriminatoires à leur égard entre avril 2014 et mai 2018. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée reposerait sur des faits matériellement inexacts doit être écarté.

12. En estimant que les faits reprochés au requérant, eu égard à la teneur des propos en cause, exprimés à de nombreuses reprises, présentaient le caractère d’une faute de nature à justifier une sanction, la ministre des armées ne les a pas inexactement qualifiés.

13. Enfin, en infligeant à raison de ces faits la sanction du  » blâme du ministre  » à l’intéressé, la ministre des armées n’a pas, eu égard à la nature de ces faits, à la méconnaissance qu’ils traduisent des responsabilités d’encadrement qui incombent à un officier et à la circonstance qu’ils sont susceptibles de porter atteinte à l’image de la gendarmerie nationale, pris une sanction disproportionnée, alors même que la manière de servir de l’intéressé, qui a fait l’objet d’une appréciation spécifique dans le bulletin de sanction en litige et a été prise en compte contrairement à ce qui est soutenu, avait jusque-là été jugée satisfaisante.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à demander l’annulation pour excès de pouvoir de la décision qu’il attaque.(…) »

Ce faisant la Haute assemblée a validé la sanction disciplinaire entreprise.

Sans avoir eu à connaitre de cette procédure, MDMH AVOCATS ne peut que se satisfaire de cette décision qui confirme, si besoin en était, que de tels comportements et des propos misogynes, sexistes, obscènes, racistes et discriminatoires n’ont rien à faire dans les armées.

MDMH AVOCATS peut même s’étonner de la relative clémence de l’autorité disciplinaire et de l’absence de Conseil d’enquête dans une telle affaire.

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Crédit photo : Zdenek Machacek pour Unsplash

© MDMH – Publié le 29 novembre 2019

Maître Elodie MAUMONT

Maître Elodie MAUMONT

Avocat associé et fondateur
Expert en droit des militaires, Elodie MAUMONT a plus particulièrement en charge au sein de MDMH AVOCATS le contentieux de carrière des militaires (notation, mutation, avancement …) le contentieux disciplinaire (sanction, conseil d’enquête) et pénal des militaires et anciens militaires (désertion, harcèlement, violences, outrages, voies de fait, compromission …). Elle intervient conjointement avec Aïda MOUMNIdans le cadre du contentieux médico administratif des militaires, des pensions d’invalidité et des demandes connexes (jurisprudences BRUGNOT et autres).

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