Le général Bigeard, parti pour la gloire (Par Jean Guisnel)

En 1930, le jeune Marcel Bigeard n’a que 14 ans. Le banquier qui a embauché l’adolescent à la Société générale de Toul écrit sur sa fiche de notation : « Garçon qui sait se faire aimer de la clientèle. De l’avenir. » Et comment ! Celui qui est mort vendredi matin était sans doute (aucun moyen n’existe de vérifier ce fait, selon le cabinet du ministre de la Défense) l’officier le plus décoré de l’armée française avec vingt-six citations, dont vingt-trois à titre individuel et seize à l’ordre de l’armée… En d’autres temps, il aurait fini maréchal d’Empire. Giscard en fit un sous-ministre. La gloire, parfois, vous joue de ces tours !

En 1936, il est affecté, lors de son service militaire, aux antipodes des rizières et du djebel qui feront sa réputation, sur la ligne Maginot. Deux ans plus tard, en 1938, il est sergent de réserve. Sous-officier en 1940, il est fait prisonnier par les troupes allemandes, mais s’évade lors de sa seconde tentative. Marcel Bigeard rejoint alors l’AOF (Afrique-Occidentale française), où il est promu sous-lieutenant en 1943. Il rejoint ensuite la Résistance et se trouve parachuté dans un maquis de l’Ariège, dont il prend brièvement le commandement. Il termine la guerre avec le grade de capitaine.

Un meneur d’hommes

L’après-guerre n’est pas synonyme pour lui de repos du guerrier. Parachutiste des troupes coloniales, porteur donc du fameux béret rouge, il part très rapidement en Indochine. En 1951, il est parachuté avec son bataillon en haute région thaï, et se trouve coupé de ses arrières par la chute du poste de Nghia Lô. Après deux semaines de galopade épuisante, avec deux régiments viet-minh aux trousses, il réussit à rejoindre les lignes françaises sans perte significative. C’est sa première parcelle de gloire. Sa gueule et sa gouaille populaire, ses aptitudes exceptionnelles de meneur d’hommes font dès cette époque de Bigeard l’une des figures le plus en vue de l’armée française. Il poursuivra ses aventures indochinoises lors de trois séjours successifs, avant d’être parachuté sur Diên Biên Phu, dont il sera l’un des derniers défenseurs, jusqu’à la chute, en mai 1954. Il est promu lieutenant-colonel à titre exceptionnel. Prisonnier du Viet-Minh, il sera libéré à la suite des accords de Genève de l’été 1954.

Sa notoriété déjà considérable, tant les rédacteurs et les photographes de toute la presse apprécient cette figure atypique, ira en s’accentuant à partir de 1956, quand il prend le commandement du 3e régiment de parachutistes coloniaux. Ses hommes, qui lui vouent un véritable culte, portent comme lui le treillis moulant retaillé, et surtout la « casquette Bigeard » sur laquelle des quantités d’histoires circulent. Pour les uns, il l’a conçue. Pour les autres, elle sort des stocks de l’Afrika Korps de Rommel… Peu importe. Elle fait désormais partie de la panoplie du baroudeur, crâne rasé et tenue léopard à la chemise ouverte, manches retroussées.

Bruno, les bons tuyaux

Quand on demandait aux militaires qui avaient combattu sous ses ordres, en Indochine comme en Algérie, quelle était la marque de celui qu’ils appelaient « Bruno », son indicatif radio, ils répondaient souvent qu’ils avaient apprécié son économie de la vie de ses subordonnés. À l’heure où les boucheries des deux guerres mondiales n’étaient pas complètement oubliées, il leur apprenait à ne pas se faire tuer. En 1960, il avait même lancé : « Un mort, c’est un con ! » Provocation, bien sûr… Car dans son bureau, devant la photo du sergent-chef René Sentenacmourant en Algérie en 1957, Bigeard disait : « Ils sont beaux, mes hommes, même quand ils meurent ! » Il les appelle ses « loups maigres ». Il les veut « souples, félins, manoeuvriers » et, quand ils meurent, il ne les quitte plus. En 1975, il écrit à propos de ses camarades tombés à Diên Biên Phu : « Longtemps, pendant les années qui ont suivi 1954, je me suis demandé, au hasard de mes insomnies : Pourquoi n’es-tu pas mort avec eux ? Pourquoi n’es-tu pas mort là-bas enfoui parmi les vrais héros ? »

À la différence de nombre de ses camarades, Bigeard n’a pas pris de liberté avec la discipline républicaine. Avec le droit de la guerre, c’est moins sûr. Durant la bataille d’Alger, en 1957, il fait ce qu’il appelle avec un brin de dégoût son « métier de flic ». Il ratisse, il arrête. Fait-il disparaître des cadavres encombrants ? Torture-t-il ? Il écrit qu’en fait de « bataille », ce furent « trois longs à obtenir à l’époque une gloriole facile, sans risques sérieux, car nos pertes sont insignifiantes. Et il ne s’agit pas d’une bataille, mais tout simplement et, hélas, un travail policier. (…) Je n’ai jamais aimé cette période, nous étions tellement forts face à quelques bombes, quelques armes, quelques tueurs… »

« Héroïque Bigeard » (général de Gaulle)

À la veille du 13 mai 1958, qui verra l’armée d’Algérie porter le général de Gaulle au pouvoir, le colonel commandant le centre d’entraînement à la guerre subversive Jeanne d’Arc de Philippeville reçoit un appel de Jacques Chaban-Delmas, qui lui demande son soutien. Il ne dit pas non, mais n’agit pas… Il lance à ses hommes : « S’ils bougent à Alger, qu’ils ne comptent pas sur moi. Je ne dois obéissance qu’au gouvernement du peuple français. S’il faut les mettre au trou, si le président de la République me donne l’ordre de le faire, je marcherai sur Alger… » Il est alors renvoyé en France par le général Raoul Salan, avant de repartir pour l’Algérie, dans le secteur de Saïda où se déchaînent contre les rebelles algériens ses « commandos Georges », du nom de l’officier qui les a créés, Georges Grillot. Dans ses Mémoires d’espoir (1970), le général de Gaulle le qualifie d' »héroïque Bigeard ».

En janvier 1960, lors de la journée des barricades, il lance un message de soutien aux révoltés. Il est de nouveau chassé d’Algérie. Cette fois, c’est de Gaulle qui le renvoie chez lui, à Toul. Dans son roman Les Centurions, Jean Lartéguy avait peint Bigeard sous les traits de Raspéguy. Le romancier écrit de son personnage transparent : « Il tenait aux médailles. Il aimait les fastes militaires, mais, à chaque fois il se sentait frustré. Il voulait quelque chose et ne savait pas quoi. (…) Sa patrie était l’armée plus que la France : dans son esprit, il lui était impossible de distinguer l’un de l’autre. »

Un « con glorieux »

Finalement remis dans le circuit, il est envoyé en 1960 à Bouar, en République centrafricaine, où il commande le 6e régiment d’outre-mer. Il se déclare opposé au putsch des généraux d’avril 1961, et le montre en défilant dans Bangui à la tête de son régiment. Il est nommé, en 1964, adjoint au général commandant de la 2e division aéroportée, avant de prendre la tête de la 20e brigade aéroportée et de recevoir ses étoiles de général de brigade en 1967. Il commande ensuite les troupes françaises à Dakar, avant de recevoir sa troisième étoile en 1971, puis de prendre la tête des forces françaises de l’océan Indien. En 1973, le voici adjoint au gouverneur militaire de Paris.

En 1975, à un an de la retraite, le général de corps d’armée Bigeard…

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