Concertation vous avez dit concertation !

Le communiqué du CFMM est intéressant  entre autres sur la réalité de la concertation.

Le CFMM note « l’absence flagrante de franchise de l’administration lors du dernier CSFM ». Cette absence de franchise est- elle un problème ponctuel ou a contrario une habitude ?  De prime abord on pourrait penser que le fait est exceptionnel puisque que personne ne semble l’avoir constaté avant ! En fait pour bien comprendre, il faut bien connaitre le fonctionnement de ces institutions.

Je ne reviendrais pas sur le mode de désignation des membres des CFM, ni de ceux du CSFM élus par ces derniers sur CV (rédigé par l’administration)  pendant la période de formation.

La période de formation est une sorte de cours d’instruction civique, administrative et budgétaire qui aurait la vertu de permettre à des esprits étrangers au domaine juridico financier d’avoir ( grâce à une semaine de cours) un avis et des arguments à opposer à des officiers spécialistes, à des membre du contrôle général des armées  et des énarques.

Le rotary des personnels ajouté à la durée des procédures d’examen des textes est l’explication de l’aveuglement des instances de concertation.  En effet le mandat d’un membre est de quatre ans, le conseil est renouvelable par moitié tous les deux ans.  De nombreux membres ne peuvent pas venir à toutes les sessions, d’où la présence de nombreux « intermittents de la concertation ».

Les instances de concertation ont une certaine similitude avec le parlement des enfants ! En effet les personnels sont extraits de leurs unités pour la durée des sessions avant d’y retourner…d’où une quasi-impossibilité pour les membres d’avoir une vision claire des lignes force d’un projet. D’autant que l’administration est maline, elle coupe et tronçonne sur plusieurs sessions les textes ; une première session discute des principes, une suivante, pas toujours consécutive,  du texte principal, et une dernière regarde les textes d’application, si d’ailleurs ils entrent dans le champ de la concertation ce qui n’est pas toujours le cas. 

A chaque niveau et par glissements successifs, l’administration avance ses pions. C’est d’autant plus facile que nombre des membres n’ont pas participé aux débats précédents, et pour ceux qui l’on fait le temps a fait son œuvre et les arguments échangés ont été oubliés. Seuls les comptes rendus finaux subsistent, et comme ils sont très souvent  incomplets et sujets à interprétation (ce ne sont pas des retranscriptions, ces dernières ne sont disponibles que très tardivement), même si vous en avez un vague souvenir, il est très difficile d’objecter. C’est  d’autant plus difficile pour le  soldat Chambier   dépourvu de connaissances  juridiques qu’il a en face de lui  un énarque qui lui dit avec l’autorité de son statut que c’est la traduction juridique des principes énoncés précédemment…

De plus afin de réduire le temps consacré aux échanges utiles, le bourrage des sessions par un grand nombre de textes est pratiqué.  Parfois des textes sans intérêt sont utilisés pour détourner l’attention des membres. L’exemple le plus frappant est le temps consacré aux aumôniers militaires, personnels ma foi fort peu nombreux qui ont vu leurs textes passer et repasser devant les instances de concertation. Au regard des effectifs comparés de cette population par rapport à celle des sous officiers, le temps passé sur ces différents textes concernant les premiers a été considérable par rapport à celui passé sur les textes relatifs aux seconds. Et les aumôniers ne sont pas les seuls statuts exotiques des armées, il y a bien d’autres…

D’autres techniques de « déminage » existent : par exemple l’invention des groupes de travail du CSFM permet de faire croire à une coproduction des textes avec certains membres  des instances  de concertation et donc d’abaisser le niveau de vigilance déjà faible des instances de concertation. 

Si cela ne suffit pas pour éclairer «  dans le bon sens » les membres des instances, des officiers « spécialistes du droit » sont mis à  disposition  des membres pour traduire «  en Français » les textes et les mettre en perspectives.  Afin d’être certain que la « bonne traduction » sera délivrée, il est fait appel à des officiers à statut précaire donc à sous contrat court !

Autre technique : la création de groupe de travail sur un sujet bateau et récurent comme  par exemple le « célibat géographique en Ile de France pour les marins », pendant que les membres travaillent sur cela ils ne font pas autre chose !

A moins d’être très assidu, de pratiquer  le droit, de préparer ses sessions, d’acheter des livres de droit et de les lire,  il est quasiment impossible  de voir les manœuvres avant leurs  conclusions. La preuve  en est rapportée par le CFMM et en particulier par ses demandes qui démontrent que les simples conditions matérielles ne sont pas réunies pour permettre un travail réel aux membres

Je vais me permettre un parallèle  cinématographique. Dans « Octobre Rouge », l’analyse du bruit rayonné par le sous-marin  soviétique  à bord de  l’USS Dallas donne « anomalie magmatique » mais en accélérant la bande l’opérateur sonar  obtient un bruit  qui indique qu’il s’agit bien d’un sous-marin.   Et bien accélérer la bande, c’est équivalent à contracter le temps !

La perception d’une situation est toute autre lorsque le temps est « contracté » et encore plus lorsque  le sujet est techniquement abordable pour des esprits non formés au droit. Tel est le cas pour les textes passés en urgence sur le PACS. Dans cette circonstance, l’oubli, la rotation des membres et les glissements successifs n’ont pas permis de créer l’habituel  rideau de fumée et tout le monde a pu voir le vrai visage de  l’administration.

Les conversations avec les membres permet de voir qu’un grand nombre a eu, à un moment ou un autre, l’impression que les instances de concertation tenaient plus de la communication institutionnelle que de la concertation réelle.

Cette impression diffuse que certains ont eu, est confirmée par l’examen des emplois du temps des sessions. Sur une semaine de session type qui commence le lundi matin et finit le vendredi à 13h,  il  est habituel de réserver presque une demi-journée à la rédaction du communiqué de compte rendu de la session et une autre demi-journée à la photo de session et à la restitution guindée des travaux dans les salons dorés de la rue Royale. Ces durées étaient évidement perdues pour la concertation mais pas pour la communication de l’institution !

Il convient de savoir que le communiqué du CFMM est signé du Chef d’état major de la marine et  d’un membre, le secrétaire de session.  Le CFMM se dit « satisfait de la liberté de parole qui règne au sein des sessions » qui peut penser  que si cela n’était pas le cas, le CFMM aurait la liberté de le dire !

Force est de constater ces instances ne  jouent pas le rôle que l’on peut espérer d’elles et qu’au mieux c’est le thermomètre du moral, au pire un outil de communication pour ne pas dire de propagande  aux mains du commandement.

                                                                                                                          Chatnoir

 

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Cette publication a un commentaire

  1. Domisoldo Diez

    Selon moi, il apparaît très intéressant d’avoir, avec l’article de Chatnoir ci-dessus, le point de vue d’un officier de la marine nationale.
    Tant il est vai que nos camarades de la rue Royale écrivaient peu, voire pas du tout jusqu’à présent, sur le site de l’Adefdromil, cet article me semble révélateur d’un point de non retour.

    Je cite, en espérant ne pas trahir la pensée de ce camarade : « (…) Les instances de concertation ont une certaine similitude avec le parlement des enfants (…) d’où une quasi-impossibilité pour les membres d’avoir une vision claire des lignes force d’un projet. D’autant que l’administration est maline, elle coupe et tronçonne sur plusieurs sessions les textes ; une première session discute des principes, une suivante, pas toujours consécutive, du texte principal, et une dernière regarde les textes d’application, si d’ailleurs ils entrent dans le champ de la concertation ce qui n’est pas toujours le cas. A chaque niveau et par glissements successifs, l’administration avance ses pions (…) ».

    La méthode employée par la haute administration, ainsi décrite par Chatnoir avec beaucoup de finesse et de justesse de ton, est malheureusement, j’en témoigne, vécue depuis des décennies par tous les acteurs responsables, aux échelons nationaux et locaux :
    – à l’échelon de la conception, le secrétariat général pour l’administration (SGA) répond invariablement, lorsqu’il daigne le faire, qu’il convient de camoufler toutes choses et mesures, avec un seul argument-massue « sinon ça ne passera pas à Bercy » ;
    – aux échelons intermédiaires de commandement et d’administration, il en résulte un empilement kafkaïen d’instructions, circulaires, notes et autres papiers dépourvus de toute valeur réglementaire ;
    – au guichet, le système bégaie ; d’ailleurs le préposé ne connaît la plupart du temps que l’imprimé, pas forcément d’ailleurs la dernière version d’icelui.

    Et donc on pense calmer l’administré avec une dose de communication travestie en « concertation ».

    Je mets toujours une certaine dose d’espoir en l’informatisation des systèmes de gestion des ressources humaines et des droits financiers individuels (RH-DFI) pour obtenir une vision plus claire.

    Cependant, quelques faits tempèrent très largement mon optimisme :
    – pourquoi le SGA a-t-il autorisé le développement d’une demi-douzaine de progiciels de gestion RH-DFI séparés, Agorah pour la Gendarmerie, Concerto pour l’armée de terre, Rhapsodie, Harmonie, etc. ? « Au nom des spécificités d’armées » a-t-il été répondu ; il convient de relever que la sacro-sainte gestion RH-DFI des officiers généraux, il est vrai statutairement « interarmées » reste au très discret et très craint bureau des officiers généraux (BOG) placé au cabinet du ministre ;
    – alors que l’opportunité existait, avec le nouveau statut général des militaires de 2005, de rationnaliser le dispositif aux niveaux infra-réglementaires du commandement et de l’administration, la production des circulaires et autres papiers sans valeur juridique bien au contraire s’accélère ;
    – enfin, tout est fait pour continuer à promener l’ennemi numéro un, qui n’est plus Joseph Staline, mais Eric Woerth, ministre du budget : l’objectif clair d’Hervé Morin est de, sinon faire capoter, du moins de retarder le plus possible la mise en oeuvre de l’opérateur national de paye interministériel (ONPI) et du service des pensions de l’Etat (SPE), lesquels ONPI et SPE sous la féruler de Bercy ne se contentent évidemment pas de crculaires consciencieusement empilées pour créer et ouvrir des droits aux administrés militaires.

    Tout premier et mesurable gâchis, connu depuis des décennies et entretenu par le seul véritable « politique », conseiller pour l’administration (actuellement un contrôleur général) au sein du cabinet du ministre, le nombre considérable de « petites mains », pas toutes contractuelles d’aileurs, qu’il est nécessaire de stipendier :
    – pour entretenir méticuleusement le camouflage, tout particulièrement au SGA et au bureau des officiers généraux, de soit-disant « pointures » qui se prétendent d’ailleurs « politiques », secondées par des « Maître Jacques » à la fidélité éprouvée et récompensée, ainsi que par des fonctionnaires civils qui ne sont pas forcément les meilleurs de leurs promotions ;
    – pour communiquer vers la base, notamment par la « concertation », préférentiellement de jeunes officiers contractuels, ainsi que l’a écrit Chatnoir c’est suffisant ;
    – pour commander et administrer, donc gérer et ouvrir des droits, quelques « pointures » et du « tout venant », en attendant l’Arlésienne informatique pour dégraisser cette partie du monstre ;

    Je dis « Arlésienne informatique », car nos petits génies soit-disant « politiques » sont déjà au travail pour la truffer d’exceptions « à traiter en manuel et avec intérêt ».
    Ainsi, juste pour la route, le maintien décidé sous une appellation nouvelle et encore plus absconse du service d’exécution très confidentiel chargé de payer les officiers généraux placés « au traitement ».

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