Une victoire de l’Adefdromil : le harcèlement moral et le harcèlement sexuel sont désormais officiellement interdits dans les armées et la gendarmerie. Par Jacques BESSY, président de l’Adefdromil

Ce n’est sans doute pas un hasard si la loi n° 2014-873 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes est datée du 4 août 2014, 225 ans après la fameuse abolition des privilèges du 4 août 1789.

Pendant des années l’Adefdromil a prêché dans le désert, stigmatisant les discriminations, dont les femmes militaires sont victimes, dénonçant les comportements machistes, s’efforçant de faire cesser les harcèlements qui lui étaient rapportés, aidant au mieux les victimes.

Personne ne voulait nous écouter : ni la droite, ni la gauche. Nous dérangions. La glorieuse armée française était plus qu’un modèle parmi toutes celles des nations les plus évoluées. C’était un exemple, un ilot  de moralité : pas de discrimination, pas de sexisme de la part des French lovers en uniforme !

Au point que le conseiller d’Etat, M. Pinault, président du Haut Comité d’Evaluation de la Condition Militaire (HCECM), « machin » créé par la loi de 2005 – ne comprenant aucun militaire en son sein- avait même affirmé, le 14 janvier 2014, lors d’une audience publique à l’Assemblée nationale, « avoir fouillé dans les coins » et n’avoir détecté aucun harcèlement particulier dans les armées.

Finalement, les actions et les dossiers de l’Adefdromil ont intéressé deux journalistes. C’est donc le choc médiatique de la parution d’un livre, en février 2014, qui est venu sortir de leur torpeur le ministre de la Défense et la majorité gouvernementale.

Par chance, un projet de loi sur l’égalité était en route. Il a donc suffi d’y insérer un article 42, qui reprend les dispositions de la loi de 1983 relative à la Fonction publique. C’était ce que nous réclamions depuis longtemps.

Il s’agit donc d’une victoire de l’Adefdromil !

Le texte.

Voici l’article 42 de la loi promulguée au journal officiel du 5 août 2014 :

 

I.-…(Cet alinéa modifie le code du travail)

 

II.-Le code de la défense est ainsi modifié :

 

1° Aux premier et septième alinéas de l’article L. 4123-10, après le mot : « violences », sont insérés les mots : «, harcèlements moral ou sexuel » ;

 

2° Après l’article L. 4123-10, sont insérés des articles L. 4123-10-1 et L. 4123-10-2 ainsi rédigés :

 

« Art. L. 4123-10-1.-Aucun militaire ne doit subir les faits :

 

« 1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

 

« 2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

 

« Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un militaire :

 

« a) Parce qu’il a subi ou refusé de subir les faits de harcèlement sexuel mentionnés aux trois premiers alinéas, y compris, dans le cas mentionné au 1°, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés ;

 

« b) Parce qu’il a formulé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces faits ;

 

« c) Ou parce qu’il a témoigné de tels faits ou qu’il les a relatés.

 

« Est passible d’une sanction disciplinaire tout agent ou militaire ayant procédé ou enjoint de procéder aux faits de harcèlement sexuel mentionnés aux trois premiers alinéas.

 

« Art. L. 4123-10-2.-Aucun militaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

 

« Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un militaire en prenant en considération :

 

« 1° Le fait qu’il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral mentionnés au premier alinéa ;

 

« 2° Le fait qu’il ait exercé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ;

 

« 3° Ou le fait qu’il ait témoigné de tels agissements ou qu’il les ait relatés.

 

« Est passible d’une sanction disciplinaire tout agent ou militaire ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. »

 

Les commentaires de l’Adefdromil.

 

Le droit à la protection fonctionnelle.

Comme dans la Fonction publique civile, le droit à la protection fonctionnelle de l’Etat est ouvert en cas de faits de harcèlement moral ou sexuel.

Pour la Fonction publique militaire, les modalités d’application de ce droit restent à être précisées et harmonisées entre les armées et la gendarmerie, en prenant exemple sur ce qui se pratique dans le reste de la Fonction publique. Ainsi, il est anormal que la hiérarchie fasse pression sur les victimes pour les dissuader d’exercer le libre choix de leur avocat. Il est également inacceptable que, par des propositions d’honoraires dérisoires, on tente, notamment dans la Gendarmerie, d’écarter certains cabinets d’avocats au profit d’autres, jugés conciliants.

La prévention et la formation.

Comment vont s’organiser la prévention et la formation pour lutter contre les différentes formes de harcèlement, notamment dans les écoles de formation initiale et de perfectionnement ?

La réussite des plans de lutte du ministre de la Défense et du ministre de l’Intérieur, pour la gendarmerie vont dépendre étroitement de la motivation et de l’implication des ministres responsables. Espérons qu’ils sauront harmoniser, coordonner, contrôler les actions des directions des ressources humaines et de la formation, dont certaines se sont signalées par leur manque d’enthousiasme sur le sujet, par le passé.

L’Adefdromil ne manquera pas de suivre ces évolutions avec la plus grande attention.

20/08/2014

 

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