Effectifs de gendarmerie en zone rurale

Question orale sans débat n° 0786S de Mme Anne Emery-Dumas (Nièvre – SOC) publiée dans le JO Sénat du 22/05/2014 – page 1166

Mme Anne Emery-Dumas attire l’attention de M. le ministre de la défense sur la situation préoccupante des effectifs de gendarmerie en zone rurale, alors que s’y développent de nouvelles formes de délinquance. Depuis quelques années, les habitants des zones rurales assistent au développement d’une délinquance spécifique : vols de matériels dans les exploitations agricoles et dans les petites entreprises ; recrudescence des cambriolages ; vols de cuivre mettant à mal les réseaux (France Telecom, SNCF, EDF…). Dans le département de la Nièvre, la situation est inquiétante. Une convention a été signée, en novembre 2013, entre l’Union amicale des maires de la Nièvre et le groupement de gendarmerie départementale, avec pour objet de renforcer les liens entre élus et gendarmes. La réussite des dispositifs mis en place, notamment avec la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et les textes qui l’ont complétée, est liée au soutien actif que peuvent apporter les forces de sécurité nationales aux élus. La préservation de l’harmonie et de la tranquillité publique – thème au cœur du mandat des élus locaux – suppose, en effet, une action collective et un engagement sans faille. Toutefois, les acteurs locaux ne peuvent remplir leurs missions que si l’État garantit un niveau suffisant de présence de gendarmes dans les départements. La faiblesse démographique du département de la Nièvre (220 000 habitants) fait qu’elle compte actuellement une gendarme pour 700 habitants, soit un chiffre inférieur à la moyenne nationale, ce qui fait craindre une réorganisation des brigades et une diminution en conséquence de la couverture du territoire. Elle lui demande donc de lui préciser dans quelles conditions l’État pourrait assurer, au nom de l’intérêt général, la permanence effective des services de gendarmerie sur les territoires ruraux.

Réponse du Secrétariat d’État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion publiée dans le JO Sénat du 04/06/2014 – page 4403

Mme Anne Emery-Dumas. Madame la secrétaire d’État, j’introduirai mon propos par quelques chiffres, qui illustrent la situation des effectifs de gendarmerie présents dans mon département, la Nièvre.

La particularité de ce département réside dans le fait que 83 % des Nivernais habitent en zone« gendarmerie ». Cela signifie que les gendarmes assurent la sécurité de 311 des 312 communes que compte la Nièvre et couvrent 99,7 % du territoire.

Nous avons donc toutes les caractéristiques du département rural, avec notamment des zones d’interventions très étendues.

Or, aujourd’hui, je suis très préoccupée par les risques qui pèsent sur les effectifs de gendarmerie dans mon département, inquiétude d’autant plus vive que, depuis quelques années maintenant, nous assistons en zone rurale au développement de nouvelles formes de délinquance très spécifiques : vols de matériels dans les exploitations agricoles et dans les petites entreprises, abattage et dépeçage de bétail à même le pré, recrudescence de cambriolages, vols de cuivre mettant à mal les réseaux France Télécom, SNCF, etc.

Face à cette situation nouvelle, les élus nivernais ont décidé de réagir afin d’apporter un soutien à leurs concitoyens et d’assurer une sécurité indispensable au développement serein des activités économiques et agricoles du département. Une convention a été signée, en novembre 2013, entre l’Union amicale des maires de la Nièvre et le groupement de gendarmerie départementale, avec pour objet de renforcer les liens entre élus et gendarmes.

La réussite des dispositifs mis en place, notamment avec la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et les textes qui l’ont complétée, est liée au soutien actif que peuvent apporter les forces de sécurité nationales aux élus.

La préservation de l’harmonie et de la tranquillité publique, qui est au cœur du mandat des élus locaux, suppose en effet une action collective et un engagement sans faille.

Vous le savez, madame la secrétaire d’État, la gendarmerie adapte son maillage territorial en permanence, sur la base des critères suivants : le volume de population protégée, l’activité des unités, notamment le volume de faits de délinquance constatés, et l’étendue des espaces à surveiller.

Dans le cadre de la convention signée voilà quelques mois, les acteurs locaux ne peuvent remplir leurs missions que si l’État garantit un niveau suffisant de présence des gendarmes dans les départements.

La faiblesse démographique du département de la Nièvre fait qu’il compte actuellement 1 gendarme pour 795 habitants. Ce chiffre est inférieur à la moyenne nationale, qui s’élève à 1 pour 1 000. Cette situation fait craindre une réorganisation des brigades et une réduction en conséquence de la couverture du territoire.

Il ne faudrait pas que les critères que je viens d’évoquer servent de base à une modification des effectifs des personnels de gendarmerie dans la Nièvre. Les spécificités géographiques de notre département influent sur la difficulté d’exercice des missions assumées par les gendarmes présents.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser aujourd’hui dans quelles conditions l’État envisage d’assurer, au nom de l’intérêt général, la permanence effective des services de gendarmerie dans nos territoires ruraux ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Ségolène Neuville,secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la sénatrice, permettez-moi avant tout d’excuser M. le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, qui est retenu ce matin. Je tiens à vous assurer combien il a le souci de la sécurité, en particulier dans les zones rurales du territoire français, au rang desquelles figure votre très beau département de la Nièvre.

Votre question a fait l’objet d’une étude attentive de la part de la direction générale de la gendarmerie nationale.

Vous le savez, la gendarmerie a pour mission d’assurer la sécurité des citoyens et l’ordre public sur 95 % du territoire national, plus particulièrement dans les zones rurales et péri-urbaines ainsi que sur les voies de communication. Que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural, en centre-ville, en banlieue ou jusque dans les lieux d’habitation les plus isolés, chacun doit avoir droit au même niveau de sécurité.

À cet égard, il faut rappeler les dégâts de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Au total ce sont 13 700 emplois de policiers et de gendarmes qui ont été supprimés entre décembre 2007 et décembre 2012. C’est là une baisse sans précédent ! (Mme Anne Emery-Dumas acquiesce.)

Aussi, le Président de la République a pris un engagement fort : renforcer les moyens humains de la police et de la gendarmerie. Dorénavant, non seulement les départs à la retraite sont compensés poste pour poste, mais 500 emplois supplémentaires de policiers et de gendarmes sont créés chaque année. Nous ne pourrons pas compenser tous les postes détruits, mais ce gouvernement a fait le choix de revenir dans des territoires que la précédente majorité avait abandonnés.

J’en viens, plus spécifiquement, au département dont vous êtes l’élue. Au 1er juin 2014, le tableau des effectifs théoriques du groupement fait état de 393 personnels pour la Nièvre, ce qui porte le ratio à 1 gendarme pour 798 habitants. En 2012, ce chiffre était de 1 pour 801. Ainsi, le ratio s’est légèrement amélioré ces deux dernières années, alors que la moyenne nationale s’établit à 1 gendarme pour 925 habitants.

Concernant la délinquance, et en particulier les atteintes aux biens, la Nièvre a subi, depuis 2012, une augmentation comparable à la tendance nationale. Elle reste malgré tout l’un des départements les plus sûrs de France, avec un taux annuel de criminalité qui s’élève à 16,28 atteintes aux biens pour 1 000 habitants tandis que la moyenne nationale métropolitaine se situe à 21,55.

La gendarmerie nationale adapte en permanence son dispositif territorial afin de garantir l’efficacité opérationnelle de ses unités départementales. Dans ce cadre, elle tient compte des évolutions des bassins de population, de vie et de délinquance pour procéder aux ajustements locaux nécessaires. Ces opérations sont indispensables pour conserver la cohérence du dispositif et de l’action des forces de sécurité avec l’environnement démographique et délictuel de leurs zones de compétence.

Actuellement, aucun projet de dissolution d’unité n’est en cours et aucune mesure d’organisation ne vise à diminuer les effectifs du groupement de la Nièvre. Cette précision devrait être de nature à vous rassurer !

La lutte contre la délinquance doit concerner tous les territoires, et chacun de nos concitoyens doit pouvoir bénéficier du même niveau de protection, qu’il vive en zone urbaine ou en zone rurale. Aucun effort ne sera épargné pour y parvenir : c’est l’engagement que prend le Gouvernement devant les Français.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas.

Mme Anne Emery-Dumas. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces éléments. Le seul terme qui m’inquiète un peu, c’est l’adverbe« actuellement » que j’ai entendu à la fin de votre réponse. J’espère sa durée de vie suffisamment longue pour nous permettre d’être rassurés pour plusieurs années !

Source: JO Sénat du 22/05/2014 – page 1166

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