A l’heure du mariage pour tous, la réglementation militaire du Pacs demeure injuste.(Jacques BESSY, Président de l’Adefdromil)

Dans la belle France égalitaire, qui veut accorder le droit au mariage pour tous, c’est-à-dire aux couples de même sexe, les militaires pacsés vont rester les seuls discriminés dans la République en raison de leur statut familial.

Madame Taubira, ministre de la Justice, a apporté récemment des éléments statistiques sur le Pacs dans la société française, à la demande d’un sénateur. Sa réponse publiée au JO du Sénat le 13 janvier 2013 est reprise sur le site de l’Adefdromil. En voici quelques extraits :

« En 2000, 22 276 PACS ont été enregistrés. Onze ans plus tard, en 2011, on en totalise 1 055 192. Nous ne disposons pas encore des chiffres pour l’année 2012.

En ce qui concerne, la durée moyenne d’un PACS, elle était, en 2011, de 32,7 mois, contre 27,8 mois en 2007, sans qu’une différence substantielle selon la composition du couple ait pu être relevée : 32,7 mois pour les couples hétérosexuels et 32,6 mois pour les couples de même sexe.

S’agissant de la proportion respective de couples hétérosexuels et de couples homosexuels, on estime que, en 1999, 42 % des couples étaient constitués de partenaires de même sexe, alors qu’en 2011 cette proportion est de 4,7 %. Cela signifie que 95 % des PACS sont conclus par des personnes de sexes différents. »

Dans les armées, les couples pacsés de même sexe restent l’exception. Ils représentent sans doute moins de 5% des couples pacsés. Quant à la réglementation, elle est injuste et discriminante.

Deux ans de Pacs : normal !

On se souvient que le décret n°2011-38 du 10 janvier 2011 impose une condition de durée de deux ans aux militaires pacsés pour percevoir l’indemnité pour charges militaires au taux n°1 accordé aux mariés, mais aussi pour la prise en compte du ou de la partenaire pour faire face aux sujétions liées à la mobilité professionnelle des militaires. A l’occasion d’un recours dans lequel le requérant jugeait cette durée de deux ans discriminatoire, le Conseil d’Etat a rendu un avis n°357793 du 13 juin 2012. Il juge que « la différence de traitement » des militaires pacsés auxquels est imposée une condition de durée deux ans de Pacs pour percevoir l’indemnité pour charges militaires au taux n°1 « n’apparaît pas manifestement disproportionnée au regard des différences existant entre le régime juridique du mariage et celui du pacte civil de solidarité ». Seule la CEDH de Strasbourg pourrait en théorie estimer qu’il s’agit d’une discrimination fondée sur le statut familial, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une différence de traitement, aux motifs illégitimes et aux conséquences disproportionnées sur les partenaires, dont l’un d’entre eux est militaire. Pourtant, il n’est pas certain qu’elle soit de cet avis et elle pourrait juger, au regard de la CESDH (convention européenne) et de sa jurisprudence, que cette appréciation relève des juridictions de chaque Etat membre et ne viole pas l’article 14 de la CESDH, qui interdit la discrimination.

La non transposition d’une loi, dans un délai raisonnable, dans les textes réglementaires est susceptible d’entraîner la responsabilité de l’Etat.

Simultanément, le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur les recours de militaires pacsés avant l’intervention du décret de 2011 (Arrêts n°357624 et 357822 du 29/10/2012). Il a ainsi condamné l’Etat à réparer le préjudice résultant de la non transposition de la loi dans un délai raisonnable : « Considérant qu’eu égard à l’objet poursuivi par le décret du 13 octobre 1959, le ministre de la défense était tenu de tirer les conséquences réglementaires de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité dans un délai raisonnable ; que pendant la période durant laquelle M. A était lié par un pacte civil de solidarité, les dispositions du deuxième alinéa de l’article 3 du décret du 13 octobre 1959, seules applicables à l’espèce, ainsi qu’il a été dit, qui n’avaient pas encore été modifiées en application de la loi, étaient devenues illégales ; que, par suite, le ministre de la défense a commis une erreur de droit en opposant ce texte à M. A…Considérant qu’en refusant illégalement à M. A le bénéfice de l’indemnité qu’il demandait, le ministre de la défense a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ; que, par suite, M. A est fondé à demander, en réparation du préjudice qu’il a subi du fait de cette décision illégale, le versement d’une indemnité égale, en l’absence, pendant la période litigieuse, de toute différenciation légale entre militaires mariés et militaires liés par un pacte civil de solidarité, au montant de l’indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1 applicable aux militaires mariés uniquement pour la période allant du 27 janvier au 5 juin 2009 eu égard à la cassation partielle prononcée ;»

Dans l’autre espèce, le Conseil d’Etat accorde le bénéfice de l’ICM au taux n°1 dès le début du pacs : « Considérant que les règles régissant l’attribution d’une indemnité versée mensuellement en même temps que la rémunération sont celles en vigueur durant la période au titre de laquelle le versement est demandé ; qu’à compter du 13 août 2009, date de conclusion du pacte civil de solidarité de M. A, et jusqu’à l’entrée en vigueur du décret du 10 janvier 2011, les dispositions du deuxième alinéa de l’article 3 du décret du 13 octobre 1959, qui n’avaient pas été modifiées dans un délai raisonnable pour tirer les conséquences de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, étaient devenues illégales et ne pouvaient lui être opposées ; qu’en revanche, à compter de l’entrée en vigueur du décret du 10 janvier 2011, M. A ne pouvait plus prétendre au versement de l’indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1 qu’à l’issue d’une période de deux ans suivant la date de conclusion de son pacte civil de solidarité…Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la décision du ministre de la défense et des anciens combattants en date du 25 février 2011 doit être annulée en tant qu’elle refuse à M. A le bénéfice de l’indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1 pour la période allant du 13 août 2009 au 13 janvier 2011 ; »

Ces jurisprudences sont sans doute transposables à d’autres situations concernant les militaires en général (article L 4123-1 avant dernier alinéa) ou plus spécifiquement, dans l’hypothèse où des statuts particuliers sont rattachés à ceux de corps de fonctionnaires civils. C’est notamment le cas des « MITHA » (militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées), dont chaque corps est rattaché à un corps hospitalier civil et qui doivent ainsi bénéficier des avancées indiciaires accordées à leurs homologues.

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