Les militaires se dotent d’un presque syndicat

Libération – Samedi 14 septembre :

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Lancement samedi d’une association, aux marges de la loi.

Ce n’est pas un syndicat, mais ça y ressemble étrangement. Une Association de défense des droits des militaires (Adefdromil) tient sa première assemblée générale ce week-end à Paris. Plus de 300 militaires en sont déjà membres. Pour eux, cela signifie se mettre aux marges de la loi, car les militaires n’ont pas le droit de se syndiquer. Alors que le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, se rend samedi sur le Charles-de-Gaulle à Toulon, le président de l’Adefdromil, le capitaine Michel Bavoil, constate que «le malaise dans les armées reste très grave». L’annonce, mercredi, d’une hausse importante des crédits de la Défense ne le satisfait pas. «Les militaires ne sont pas dupes : depuis qu’elles existent, les lois de programmation n’ont jamais été appliquées. Ce sont des effets de manche», dit-il.

315 adhérents. Dans les armées, Michel Bavoil n’est pas un inconnu. Depuis plusieurs années, il multiplie les procès pour contester la gestion des personnels. Retraité en mai 2001, il fonde alors une association, écrit un livre Pour que l’armée respecte enfin la loi (éditions LPM), ouvre un site Internet (1). La crise des gendarmes le propulse, et des militaires d’active le rejoignent. «Nous avons 315 adhérents, dont 280 sont des militaires en activité. Du colonel au simple soldat», explique-t-il.

Ce week-end, l’Adefdromil va se doter d’une nouvelle direction, avec notamment l’élection de Claude Debeir, médecin en chef des armées, à la vice-présidence. Pour la première fois depuis… les comités de soldats, des militaires s’organisent pour défendre leurs droits. «Nous voulons être considérés comme des citoyens à part entière», indique Michel Bavoil. Légalement, ils ne le sont pas. Le statut des militaires de 1972 précise que «l’existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical est incompatible avec les règles de la discipline». Silence dans les rangs. Le hic, c’est que «le groupement professionnel, cela n’a pas d’existence juridique. En droit, on ne connaît que le syndicat et l’association», précise la juriste Clara Bachetta. C’est dans ce vide juridique que l’Adefdromil veut s’engouffrer, s’appuyant sur une résolution du Conseil de l’Europe en faveur du droit syndical des militaires.

Visage caché. Que demande ce «groupement professionnel» de militaires ? Plus de libertés. «On en a marre de voir des militaires s’exprimer à la télévision, le visage caché quand il y a une crise», dit le capitaine Bavoil.

«Nous voulons que, dans les unités, les présidents de catégories (militaires du rang, sous-officiers, officiers, ndlr) puissent s’exprimer librement sur la condition militaire, ainsi que tous les membres des différents conseils de la fonction militaire», demande l’Adefdromil. «La seule limite doit être celle du code pénal, qui réprime la divulgation de secrets», précise Bavoil.

Parachutistes. L’association demande également que les militaires puissent siéger dans les conseils municipaux sans être mis en service détaché, en perdant leur solde. Elle souhaite voir reconnu le droit d’association pour former des groupements professionnels, plutôt que des syndicats, un mot qui continue à faire peur dans les casernes. Des associations militaires parfois puissantes existent déjà, comme l’UNP (Union nationale des parachutistes) ou la Saint-Cyrienne, qui regroupe les anciens élèves de l’école d’officiers. Mais, contrairement à l’Adefdromil, elles ont la bénédiction de la hiérarchie.

(1) www.defdromil.org Tél.: 03 44 72 96 30.

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