A Metz, le général de gendarmerie refuse d’exécuter une décision de justice. (Par Renaud Marie de Brassac)

On pensait en toute naïveté que  la Gendarmerie, chargée d’exécuter les décisions de justice, ne pouvait que s’empresser de déférer aux ordonnances, jugements et arrêts des Cours et Tribunaux de la République.

Mais, comme toujours, il y a un décalage entre la théorie et la pratique. C’est ainsi que le général Gérard Deanaz, commandant la gendarmerie de la région Lorraine, a choisi, quant à lui, de se soustraire à l’exécution d’une ordonnance rendue le 16 avril dernier, par le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg. C’est en tout cas ce que nous raconte Le Républicain Lorrain dans son édition du  mardi 15 mai 2012.

Que dit cette ordonnance rendue, après audience publique :

« Considérant, d’une part, que M. S, qui expose les effets de la décision attaquée le mutant d’office à M, à 150 KM de son domicile, sur sa situation personnelle et familiale, notamment sur l’emploi de son épouse et la scolarisation de ses enfants, justifie suffisamment satisfaire la condition d’urgence susmentionnée ; que d’autre part, et en l’état de l’instruction, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation de l’intérêt du service à prononcer une telle mutation, compte tenu particulièrement de l’ancienneté et de la qualité des états de service de l’intéressé, par ailleurs du caractère très ponctuel et d’une gravité relative des faits reprochés, au demeurant sanctionnés disciplinairement, parait de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Qu’il ya lieu, dans ces conditions, d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision attaquée susvisée ; 

Article  1er : L’exécution de la décision du 21 février 2012 du général de corps d’armée, commandant de la région de gendarmerie de Lorraine et la gendarmerie pour la zone de défense et de sécurité Est, est suspendue… »

Pour comprendre l’affaire, il faut revenir six mois en arrière, le 06 novembre 2011.

A 6h30, près d’une discothèque de la Meuse, une patrouille du PSIG de B contrôle un véhicule. Les occupants font des difficultés pour se soumettre aux vérifications, montent le son de leur autoradio, et font fuser des insultes. L’Adjudant S, estimant que ses coéquipiers sont en difficulté, fait usage de son diffuseur de gaz lacrymogène, ce qui fait sortir tout le monde du véhicule. Finalement, après apaisement d’une certaine tension, le conducteur et ses passagers sont autorisés à repartir pour éviter tout incident, en raison de l’arrivée d’autres véhicules sur les lieux.

L’adjudant S, conscient de son erreur d’appréciation, rend compte de l’incident et établit un procès-verbal. Personne n’a été blessé et aucune plainte n’est déposée.

L’affaire aurait pu et dû en rester là, avec une simple mise en garde à l’égard du gradé, car l’erreur est humaine.

C’était sans compter sur l’art de l’acharnement, parfaitement maitrisé en trois temps par sa hiérarchie.

Il est tout d’abord écarté du terrain. Son arme lui est retirée et il est envoyé devant un psychiatre qui le déclare sain d’esprit (cotation 1 du critère « Psychisme »).

Ensuite, il fait l’objet d’une sanction disciplinaire 20 jours d’arrêts avec sursis.

Enfin, un rapport est établi pour demander sa mutation d’office le 16 avril 2012 à M dans le département de la Moselle à 150 km de son affectation précédente.

Dans le même temps, il a formé un recours contre cette mutation, qu’il juge injuste et disproportionnée par rapport à l’incident, somme toute, mineur, dont il assume la responsabilité. C’est ainsi que son affaire est audiencée devant le juge des référés de Strasbourg le 16 avril, le jour même où il doit déménager.

Il aurait été prudent et diligent pour la gendarmerie dûment convoquée à l’audience de surseoir au déplacement. Mais, non ! On a préféré passer outre, pensant sans doute que le juge administratif n’oserait pas.

Malgré la notification de la suspension de sa décision, le général Deanaz traîne des pieds pour renvoyer l’intéressé à B. L’épouse de l’adjudant S a d’ores et déjà perdu son emploi. La Gendarmerie semble vouloir attendre la décision au fond et refuse d’exécuter la décision prise en référé. Elle doit cependant se sentir « gênée aux entournures », car elle a proposé une autre affectation à l’intéressé, qui a refusé.

Une procédure d’exécution sous astreinte serait en cours. En cas de condamnation de l’Etat et de liquidation de l’astreinte, le jugement sera adressé  à la Cour de discipline budgétaire.

On est stupéfait d’une telle audace ou plutôt d’une telle inconscience de la part de la hiérarchie du gendarme.

Sur le plan des principes, la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé à maintes reprises que le droit ne s’arrête pas à la porte des casernes.

Sur le plan politique, M. François Hollande, Président de la République qui doit entrer en fonction aujourd’hui même, mardi 15 mai, a indiqué que la Justice serait au coeur de son action. Voici une belle occasion pour lui, d’expliquer au général où est son devoir.

Enfin, l’opposition, désormais publique, de cet officier général à l’exécution d’une décision de justice peut  constituer l’étincelle susceptible de remettre le feu à la Gendarmerie  au moment même où les policiers, de leur côté, manifestent dans la rue. C’est donc une faute contre le bon sens.

Et puis, il serait dommage que le pot de départ du général, en retraite dans quelques semaines, soit gâché. Gageons qu’il va être amené à résipiscence !

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