Armée : une ébauche de syndicat

Le Point n°1496 – vendredi 18 mai 2001 :

Evolution Une association de défense des droits militaires vient de se créer. Un premier pas vers le syndicalisme.

Il fallait s’attendre que la disparition du service national, annoncée en février 1996 par Jacques Chirac et qui sera effective à la fin de cette année, bouleverse les relations entre une armée devenue professionnelle et les pouvoirs publics. Aussi convient-il de s’intéresser à la très discrète création de l’Association de défense des droits des militaires (Adefdromil), qui se donne pour objet « l’étude et la défense des droits, des intérêts matériels, professionnels et moraux, collectifs ou individuels des militaires ». Ce qui n’est rien d’autre que la définition d’une organisation syndicale. Présentée à la sous-préfecture de Senlis, la déclaration a été enregistrée pour publication au Journal officiel.

Afin de ne pas tomber sous le coup de la loi, qui interdit la création d’un syndicat par des militaires, les initiateurs de l’Adefdromil ont pris soin d’être à la retraite pour faire connaître sa naissance. Il s’agit d’un ancien sous-officier, Joseph Radajewski, et du capitaine Michel Bavoil, à la retraite depuis le 7 mai. La personnalité de ce dernier est intéressante, puisque c’est lui qui a combattu avec succès devant le Conseil d’Etat le principe du « conditionnalat », qui permet aux militaires de partir à la retraite au grade supérieur, avant l’âge limite, à la condition qu’ils acceptent de signer par anticipation une lettre de démission.

Au ministère de la Défense, où l’on vient de décider l’élection des représentants des personnels militaires aux conseils de la fonction militaire, on dit « ne pas être trop au courant » de la création de l’Adefdromil. Ce n’est pas le cas dans deux autres institutions. Au Syndicat de la magistrature, Anne Crenier-Vaudano considère qu’« il s’agit d’une excellente chose. Cette ébauche d’une forme de syndicalisme militaire est importante. Je ne vois pas quels pourraient en être les effets négatifs. Certes, les syndicats sont interdits dans l’armée, mais toutes les législations sont faites pour évoluer… »

Même son de cloche à la CFDT. Michel Caron souligne que la professionnalisation des armées portait en germe de tels « éléments d’évolution ». Il est clair que la CFDT voit des perspectives intéressantes dans la syndicalisation des militaires. Sous quelle forme, dans quel délai ? Il est trop tôt pour le dire, mais « la question n’est plus complètement taboue. Il y a matière à une organisation collective, dans un cadre à définir ».

Michel Bavoil s’indigne que l’armée française demeure l’une des seules où l’organisation syndicale reste interdite : « Il n’est bien sûr pas question de revendiquer le droit de grève, mais nombre de revendications des personnels doivent être relayées. Nous nous y emploierons. » Et, depuis le 16 mai, l’Adefdromil dispose d’un site : http://adefdromil.free.fr

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