Tempête sous les képis et les casquettes, mais l’effectif étoilé en activité semble rester au beau fixe.

 Depuis l’annonce des drastiques restructurations, les personnels militaires ont broyé du noir en compagnie des élus au plan national ou local voire les deux, sans distinction de couleur politique, et certains « uniformes » n’ont pas hésité à étaler leurs états d’âme, sous couvert de l’anonymat. On peut les comprendre.

Voila c’est fait, la purge RGPP est avalée et la liste des unités ou implantations militaires rayées de la carte est enfin connue après plusieurs « hoquets » malencontreux.

Toutefois, que reste-t-il de l’héritage de Michèle Alliot-Marie (2002-2007), si ce n’est le « nouveau » SGM voté en catastrophe en mars 2005 et à main levée, dont on retiendra surtout le curieux article 89-IV qui légalise et rémunère le « conditionnalat » pour une durée de cinq ans – jusqu’au 31 décembre 2010-, pour un contingent d’officiers généraux et de colonels en mal d’étoiles (ou officiers de grade assimilé) (1)

Coût de la manœuvre ?

 A ce nouveau SGM s’ajoutent les décrets de mai 2005 qui donnent beaucoup -beaucoup trop- de pouvoirs au CEMA et, par voie de ricochet, aux chefs d’état-major des trois armées en matière de gestion de leurs personnels.

 Voilà a priori le bilan de MAM, laissé à son successeur en ligne directe, le ministre actuellement en poste, Hervé Morin.

Au milieu de la tempête provoquée par le Livre Blanc et la carte militaire, notre ministre de la défense, Hervé Morin, est resté serein, justifiant tous les changements avec calme, assurance et conviction.

 Il est pour le moins regrettable que cette autorité politique devenue ministérielle en 2007 n’ait pas songé à provoquer auparavant quelques transformations dans les rangs, alors qu’il siégeait à la Commission de la Défense comme député U.D.F, devenue Nouveau Centre. Cette initiative lui aurait évité de diriger maintenant une aussi douloureuse manœuvre, avec autant d’avatars ou de suppressions d’unités parfois au passé prestigieux, pour raisons d’économies entre autres, mais pas seulement.

 Toutefois, une déclaration fortuite aurait pu retenir l’attention des auditeurs, à savoir qu’il préconisait comme législateur que les nominations des hauts fonctionnaires passant en Conseil des ministres reçoivent l’onction  du Parlement … à l’exception de celles des armées !

Voilà son vœu exaucé et même au-delà de ses espérances. Du jamais vu avant 2008 !

En effet, récemment plusieurs « fournées » d’officiers généraux ont eu droit au JO… sans même passer pas le Conseil des ministres comme la Constitution l’exige en son article 13. Aurait-elle été modifiée très discrètement ?

En voici la démonstration officielle et comparative sur une période d’un mois et demi seulement, explication visant la forme des décrets et non le fond, « leur contenu », sur lequel Il y aurait beaucoup à dire côté économies à réaliser, si l’on rapproche l’effectif de ces officiers généraux défilant par centaines annuellement, toutes étoiles confondues, avec celui des autres départements ministériels beaucoup plus discret.

 P.M     300 préfets seulement administrent l’ensemble de la métropole et l’outre-mer, mais combien y a-t-il d’étoilés pour défendre le pays ?

1°/ Publications légales : se reporter aux JO des 10 juin, 24 juin et 5 juillet dernier, décrets comportant les références habituelles

                         « Le président de la République,

                           Sur le rapport du Premier ministre et du ministre de la défense,

                           Vu l’article 13 de la Constitution ;

                           Le conseil des ministres entendu,

                               Décrète : »                                                                                                     

Suivent les noms répartis en articles puis trois signatures : Nicolas Sarkozy, François Fillon et celle d’Hervé Morin.

 2°/ Nominations illégales (?) ou pour le moins très curieuses. Se reporter aux JO des 4 juin, 27 juin et 13 juillet dernier.

Une seule phrase :

                         « Par décret du Président de la République en date du … »   

Suivent les noms des officiers généraux concernés essentiellement par le maintien dans leur emploi et/ ou leur affectation.

Présentation numérique différente et surtout pas de signature… Pourquoi ?

Une mention à part sera décernée à un général de Corps d’Armée de l’armée de terre  – Cambournac Thierry-  nommé tout seul le 3 juillet dernier suivant cette forme décrétale surprenante : « chef de la mission pour la coordination de la réforme auprès du ministre de la défense. »

Il ne sera que le 4ème étoilé auprès du ministre, et on peut lui souhaiter beaucoup de plaisir pour essayer de faire marcher toutes les composantes de nos forces sur la même musique, les traditions sont tenaces et leurs propriétaires encore plus.

 Soit au total, sauf erreur, 210 noms d’officiers généraux dont seulement 2 personnels féminins et deux quarts de place, ces derniers nommés tout à fait légalement alors qu’ils quittent l’activité avec cinq galons pour entrer en 2ème section, dont l’Adefdromil a demandé la suppression pure et simple, car inutile mais coûteuse.

Ce déballage de plus de 200 noms permet de soulever une question : où en est la parité dans le firmament étoilé ? dont MAM, lors de la journée consacrée à la Femme, il y a quatre ou cinq ans, a dit qu’elle regrettait qu’il n’y ait que quatre femmes « Générales » et comme avant d’être général, il faut être colonel, c’était dire que les femmes avaient un horizon de carrière un peu limité à son arrivée et à sa connaissance. 

Qu’avez-vous fait, Madame la Ministre, dans ce domaine, puisqu’il semble que ce soit du pareil au même des années après ?

 Quant aux officiers généraux qui se sont passés des ors de la République, les remerciements de l’auteur (2) vont d’ores et déjà aux parlementaires qui voudront bien déposer une question écrite sur ces curieuses publications par décrets, jamais observées sur la forme.

 Mais, allez savoir, cela entre peut-être aussi dans la logique de la RGPP ?

                                                                                                           Par Annie Romério

                                                                                                   (Article rédigé le 26 juillet 2008)

  • (1) La pratique du «conditionnalat» a été condamnée en Conseil d’Etat, arrêt Bavoil  (CE 222687 du 13 juin 2003).
  • (2) L’auteur de cet article a participé à la confection du dossier du ministre pour le Conseil des Ministres – dont la chemise «mesures individuelles» – pendant cinq ans. Elle connaît l’histoire des nominations «sur table»… et les autres; mais cette façon de travailler à cet échelon lui était totalement inconnue d’où ses observations, remarques et interrogations.

 

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