Saint-cyrien, colonel de gendarmerie en retraite, ancien commandant du GSIGN (Groupement de sécurité et d’intervention de la gendarmerie nationale) avant de devenir avocat et d’écrire un livre sur le droit de recours des militaires, Jacques Bessy vient de succéder au capitaine Michel Bavoil à la tête de l’ADEFDROMIL (Association de défense des droits des militaires). Organisation atypique, vilipendée par l’institution, elle a cependant trouvé sa place en soutenant les militaires perdus dans des dossiers impossibles. Son nouveau président s’explique.
Lepoint.fr : Pourquoi soutenez-vous l’adjudant P. qui porte plainte contre sa hiérarchie ?
Jacques Bessy : Notre vocation, ce sont les hommes. Nous défendons des individus. Quand on vient nous voir pour exposer un problème, on cherche d’abord à aider. C’est notre seule priorité.
Vous présidez désormais l’ADEFDROMIL, qui n’est pas vraiment dans les petits papiers du ministère de la Défense ou des états-majors. Où situez-vous votre organisation ?
L’ADEFDROMIL fait partie du paysage français de la défense. Nos idées et notre prise de parole dérangent, car elles sont à contre-courant de la doctrine officielle, qui n’a pas évolué malgré la professionnalisation des armées. Mais comme nous ne professons pas d’idées antimilitaristes, comme nous entendons placer notre action dans un cadre juridique respectueux des lois de la République et surtout parce que nous parlons vrai, nous sommes lus, redoutés par certains, loués par d’autres, et parfois écoutés. L’ADEFDROMIL et son ancien président, Michel Bavoil, ont lancé l’idée de décerner la Légion d’honneur aux non-officiers tués en service, ainsi que celle du bénéfice de la campagne double en Afghanistan. Après quelques velléités de sanctionner des adhérents, le ministère a renoncé à cette chasse aux sorcières, qui conduisait à une condamnation probable devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Quels sont aujourd’hui vos objectifs ?
Faire progresser la condition militaire, faire admettre que les principes de l’État de droit s’imposent à ces soldats et à leurs chefs. Nous demandons la reconnaissance du droit d’association à titre professionnel, l’introduction dans les statuts de l’interdiction du harcèlement moral et sexuel, la suppression ou, à la rigueur, la réforme profonde de la commission de recours des militaires, organe inique et discriminatoire des militaires par rapport au reste de la fonction publique, la reconnaissance du pacs sans condition de durée. Les militaires doivent être des citoyens comme les autres, ou tout simplement, comme le dit Euromil, l’organisation européenne des associations militaires : des citoyens en uniforme !
Combien comptez-vous d’adhérents à jour de leur cotisation ?
Les militaires viennent chercher un service juridique ou de l’écoute. Lorsqu’ils les ont obtenus, ils omettent de renouveler leur cotisation. Nous comptons en permanence environ quatre cents membres à jour de leur cotisation.
Allez-vous transformer l’ADEFDROMIL en syndicat de militaires ?
Beaucoup sont conscients que des associations professionnelles sont indispensables au dialogue avec le politique ou la haute hiérarchie. La formule « du chef qui veille aux intérêts de ses subordonnés » relève d’un paternalisme dépassé et la crédibilité des organes de concertation doit être renforcée par l’élection de représentants des personnels émanant d’associations. Le terme « syndicat » est encore trop connoté pour être accepté par la communauté militaire. La haute hiérarchie n’est pas enthousiaste et les parlementaires sont encore trop réservés. Encadrons alors ce droit ! L’existence d’associations professionnelles de militaires n’est pas plus incompatible avec la discipline militaire en France que dans d’autres pays européens. Mais, comme le disait un autre Saint-Cyrien : « L’armée redoute d’instinct ce qui tend à modifier sa structure. » Il y a donc un immense effort de pédagogie à produire.
À combien de reprises les dirigeants de l’ADEFDROMIL se sont-ils entretenus avec un ministre de la Défense ?
En dix ans d’existence, l’ADEFDROMIL n’a jamais rencontré un seul ministre de la Défense. Pourtant, nous avons contacté la plupart d’entre eux. Nous devons être catalogués comme des gens dangereux ou des marginaux, une sorte de tabou. Pourtant, nous pourrions servir de thermomètre social, car nous recevons des militaires en difficulté ou en souffrance. Nous connaissons les dysfonctionnements de l’institution. Alors, faute de dialogue, nous en sommes réduits à provoquer des électrochocs, à jouer les imprécateurs. Nous supposons que la bureaucratie du ministère a dû intégrer le risque « ADEFDROMIL » comme un autre risque.
L’écoute a-t-elle été meilleure chez les chefs d’état-major ?
Cette année, Michel Bavoil a été contacté pour la première fois par……
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