Reprise d’un article publié fin juin 2011: Les dîners du CEMAT : la judiciarisation. (Par Jacques BESSY, président de l’Adefdromil)

On connaissait les soirées de l’ambassadeur avec des tonnes de chocolat d’une marque que nous ne citerons pas, faute d’avoir été sponsorisés…

Le général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre jusqu’au 1er septembre 2011,  a, quant à lui, organisé récemment un dîner  débat sur le thème de la judiciarisation, un vilain mot difficile à prononcer pour désigner les actions judiciaires engagées par des victimes ou des ayants droits de militaires tués lors d’opérations extérieures.

L’idée serait de tenter de soustraire au contrôle de la justice la responsabilité des chefs militaires, au combat, en opérations extérieures, voire à l’entraînement. Pour quelels fautes, quelles actions ? Nul ne le sait vraiment. Le titre du sujet devrait donc être plutôt : la « dé-judiciarisation » ou la déresponsabilisation!

Il faut croire que la perspective qu’un juge mette son nez dans les affaires de la hiérarchie militaire, voire dans ses turpitudes, inquiète beaucoup. De ce point de vue, on en arrive à se demander si l’armée a vraiment changé depuis l’affaire Dreyfus et si l’armée de terre n’a pas, en fait, quelque chose à se reprocher ?

Commander, c’est être responsable. Et être responsable, signifie qu’on a des comptes à rendre à ses chefs, à ses hommes aussi et, éventuellement à la justice. Et c’est l’honneur de commander que d’être responsable.

Pour débattre de ce sujet qui ne mène nulle part, sauf à revenir aux principes qui régissent notre Etat de droit, le général Irastorza avait invité à sa soirée Mme le procureur près le Tribunal aux armées de Paris, la juridiction justement chargée de connaître des crimes et délits commis par des militaires français hors du territoire de la République, comme en Afghanistan ou en Côte d’Ivoire.

Une magistrate du parquet près du Tribunal aux armées de Paris, était donc présente, et elle a déçu profondément de nombreux invités du général. En effet, elle a expliqué, que la justice de la République ne peut s’asseoir sur le droit des victimes et de leurs ayants droit à connaître les circonstances des blessures reçues ou de la mort d’un proche –même au combat- et sur leur droit à demander réparation le cas échéant, en cas de faute pénale.

D’ailleurs, l’article préliminaire du Code de procédure pénale ne dispose t’il pas que : « II. – L’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale. » !

Le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est mal parti pour la brillante étude sur la judiciarisation commandée récemment par le ministre Longuet et dont il pourrait faire l’économie.

En tout état de cause, l’Adefdromil salue cette prise de position courageuse du Parquet près le tribunal aux armées.

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Cet article a 3 commentaires

  1. Egalité devant la justice

    Il a a presque vingt ans, le général Monchal, CEMAT de l’époque, entre autres surnommé le « Génie des Carpettes », s’inquiétait déjà de ce qu’il appelait le « juridisme proliférant ».
    La vaillante magistrate qui vient de tenir tête au général Irastorza ne fera pas long feu au tribunal aux armées, il y a des précédents récents.
    Le bon sens commande donc la dissolution de cette dernière juridiction pénale d’exception.

  2. G. TELL

    Très subjectif tout ça : qu’est-ce qui montre que l’assemblée à été déçu ?
    Je rappelle que c’était un dîner organisé par le CEMAT, ce n’est pas la justice qui invitait !
    Je trouve normale que le CEMAT souhaite sensibiliser sur ce sujet : cela démontre, contrairement à ce qu’insinue sournoisement cet article, que ce sujet est pris très au sérieux.
    Inquiétez-vous plutôt des accord de l’armée américaine dont les ressortissants ne peuvent être traduit devant le tribunal international de la Haye … contrairement aux militaires français !

  3. Totoche

    Effectivement ce serait bien que la justice ouvre un débat sur la judiciarisation dans les armées. Pour que celles-ci ne soient pas déçues, le 14 juillet s’impose comme date avec clôture du repas par un feu d’artifice! De plus, c’est le seul jour dans l’année où les armées sont vénérées et les matériels rutilants. Allez Monsieur Michel MERCIER, garde des sceaux, un petit effort que l’on se marre!

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