La Gendarmerie

L’article suivant intitulé « La GENDARMERIE » fait état d’un malaise ambiant au sein de la GENDARMERIE. Rédigé à partir de divers témoignages recueillis auprès de militaires de la gendarmerie, il n’engage que son auteur.

L’Adefdromil le remercie et publie cet article bien volontiers, car le sujet rejoint le constat fait à partir des nombreux dossiers de gendarmerie que l’association reçoit.

Le malaise latent qui ressurgit, s’exprime également sur des forums extérieurs et il semble que beaucoup de gendarmes supportent de plus en plus difficilement la chape de plomb mise sur l’institution et ses problèmes récurrents qui restent sans solution à court ou moyen terme.

La rédaction de l’ADEFDROMIL

La Gendarmerie : Causes profondes du malaise de la gendarmerie et de l’inéquation de ses missions et ses effectifs.

A – La fronde de 2002 – manifestation des gendarmes

Le mouvement a été amorcé par la légion Languedoc-Roussillon en particulier le groupement de l’Hérault.
Les camarades et moi-même de la compagnie de LODEVE, avons été les premiers à pénétrer dans la cour de la Légion, et à stationner devant l’infirmerie. Nous étions une trentaine, dévisagés, pris en photo par les bureaux de l’état major. Tout le personnel de la légion était aux fenêtres.

Au bout d’un quart d’heure, nous avons entendu un bruit lointain de deux tons, qui s’amplifiait au fur à mesure de l’approche du convoi : sourires sur les visages des gendarmes. Nous n’étions plus seuls, la masse de la légion arrivait, une file de véhicules rentrait dans la cour d’honneur de la caserne. Deux ou trois officiers sont venus se joindre à la foule des gendarmes. La joie régnait dans les rangs. Ces militaires montraient qu’ils étaient malades de la gendarmerie, plutôt d’une gendarmerie qui ignore les petits, ceux du terrain confrontés au jour le jour aux problèmes de la société, délinquance, perte de repères, assistanat des personnes, enquêtes en tous genres, missions indues, le tout sans considération, voire avec le mépris de certains de nos chefs, et en tout cas sans reconnaissance de notre métier. Ce métier qui, avec celui des pompiers, des urgences des CHU et de nos camarades policiers récupère et gère toute la misère humaine de notre société, notamment pendant le week-end.

Si certains ne sont pas venus à cette explosion de colère, c’est qu’il fallait assurer le service. Certains n’étaient pas présents par peur. Nous n’avons pris avec nous aucun « mono galon », afin de leur éviter toutes représailles pour leur passage de carrière. En tout cas, j’ai vu des militaires heureux ce jour là, de pouvoir revendiquer et de montrer au public, à nos dirigeants leur malaise, leur manque de moyens, le manque de personnels de terrain et le manque d’écoute.

Je tiens à préciser que la majorité des gendarmes en colère étaient des camarades bien notés, d’un comportement irréprochable en service, faisant leur travail et souvent plus, sans compter leurs heures.

B – Les raisons du malaise passé et présent

En premier lieu, aucun outil réel de concertation. Les PSO souvent le plus souvent « transparents ». Un PSO accrocheur durant son mandat subit les foudres du commandement. Il risque de voir sa demande de mutation refusée, sa notation revue à la baisse, et de faire l’objet d’une mutation d’office. Les médecins militaires n’hésitent pas à arrêter le personnel pour fatigue, dépression, harcèlement, et ras le bol. Durant la période 1990 à 2000, plus de trois cents suicides dans la gendarmerie, actes d’auto agression liée directement au métier ou aggravés par une situation personnelle.

Les rapports sur le moral sont édulcorés à chaque échelon de la hiérarchie. J’ai moi même été tiré au sort deux fois pour répondre à des questionnaires sur le moral. A la légion, un par table dans une salle, comme à un examen, soi-disant anonyme, un officier dans la pièce à côté, porte ouverte, qui a tout le temps de faire un plan de « classe ». Bonjour l’anonymat !

La gronde couvait et s’aggravait depuis au moins trois ans, en particulier depuis la loi sur les 35 heures et personne n’a rien vu et voulu voir venir.

Pour celui que je connais, le groupement de … a ainsi été dirigé d’un manière despotique durant les années 1998 à 2002. Les officiers faisaient régner la terreur sur leurs hommes, avec des « moi-je », seul maître a bord après Dieu. Je pense que ce département n’était pas un cas isolé.

Les causes du malaise demeurent

1 – Manque évident d’écoute des problèmes du personnel – aucune concertation réelle sur les mesures d’amélioration des conditions de travail qui profiteraient aussi bien aux gendarmes qu’à la population.

2 – Hiérarchie lourde et éloignée de ses hommes. Souvent, elle ne connaît pas le métier de gendarme et d’enquêteur. Aucune gestion sérieuse du personnel en fonction de ses compétences et aspirations. Les chefs n’admettent souvent aucune critique. La réponse souvent entendue est : « si vous n’êtes pas content, vous n’avez qu’à dégager, des centaines attendent la place ».

3 – Inadéquation des effectifs par rapport à la population. Maillage des unités à revoir. Missions indues, transfèrements des détenus qui devraient normalement être confiés à l’administration pénitentiaire, surveillance privée à la demande d’une grande surface ou surveillance d’une maison secondaire d’un élu voire d’un copain, demandes de renseignement en tout genre venant des différentes administrations, trésor public, préfet, ONF, établissement des procurations de vote, perte de pièces d’identité.

4 – Fin du service militaire, GA remplacé par GAV, n’ayant souvent pas les mêmes qualités morales, intellectuelles et manière de servir que les anciens appelés, qui souvent faisaient des VSL même s’ils ne voulaient pas embrasser la carrière de gendarme. GA et GAV sont confrontés aux mêmes problèmes du concours. Des bons éléments, motivés, sérieux sont souvent écartés suite au passage à MALAKOFF.

5 – Les brigades sont les unités de base de la gendarmerie. Mais ces unités sont usées et les hommes désabusés. Elles sont souvent en sous effectif, en raison des transfèrements, des stagiaires, permissionnaires, blessés, malades, détachés et des gendarmes remplacés par des GAV.

6 – Des unités spécialisées détournées de leur mission initiale. On a vu des PSIG se retrouver avec un radar, alors que ce type d’unité ne doit pas faire de police de la route sauf cas très particulier.

7- Surveillance de nuit souvent inefficace, en raison du sous effectif, des véhicules sérigraphiés, etc. Une patrouille composée d’un gendarme et GAV fait courir un risque à elle-même et à la population en cas d’intervention. J’ai moi-même patrouillé sur secteur grand comme un arrondissement, avec un ou deux GA dans des créneaux horaires sensibles en espérant qu’il n’arrive rien.

8 – Chaque nouvel officier cherche à marquer son passage. D’où une pluie de notes de service, de nouveaux objectifs, de nouvelles priorités : ainsi celle d’un commandant de légion, dont le souci important était le port d’un écusson d’épaule non réglementaire par les PSIG.

9 – Horaires de travail, qui ne sont plus en adéquation avec la société, et peuvent atteindre 70 heures par semaine avec les astreintes. Le temps de récupération n’est pas respecté après une nuit de patrouille. Au delà des 39 heures, les heures en plus devraient être indemnisées, soit en salaire ou en bonification de temps congé pris avant le départ à la retraite.

PROPOSITIONS :

1 – Supprimer les communautés de Brigade, qui ne semblent pas correspondre à l’attente du personnel. Faire fonctionner le personnel en trois huit. Ne pas remplacer les gendarmes par des GAV, ceux ci doivent venir en plus de l’effectif.

Eliminer les missions indues, transfèrements, pertes de pièces d’identité et procuration au service des mairies et des préfectures. A notre ministère de savoir dire non aux comptages des élevages de volatiles, vérifications et comptages des élevages de caprins ou d’ovins par exemple. J’ai moi-même effectué cette mission dans les Cévennes pour les primes agricoles versées par l’Europe à la demande du ministère de l’agriculture.

2 – Former les officiers aux pratiques de la police judiciaire, non pas par un stage à la va vite à FONTAIBLEAU. Beaucoup n’ont aucune connaissance en ce domaine, mis à part quelques patrons de SR ou de BRD.

3 – Confier la plus grande partie de la police de la route et la constatation des accidents de la route aux BMO, y compris l’enquête. Les brigades pourront en partie grâce à cela effectuer une surveillance générale efficace et rechercher le renseignement. De plus en plus la surveillance générale est négligée, le personnel étant le plus souvent pris par des enquêtes ou charges administratives.

4 – Ne pas toucher aux retraites des militaires à 55 ans maximum en raison des contraintes de l’état militaire, mutation, perte de l’emploi de l’épouse, célibat géographique, aptitude physique, usure du métier suite à l’augmentation de la délinquance et la violence qui en découle, travail de nuit et le week-end et jours fériés..

5 – Assurer plus de transparence sur les demandes de mutations.

6 – Faire un cumul des heures effectuées en plus des 39 heures, pour pouvoir les récupérer avant le départ à la retraite.

7 – De vraies ressources humaines, pour une meilleure gestion du personnel et de sa spécialité. Ainsi, un gendarme d’unité de recherche formé ne devrait pas se retrouver en brigade contre sa volonté en cas d’avancement.

Former les cadres au management des hommes. On ne commande plus comme il y a trente ans. La société a évolué et le gendarme aussi. Autrefois essentiellement rural et ouvrier, le recrutement est maintenant principalement urbain et les candidats sont pratiquement tous bacheliers ou plus.

8 – Maintien de l’état militaire ? Ce maintien est il souhaité par la majorité du personnel ? On avance que cet état militaire et le maintien de deux forces de police, seraient garants de notre démocratie et de l’état de droit au profit du citoyen. Il faudrait faire une vraie enquête parmi les gendarmes. De plus, une seule force de police permettrait des économies importantes pour le budget de l’état : commandement, matériel, radio, système informatique, formation. Par exemple, sur le terrain, la police, les pompiers, la gendarmerie, la sécurité civile, l’armée ne peuvent t communiquer ensemble, hormis par téléphone portable. Où est l’efficacité. ? .

9 – Logement en caserne par nécessité absolue de service. Avantage oui ou non ? Les qualités et le confort et l’environnement des différents casernements sont tellement variés, qu’il est difficile de répondre a cette question. Là aussi une enquête auprès des personnels s’impose. Car la vie en caserne n’est pas toujours facile

10 – Gendarme : un beau métier, mais qui pourrait l’être davantage. Parfois un sacerdoce !

RORO34

Lire aussi :

Vers un statut civil de la Gendarmerie française
Faut-il démilitariser la gendarmerie ?

À lire également