Témoignage

TEMOIGNAGE

Bonjour à tous,

Je vous demande de lire ce qui suit jusqu’au bout.

Je suis à St Martin depuis 7 mois. La plupart d’entre vous ont reçu mes impressions sur les Saint Martinois. Certains ont pu penser que j’exagérais.
Et pourtant ….

Avant que j’arrive, un gendarme recevait un coup de couteau et frôlait la mort. Il s’agit de Thierry S. (qui a fait plusieurs OPEX). Son camarade Jean-Michel B. était à terre et une pierre de 10kgs était projetée sur son épaule. Ils n’étaient pas en service mais leurs agresseurs savaient qu’il s’agissait des Gendarmes locaux.

Il y a 6 mois, une course poursuite se terminait avec la mort d’un Gendarme Auxiliaire et les blessures graves d’un Gendarme de carrière.

Ici, on ne s’arrête pas aux injonctions des Gendarmes. On fonce. Les trois derniers mois, au cours de différents services, j’ai pu constater ce fait : un véhicule m’a foncé dessus, deux autres l’ont fait sur mes collègues de patrouille. L’un d’eux a été touché à une jambe, sans gravité.

Dimanche dernier, un autre Gendarme de ma brigade a subi le même traitement. Il a été broyé par une moto YAMAHA 1000 qui n’a pas voulu s’arrêter à ses injonctions. Vitesse estimée : 150/160 km/h. Il s’appelait Raphaël CLIN. Il est mort.

Bien entendu, le motard n’avait pas de permis, sa moto n’était pas assurée, était trafiquée de telle sorte que sa puissance soit gérée instantanément par le pilote, était non immatriculée et de provenance …? Ce pilote est également gravement touché.

Accident stupide, risques du métier, fatalité. Tout est possible. Mais ici, cela entre dans un contexte qui est décrit dans les emails que je vous ai envoyés depuis quelques mois. A St Martin, la loi n’est pas respectée, les premiers étant les dirigeants locaux. La haine du blanc et de l’état français nous est jetée à la figure quotidiennement, y compris sur nos épouses et nos enfants. Seules les prestations sociales les motivent à obtenir une nationalité Française.
J’ai horreur du mot que je vais employer mais oui, cette haine s’appelle racisme.

Et pendant que Raphaël agonisait sur la chaussée, son collègue et les secours entendaient des horreurs, souvent proférées en anglais. Une autre Gendarme arrivée en renfort s’est vu confrontée à un individu qui chantait la fameuse chanson de Bob MARLEY « We shot the Sherrif » en utilisant le qualificatif de « Gendarme » à la place de Sherrif.

C’est moi qui suis allé annoncer l’accident à Stéphanie. Nous sommes partis à l’hôpital où Raphaël vivait ses dernières minutes. Une horde d’individus excités, gesticulants, proférant des menaces et se « glorifiant » d’avoir eu un gendarme était sur place. L’un d’eux a même été menaçant envers Stéphanie. Il a fallu rester si calme, dans une épreuve pareille, pour ne pas disjoncter.

Il a fallu regagner la brigade, après l’annonce du décès. A plusieurs reprises dans la journée, « ils » sont venus au portail de service ou des familles. Cela a failli très mal finir. D’autres disaient à nos enfants que les « blancs n’avaient rien à faire ici, qu’il fallait rentrer chez nous ».

La situation est explosive. Nous ne travaillons plus depuis dimanche dernier. La brigade est fermée. On reprend demain, mais on ne s’expose plus et au moindre danger, on décroche. Nous sommes prêts à arrêter de travailler définitivement.

Paris s’est déplacé, en la personne du Major Général, du Général TRAVERS (SEGOM) et d’une cohorte d’officiers. Nous avons été reçus. Nos épouses également. Ils ont pris la mesure réelle de tous les voyants qui étaient au rouge sur St Martin mais qu’ils continuaient d’ignorer tant que nous »tenions ». C’est terminé. Ils bougent ou il n’y aura pas de Gendarme au travail à ST MARTIN.

Il est prévu que SARKO se déplace en Mars. Je l’espère.

Car son représentant local, le sous-préfet, ne s’est absolument pas manifesté. Il ne peut pas voir les gendarmes surtout lorsque ces derniers arrêtent son propre chauffeur…

Je voudrais vous décrire et vous dire tellement de choses. Cela serait trop long. Pour ceux qui ont croisé mon chemin dans les missions, vous savez que les situations délicates voire dangereuses ne m’ont pas fait peur. Et nous étions seul. Ici j’ai peur pour nos familles. Et j’ai peur pour les familles qui vont être envoyées sur l’île, comme chaque année au moment des mutations.

Alors je vous demande à tous de dire autour de vous que ceux qui veulent aller dans les Antilles doivent bien réfléchir. Paris a déjà un manque énorme en volontaires pour cette destination ainsi que pour l’OM en général. Il faut que Paris comprenne que la chair à canon appartient aux livres d’histoire et qu’un Gendarme doit être respecté, protégé. Sa famille a fortiori.

Je suis, et nous sommes tous ici touchés par ce drame. Je ne parlerai pas de Raphaël en détail. Je dirai que c’est simplement une grosse perte pour la population. J’ai mis toute cette peine de côté pour écrire ce courrier. Je vous envoie ces mots pour que cette tragédie soit la dernière.
Et si vous voulez envoyer un mot de soutien à Stéphanie et à Ines, leur fille de 4 ans, vous me répondez, je transmettrai.

Merci à tous et surtout, tous les jours, faites attention.

Christian

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