Gendarme harceleur condamné

(Extrait du journal LE POPULAIRE DU CENTRE du Samedi 3 décembre 2005 N°281)

Elles étaient cinq hier présentes. Hier, elles sont sorties soulagées du Tribunal correctionnel de Limoges. Celui qu’elles avaient désigné comme étant leur agresseur a été condamné à trois ans de prison, dont deux avec sursis. Il devra en outre leur verser des dommages et intérêts d’un montant total de 27.000 €.

Elles sont soulagées mais rien ne leur aura été épargné. Installées à quelques centimètres de Jean-Luc Fiska, le prévenu, elles ont écouté la longue litanie des faits. Attouchements, caresses, tentatives plus ou moins appuyées de conduire beaucoup plus loin le flirt engagé, les témoignages des jeunes filles sont tous concordants. Ils peuvent se résumer ainsi : « il a tenté d’user de son autorité pour obtenir nos faveurs ».
Car Jean-Luc Fiska n’est pas un simple quidam. A l’époque des faits, en 2003, il commandait un peloton d’instruction à la quatrième compagnie de l’ Ecole de gendarmerie de Tulle. Cette unité forme les gendarmes auxiliaires et volontaires (GAV), qu’ils soient masculins ou féminins. Tout au long de cette formation, les élèves-gendarmes sont notés, jugés, jaugés. Une mauvaise note peut signifier un avenir réduit sous l’uniforme, une bonne note le début d’une carrière.
Alors, quand le commandant de peloton s’approche d’elles, les complimente sur leurs formes, laisse traîner ses mains un peu trop délibérément, se hasarde à déposer un baiser dans le cou ou se colle carrément si près qu’une a pu « sentir son sexe sur son ventre », les filles n’osent trop rien dire. Elle ont à peine 20 ans, il en a 37. Elles sont les élèves, il est le chef. « On avait peur de lui. C’est lui qui faisait notre notation, notre « note de gueule ».

Vingt-huit témoignages. Finalement, les filles, vingt-huit au total, trouvent le courage d’aller dénoncer les agissements du gendarme à la haute hiérarchie de l’école. Elles rédigent toutes un rapport circonstancié sur ce qu’elles ont subi. Une enquête interne est diligentée. Elle débouchera sur un blâme du ministre, mais le dossier sera classé sans suite par la même ministre en février 2005. Entre temps, le cas est transmis au procureur de la république de Tulle. Au final, 12 des 28 dépositions sont jugées suffisamment précises pour mettre en examen Jean-Luc Fiska des chefs d’agression sexuelle avec circonstances aggravantes et harcèlement sexuel.
A la barre, l’homme nie. « Je ne suis pas un agresseur sexuel, je ne suis pas un harceleur, clame-t-il. Toutes ces accusations portent sur une période de vingt-et-un jours. Apparemment, j’aurais passé mon temps à ne faire que ça ! »
Me Eric Dias, son conseil, va lui un peu plus loin dans le raisonnement et s’acharne à démontrer les « incohérences de ce dossier », à installer le doute dans l’esprit du président, François Casassus-Builhé, comme s’il plaidait devant le jury d’une cour d’assises. « Il y a eu des choses, exhume-t-il de la déposition d’une autre élève-gendarme. Mais, après, les filles ont fait monter la mayonnaise… »
Peine perdue. Après une vingtaine de minutes de délibération, le tribunal condamne le prévenu. Ressorti libre du tribunal, Jean-Luc Fiska a 10 jours pour faire appel.

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