Mes respects Monsieur le Juge (par Jacky Mestries )

Magistrats et Gendarmes partagent les mêmes misères et la plus grande est de ne pouvoir se défendre face aux attaques extérieures. Devoir de réserve commode et élastique suivant que l’on vante les mérites du pouvoir ou pas. Mais dans quel pays vit-on ?
Dés qu’ils pointent le bout du nez dans les médias, immédiatement on se demande ce qu’ils font là, que ce n’est pas leur place.


Alors si ce n’est pas leur place, c’est de notre devoir à tous de prendre la parole pour dire : “là,  pas toucher”

J’ai beaucoup écouté les magistrats se défendre face aux attaques du président et à chaque fois, je me disais, «  les gens ne vont pas comprendre ».

Pourquoi ne disent-ils pas les choses simplement comme on se les dirait autour d’un café ?

Le langage syndical les handicape sur ce coup là. Les défilés en robe dans les rues les desservent. Il est probable que leur pudeur ne les  empêche de dire les choses comme elles sont.

N’y a-t-il personne pour expliquer les choses simplement  ?

Je vais me risquer à cet exercice et je demande par avance beaucoup d’indulgence à ces gens que je respecte profondément pour les avoir pratiqués pendant plus de trente ans, et dans une position qui n’était pas d’égal à égal, en plus.

Je ne pense pas que l’on devienne magistrat par hasard ni que celui qui choisit cette voie le fasse par intérêt personnel quelconque. S’il est des métiers difficiles de la fonction publique, celui de magistrat arrive en tête de la catégorie, et de loin.

Avec leurs bagages ils pourraient choisir bien d’autres destins et comme beaucoup d’hommes ou femmes en vue, exercer leurs talents dans les entreprises ou sur les scènes médiatiques voire politiques.

Non, choisir la magistrature, c’est choisir de servir dans l’ombre.

Ces gens sont désintéressés, c’est certain.

Qu’il est facile d’avancer dans la vie accompagné de certitudes, le regard fixé sur des objectifs clairement définis.

Tous les magistrats que j’ai connus vivent dans l’incertitude et le doute ; parfois des regrets. Le doute ne leur bénéficie jamais à eux.

Incertitude pour engager des poursuites qui risquent de provoquer des dégâts dans la vie des personnes concernées – incertitude dans les décisions à prendre pour rendre justice aux victimes. Si tout le monde était sincère ce serait tellement plus facile.

Incertitude également dans la bonne appréciation des textes. Combien de fois par jour se réfèrent-ils à ces petits livres rouges qui contiennent l’ensemble de notre droit. Ces petits livres que, si cela continue à cette allure, ils vont devoir se payer eux-mêmes.

( Faudrait voir de ce côté là à quoi ressemblent les contrats avec l’éditeur pour bien apprécier.

Demande-t-on à l’ouvrier d’usine d’acheter la machine outil sur laquelle il va devoir s’employer. C’est ce qui va se passer dans les tribunaux si nous n’y prenons garde.)

Mais cette incertitude va devenir décision et cette décision va entraîner le destin d’un homme ou d’une femme, le destin du conjoint, le destin des enfants.

Des amateurs ? parmi les loups qui hurlent contre eux pour prendre leur place ? Ne serait-ce qu’une semaine ?

Pas beaucoup. Avocat d’affaire, c’est plus facile.

Les jurés en correctionnelle sont peut-être une chance pour notre justice de faire passer ce message parmi bien d’autres.

Les magistrats devraient dire chiche !

Je trouve inadmissible que l’on puisse mettre en doute l’intégrité totale de ces gens. Il est scandaleux de penser que la moindre décision puisse être prise au nom d’une idéologie.

Ce n’est pas comme cela que les choses se passent. Des juges, avec leur vies faites d’expériences personnelles et professionnelles se prononcent toujours pour  ce qu’ils pensent le mieux pour les gens et pour la Justice. C’est aussi simple que cela.

Les politiques font des lois que les magistrats appliquent et il fait beau voir ces mêmes politiques se plaindre de ce que les lois qu’ils font soient appliquées.

En ce moment, on marche sur la tête et dans tous les domaines.

Non ?

Mais, ceux qui critiquent ont-ils un jour mis les pieds dans le cabinet d’un juge d’Instruction ou le bureau d’un procureur de la République ?

Je pense à un cabinet que j’ai connu à Bastia. Des dossiers partout dans des petits bureaux. Des couloirs exigus où le manège des greffiers se mélange aux escortes des détenus et à la course des avocats à la photocopieuse.

Si vous visitiez des endroits pareils et ils sont nombreux dans notre pays, vous comprendriez que les magistrats veulent bien être gentils, mais qu’il y a des limites à tout et quand celui qui critique le plus fort est celui qui enlève le peu de moyens dont ils disposent, alors là le raz le bol ne peut plus être contenu.

Ce sont bien les seuls à accepter de travailler dans ces conditions. Je voudrais voir d’autres professions, qui font habituellement grand bruit, se retrouver dans une telle situation. Nous n’aurions pas fini d’en entendre parler. Pour les magistrats cela dure depuis des dizaines d’années.

Je pourrais en faire des pages et des pages comme cela. Je pourrais expliquer que les experts pompent l’essentiel des budgets, que les laboratoires ne font pas de cadeaux et que les contrats pour les surveillances téléphoniques ressemblent à de véritables transferts de fond à destination des opérateurs téléphoniques tellement les contrats semblent déséquilibrés.

Il est temps de faire quelques sacrifices ailleurs pour donner aux gens qui nous jugent les moyens de le faire sereinement, et surtout ne jamais manquer de leur présenter la marque de respect qu’ils méritent, comme je le fais ici.

Si vous voulez vous attaquer aux magistrats, monsieur le Président, faites le au moins avec talent, et chantez comme Brassens  “ Gare au gorille” au moins on passera un bon moment.

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