Il faut sauver les officiers généraux ! : réponse de Chrysostome

Un colonel de L’EMAT s’est ému de notre article intitulé « Il faut sauver les généraux ». Il nous reproche de pratiquer « la lutte des classes » et tente de nous convaincre d’intervenir dans le même sens que sa hiérarchie pour améliorer les grilles indiciaires des militaires en commençant par celle des officiers. Il craint que les propos publiés sur notre site donnent des arguments aux décideurs politiques pour contrer les projets de l’EMAT. Mais il n’y a que la vérité qui dérange.

L’ADEFDROMIL ne pratiquant aucune censure publie à l’état « Brut » l’intervention de cet officier supérieur en service à l’EMAT sous le titre : Cher grand ancien.

L’Adefdromil, par la bouche (d’or ?) ou plutôt la plume de Chrysostome fait le point sur cette intervention qui démontre que notre site est particulièrement visité et étudié.

Michel Bavoil, Président.

Mon Colonel,

Vous me pardonnerez de vous appeler par votre grade supposé, plutôt que par « Cher camarade », puisqu’au demeurant nous ne savons pas si vous exprimez vos opinions à titre personnel ou dans le cadre d’une mission officieuse.

Ceci dit, votre réactivité à l’article sur les généraux paru le 1er octobre nous honore beaucoup, car elle démontre que notre site est visité et que le contenu intéresse voire dérange.

Bien que non structuré, nous publiions votre article à l’état « Brut », l’ADEFDROMIL ne pratiquant pas la censure.

Je me permettrais de répondre globalement à vos remarques.

Pour résumer, je dirai que vous êtes le porte parole de l’idéologie officielle, celle qui conduit aux étoiles en principe : c’est au chef de défendre les intérêts de ses subordonnés -l’Adefdromil ne serait donc nullement qualifiée pour parler de condition militaire ; de plus, en attaquant le dispositif particulier de reconversion des généraux, nous nous discréditerions et nous agirions contre les intérêts non seulement de la hiérarchie, mais aussi de l’ensemble des militaires. Fermez le ban.

Tout d’abord, nous ne pratiquons pas « la lutte des classes », mais nous exerçons notre liberté de parole conformément aux buts de l’association : la défense de la condition militaire. Il est donc exclu, dans notre démarche, de nous demander si notre opinion, partagée par beaucoup, peut desservir telle ou telle cause, celle des officiers ou des généraux, des aviateurs ou des marins, perturber tel ou tel projet d’une armée ou d’une direction. Comme si l’armée était un monolithe avançant d’un même pas derrière ses chefs bien aimés. Ce qui est inquiétant dans vos propos, c’est la conception totalitaire qui les sous-tend. Ainsi, tout ce qui n’irait pas dans le sens voulu par la hiérarchie infaillible comme le Pape serait nuisible. Avec de telles théories, on peut aller très loin, jusqu’au stade de Santiago et finir dans l’océan atlantique sud.

De même, l’Adefdromil entend tenir son rôle qui est d’aider les militaires de tout grade à se défendre contre des décisions arbitraires ou abusives de leur hiérarchie et à promouvoir d’une manière générale la condition militaire. Dans cet esprit, nous n’avons pas à conseiller la direction dans laquelle vous servez pour savoir s’il faut proposer une amélioration des grilles indiciaires sous enveloppe ou non. Notre interlocuteur naturel est l’autorité politique. Si la ministre souhaite recueillir notre avis sur des domaines de notre compétence, nous le lui donnerons avec plaisir, mais nous supposons qu’elle nous adressera un courrier dans ce sens. Si elle souhaite nous proposer de participer à tel groupe de travail, nous étudierons sa proposition, car nous ne souhaitons pas non plus être récupérés et servir d’alibi ou de faire valoir. Toutefois, il y a un préalable incontournable à une démarche de coopération constructive, c’est l’abrogation des dispositions anticonstitutionnelles du statut général interdisant aux militaires en activité de service de s’associer dans un but professionnel. A cet égard, la haute hiérarchie militaire doit faire sa révolution culturelle, accepter une représentation professionnelle véritable comme dans la plupart des autres armées européennes et s’engager dans un dialogue constructif. Avec le poids de ses troupes derrière elle, nul doute qu’elle aurait un peu plus d’influence qu’à l’heure actuelle.

En définitive, nous prétendons être un acteur à part entière de l’amélioration de la condition militaire. C’est pour cela que l’Adefdromil est écoutée aussi bien en haut lieu que dans la troupe et que nous avons la confiance de nombreux militaires d’active qui n’hésitent pas à adhérer.

Si la hiérarchie en charge de « la défense des intérêts des subordonnés » était ou avait été efficace, cela se saurait. Vous ne seriez pas en train de concocter un projet d’amélioration des grilles indiciaires. Le travail aurait déjà été fait. Faut il rappeler que voici quelques années un chef d’état major s’était vanté d’avoir fait faire des économies à l’Etat en réduisant le taux des indemnités en opérations extérieures.. Citez moi un général qui ait donné sa démission au motif que la condition militaire était délaissée !

Quant à vos espoirs placés dans le « Haut Comité » de la condition militaire, nous vous les laissons bien volontiers. Le pire n’est jamais sûr, mais notre pronostic est réservé à juste raison. La République pullule de machins et autres observatoires qui produisent un rapport par an, dont les recommandations restent lettres mortes et qui servent à caser des retraités ou des gens sur le départ. Votre observatoire va être placé sous la direction d’un contrôleur général dont la limite d’âge maximale est 65 ans, qui sera entouré de généraux en contrat de différence ou payés à la vacation et de personnels – officiers, sous-officiers, civils- détachés pour faire le boulot. Le rapport annuel se lamentera sur l’insuffisance de ressources pour mettre à niveau tel ou tel corps,etc.. »Et puis l’année d’après, je recommencerai », comme dit Ballavoine dans sa chanson. De même, le CSFM et les conseils d’armée ou de service ne sont et ne peuvent être en l’état que des chambres d’enregistrement pour de multiples raisons évoquées sur notre site à diverses reprises.

La réalité, c’est que l’Etat employeur ne cède que devant les rapports de force, et rarement à la suite de rapports parlementaires ou d’autres organismes du type « observatoires ».
Les exemples touchant la société civile sont nombreux. Les syndicats conservent un poids malheureusement et souvent négatif. Ainsi, en 2000, le ministre des finances fut contraint à l’abandon du projet de réforme qui relevait pourtant d’une bonne politique. Pour ne viser que la communauté militaire, je vous rappellerai simplement les manifestations d’appelés en 1975, signes du malaise de l’encadrement, qui débouchèrent sur les avancées statutaires de 1976 ou les lettres anonymes des gendarmes en 1989, puis leurs manifs en 2001 qui furent à l’origine d’améliorations catégorielles. Pour remonter dans le temps, relisez si besoin est, un excellent article publié sur ce site à propos de l’insurrection militaire à Strasbourg en 1815 qui permit de réunir les fonds nécessaires au licenciement de l’armée commandée par le général Rapp, fonds qui n’avaient pu être fournis par le Trésor public.

Si mes propos sont sévères pour les officiers généraux, vous conviendrez qu’ils l’ont bien cherché par la publicité inutile faite à cette cellule de reconversion saugrenue. Loin de moi la tentation de « démontrer qu’on est commandé par des c ». Ceux qui utilisent cette formule éculée ne se rendent pas compte le plus souvent qu’ils pourraient faire partie, eux aussi, du grand état-major ! En revanche, sans vouloir faire preuve d’érudition, j’aime beaucoup la devise latine de la comédie : Castigat ridendo mores. En français : elle châtie les moeurs en en faisant rire. C’est donc dans ce esprit que j’ai cité ces quelques anecdotes qui, à défaut de vous plaire, amusent beaucoup d’autres lecteurs.

Pour en revenir à la reconversion dans le privé, ce qui compte, c’est la compétence. Peu importe les galons que vous avez obtenus dans votre vie antérieure. Si vos généraux sont compétents, c’est-à-dire s’ils savent faire quelque chose par eux-mêmes, s’ils sont capables de changer leur style relationnel, ils trouveront à se reconvertir avec quelques conseils. Pour leur éviter d’être mêlés à la piétaille de l’ARCO, on peut même envisager des stages rien que pour eux. Mais au final, ils devront s’adapter même dans les emplois dits « de différence », le problème étant qu’il est toujours plus difficile de s’adapter à 56 ans qu’à 45ans ; à 45 ans qu’à 35 ans, etc.

Alors même qu’on a relevé le nombre d’annuités et de trimestres nécessaires pour disposer d’une retraite pleine aussi bien dans la fonction publique que dans le privé, il est aberrant d’exiger que les officiers généraux partent en moyenne à l’âge de 56 ans tandis que les hauts fonctionnaires peuvent souvent aller jusqu’à 65 ans. Je pense, sans mésestimer l’usure de l’âge, que tous pourraient servir jusqu’à 60 ans. Bref, c’est comme si la réforme des retraites n’existait pas pour cette catégorie de serviteurs de l’Etat puisqu’en définitive, on doit faciliter leur reconversion faute de permettre en gestion qu’ils aillent jusqu’aux limites d’âge du statut.

Vous me pardonnerez de ne pas entrer dans le débat technique des effectifs et autres pyramides de grade sur lequel je n’ai pas tous les éléments. En tout cas, il me semblerait logique que les colonels puissent poursuivre leur carrière indiciaire dans l’échelle « lettre » au-delà de ce qui existe actuellement. De même, je me garderai de m’engager sur le bien fondé de la comparaison entre les saint-cyriens et les énarques comme argument d’amélioration des grilles indiciaires. Je doute qu’il soit convaincant pour Bercy, peuplé d’énarques, avec des volumes inchangés dans les écoles de recrutement direct des trois armées. On risque de vous répondre que ceux qui ont choisi la carrière des armes l’ont fait en toute connaissance de cause et qu’ils auraient dû plutôt présenter le concours de l’ENA.

Je ne disconviens pas du retard dans le déroulement de la carrière indiciaire des officiers. Il faut dès lors faire preuve d’imagination pour trouver des solutions réalistes, équitables et réalisables. Pourquoi, par exemple, ne pas créer trois grades par corps de gestion d’officier pour rapprocher la fonction militaire de la fonction publique civile – ce qui n’interdirait pas de conserver les appellations traditionnelles ?

Que les généraux partant plus tôt aient besoin de se reconvertir, personne à l’Adefdromil ou dans les armées ne s’en offusque. Etait il besoin d’y consacrer un officier général à plein temps pour une catégorie a priori non défavorisée de tous les points de vue, alors que l’armée a déjà un dispositif de reconversion qui fonctionne ? C’est par de telles mesures qu’on avive justement la lutte des classes. Et c’est regrettable.

J’en arrive au terme de ma réponse qui, vous l’aurez compris est surtout à usage externe et sera publiée sur notre site.

Peut-être un temps viendra où l’Adefdromil sera un partenaire officiellement reconnu des services du ministère en matière de condition militaire. Nous le souhaitons tous. Mais cela me semble encore loin. Il faudra sans doute – et hélas- des prises de conscience plus douloureuses pour que les choses avancent réellement. En attendant, je vous souhaite beaucoup d’abnégation et de persévérance pour pousser votre rocher jusqu’en haut de la montagne au risque qu’il ne retombe comme celui de Sisyphe, faute de disposer du soutien « syndical » des troupes.

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