Il faut sauver les officiers généraux ! : réaction d’un colonel de l’EMAT

Cher grand ancien,

Quel dommage de devoir attendre la fin de votre article pour trouver des termes de débat intéressants…

La première partie semble avoir pour objectif de prouver que nous sommes commandés par des cons, des incapables, des irresponsables. Vous êtes-vous demandé en écrivant ces lignes si vous ne risquiez pas de rendre un grand service à nos détracteurs de tous poils, notamment ceux qui ne veulent pas reconnaître sa juste place à la Fonction militaire (soldats comme sous-officiers et officiers) à son juste niveau de rémunération au sein des Fonctions publiques? 60 000 sapeurs Camembert commandés par 40 000 Adjudants Kronenbourg et 15 000 capitaines Courteline ne méritent pas mieux à leur tête que les généraux que vous décrivez.

En relayant ces propos, l’ADEFDROMIL se décrédibilise aussi en n’intéressant que les tenants de la lutte des classes version kakie. C’est bien dommage car les lieux d’échange d’idées transstatutaires ne sont pas légion. Ce n’est pas en nous présentant divisés, voire en donnant des arguments à nos détracteurs, que nous réussirons à nous en sortir dans cette période pourtant cruciale avant 2007, au moment de la réécriture de nos statuts particuliers.

Que nous ayons des incapables de tous chevrons et de toutes barrettes chez nous, au même niveau que le reste de la société, est-ce un scoop tant que les milis seront recrutés dans le civil…….? Posons-nous plutôt les raisons des trous dans le filtre à cons, tous grades confondus ou celle du manque d’attractivité de notre pourtant si beau métier.

Encore une fois, ce n’est pas en cassant du général qu’on améliore la situation du caporal. J’ai eu de nombreuses fois l’occasion de l’écrire sur ce site, c’est bien en défendant le soldat professionnel, tous grades confondus que les choses pourront avancer.

Ce qui devait être dit ayant été dit, passons à l’intérêt de la dernière partie de votre article.

Sur la forme, l’idée de créer une cellule d’aide au retour à la vie civile est en effet discutable. Intégrée aux dispositifs existants, une cellule particulière dédiée à une population particulière n’aurait pas été choquante, ne mettant pas le projecteur sur une de nos fragilités. En effet, sur le fond, nos généraux ont un défaut: les étoiles brillent quand les rémunérations hors échelle des administrateurs civils hors classe ne sont pas affichées sur leurs cravates (savez vous que bien discrètement, 30 professeurs de classe exceptionnelle de l’enseignement supérieur agricole ont, au sein du ministère de l’Education nationale, une rémunération équivalente à notre CEMA……). Comprenez bien qu’un général est aujourd’hui remis à disposition du marché de l’emploi aux environs de 56 ans, avec une « solde de réserve » égale aux autres pensions, c’est à dire 80% de sa solde de base qui ne constituait que 60% de sa rémunération, avec donc une baisse de pouvoir d’achat de près de 50%.. Comme pour les autres grades, c’est l’âge où les enfants en fac coûtent le plus, surtout quand les mutations les ont disséminés aux quatre coins de la France. Si vous me rétorquez qu’il vaut mieux être général que caporal à la retraite, je ne pourrai bien sûr que le reconnaître mais vous avouerez que l’argument à ses
limites, même Mao le reconnaissait……..

Diminuer le nombre des officiers généraux? Pourquoi, si ce n’est pour répondre aux injonctions de l’extérieur bienveillant: combien de brigades, combien de généraux de brigade? Combien de divisions, combien de généraux de division?. Tant que nos rémunérations seront liées aux grades, nous n’aurons que ce moyen pour rémunérer les hautes compétences dont nous avons aussi besoin que le reste des Fonctions publiques….. Ou alors, diminuons la rémunération de nos élites et les trous dans le filtre à cons ne feront qu’augmenter de volume…. Qq. propositions:

– Changer la dénomination de nos OGX qui permettent aux esprits faibles ou malfaisants de nous attaquer trop facilement. L’histoire de France nous le permet sans problèmes.
– Recentrer le généralat sur les fonctions opérationnelles en diminuant effectivement le volume? Possible mais il faut déconnecter le grade de la rémunération pour notre matière grise ferraillant avec les énarques dans les domaines GRH, finances, organisation, infrastructure….. Il faudra aussi faire le deuil pour eux de la rémunération sociale que constitue l’accès à la liste. Est-ce le meilleur moyen d’attirer les meilleurs???
– Allonger la durée comme dans les Fonctions publiques? Si je suis vos développements, le jeune con ne s’améliore pas en vieillissant, a tendance à devenir un vieux con, alors quid du pouvoir de nuisance du très vieux?????
Moins ironiquement, depuis la défaite de 1870, nous avons compris que la chose militaire ne s’accommodait pas du vieillissement de son état-major et la LA à 57 ans, dépassable jusqu’à 61 maxi parait toujours souhaitable, mais c’est un sujet sain de débat….
– Non franchement je ne vois qu’une seule solution si nous recentrons notre généralat: Profiter pour eux comme pour tous les grades des possibilités offertes par le nouveau statut en matière de reconversion, et c’est en cela que la « cellule », au fond n’est pas condamnable même si elle est discutable sur la forme. Je pense notamment pour tous, soldats, sous-officiers et officiers, aux articles 51 et 52 du nouveau SGM qui enfin, ouvre aux militaires (tous, contrat et carrière), les dispositions de la loi Lepors de 84 organisant la mobilité horizontale entre les Fonctions publiques par le biais du détachement intégration. Trois bébé-CEMA rajeunis à 47 ans pourraient effectivement fournir un CEMA allant à 61 ans, les deux autres pouvant aller faire reconnaître leurs compétences (ou leurs incompétences si je vous suis….) dans la territoriale, l’hospitalière, les autres ministères, la RATP, les organisations internationales…. Ce qui est vrai pour eux l’est également pour le caporal et l’adjudant, encore une fois.
Voilà un vrai combat que nous devons mener ENSEMBLE sans se contenter des piécettes de la 70-2 et des emplois réservés (les descendants des poilus blessés gardiens de phare…).
– Adapter le nombre des recrutés à Cyr? Oui sans doute et c’est ce qui est engagé. Toutefois ne perdons pas de vue que l’armée napoléonienne pyramidale a évolué avec des besoins croissants en matière grise à l’interarmées (tous nos engagements le sont), l’interministériel (Napoléon garantissait les budgets…) et l’international (des besoins croissants qu’on le veuille ou non…..).
– On parle de pantouflage quand un énarque se sert de sa formation et de son carnet d’adresse pour aller à 35 ans gagner dans le privé ce que gagne à 61 ans notre CEMA…. pas quand un caporal à 35 ans, un adjudant, un capitaine ou un OGX reprennent, souvent contraints et forcés, une deuxième carrière à la cinquantaine, dix ans avant le reste des Fonctions publiques…….

Il y a du pain sur la planche, oui, mais il vaut mieux s’y attaquer ensemble, tous unis par exemple pour réclamer que le Haut comité d’évaluation de la condition militaire juge effectivement du positionnement social relatif du militaire avant que ne soient discutées nos grilles indiciaires: sous enveloppe ou pas…

Colonel CHALMEL

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