Centrafrique – Opération Sangaris : quand le stress post-traumatique s’en mêle (Par Emilie Denètre et Hassina Mechaï)

ENQUÊTE. Le bilan psychologique négatif sur les troupes de retour d’opération fait de Sangaris « la plus traumatisante des guerres menées par la France ». Illustration.

Février 2015, Me P., jeune avocat du barreau de Chartres assure une permanence d’office lorsqu’il est appelé pour une affaire qui semble sérieuse : un braquage à main armée avec course poursuite au Cash Converter du coin. Les trois jeunes malfrats sont repartis avec l’or et la caisse avant de se faire prendre. Aussi en entrant dans la cellule, Me P. s’attendait à découvrir « des habitués ou des endurcis ». Mais que trouve-t-il face à lui ? « Des quidams comme vous et moi, polis, gentils, qui, menottes au poignet, reculent d’un pas pour laisser passer devant eux la femme-gendarme qui les garde ».

De la Centrafrique au braquage

En fait, deux des trois braqueurs sont des militaires…. en arrêt maladie ! L’un a «le dos en compote » ; quant au second, « il vient de rentrer de Centrafrique avec un syndrome de stress post-traumatique (SSPT) avéré». Peu disert sur cette expérience, ce dernier laisse simplement entendre que «de l’armée, il ne veut plus en entendre parler». Devant les juges, leur avocat plaidera ainsi «la bêtise de jeunes oisifs», «laissés au bord de la route par l’armée» et ayant avant tout «besoin de soins». Les trois garçons écopent d’une peine avec sursis. Ce fait divers, dans sa banalité, éclaire toutefois à sa manière les failles dans la gestion du retour sur le sol français des premiers contingents déployés en Centrafrique.

2014, Sangaris pointée du doigt par un rapport parlementaire

Auteurs d’un rapport d’information sur la question de «La prise en charge des soldats blessés», les députés Olivier Audibert-Troin  (LR) et Emilienne Poumirol (PS) avaient ainsi révélé, dès le mois de décembre 2014, que l’opération Sangaris était sans doute la plus «traumatisante» des guerres menées par la France. «Le bilan est très négatif pour l’opération Sangaris 1 : 12 % des militaires de retour de République centrafricaine présentaient des déséquilibres psychologiques se traduisant par un contact altéré avec la réalité contre 8 % pour l’opération Pamir (ndlr : Afghanistan)», peut-on lire à la page 119 du rapport.

Ce qui rend Sangaris plus traumatisant

Pour le député Audibert-Troin, ce «pic» de SSPT  était dû à plusieurs facteurs. D’abord, Sangaris a été une intervention « en urgence absolue », dans un pays où la France se retrouvait «seule, sans pouvoir bénéficier de la logistique de ses alliés». Rationnés en eau, les soldats épuisés dormaient alors dans des tentes dépourvues de climatisation et où le sable s’engouffrait partout, dans les yeux, le nez, les oreilles…

Le second facteur décrit par le député  est «ce sentiment d’incompréhension et d’inutilité» ressenti par les soldats français. «Il n’y avait pas là d’ennemi désigné. Il s’agissait de s’interposer entre deux factions de la population, catholique et musulmane, qui s’entretuaient à la machette». Les militaires devaient donc faire face à des corps mutilés, des charniers et trouver «un sens à l’inexplicable, à l’horreur et à la barbarie».

Le dernier point ayant contribué à l’élévation du nombre de SSPT chez les soldats de retour de Centrafrique est le fait que les premiers contingents démobilisés sont directement retournés à la maison sans passer par un «sas de décompression». Ces sas, des lieux neutres, souvent des hôtels, permettent en effet aux hommes en fin de mission de se réadapter à la vie civile, et de rencontrer des soignants pour faire le point, à l’aide de la parole, sur leur expérience. Après l’opération Pamir, le sas de Chypre avait en effet été «désactivé».


Au coeur de tout, la blessure invisible à détecter…

« Ainsi, si les psychiatres et psychologues jouent évidemment un rôle-clé dans la détection et le suivi du SSPT chez les soldats de retour de mission, la place prise par les aumôniers sur le terrain auprès des soldats n’est pas négligeable », insiste Olivier Audibert-Troin. Les militaires peuvent ainsi évoquer la mort qu’ils sont autorisés à donner ou qu’ils ont accepté de recevoir auprès de ces religieux, sans peur d’être jugés ou déqualifiés par leurs pairs. Car vivre avec la mort, finalement, les soldats n’y sont pas forcément bien préparés.

A l’hôpital militaire de Percy, on connaît bien pour les soigner régulièrement ces soldats passés par les différents terrains d’intervention de l’armée française. Françoise Vinard, justement, y est aumônière protestante. Et dans les services de cet hôpital, elle en a vu défiler des militaires, de retour d’Afghanistan, du  Mali ou encore plus récemment de Centrafrique : «Il y a 20 lits environ dans la section psychiatrique de Percy. On y traite ce qu’on appelle « la blessure invisible», indique-t-elle.

… avant que les symptômes du traumatisme ne se déclenchent…

L’aumônière a visiblement à cœur le bien-être de ces soldats. Et elle raconte, volubile, la….

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Cette publication a un commentaire

  1. Anonyme

    L’opération sangaris se sera illustrée par l’indigence de ses moyens de soutien ,des matériels à bout de souffle , des pannes à répétition , des circuits décisionnels complexes , des flux logistiques difficilement maîtrisés etc…. autant de causes à l’origine de contraintes organisationnelles graves et complexes qui pèsent sur la condition du soldat en opération .
    Le soldat français est naturellement capable de servir et de remplir sa mission qu’elles que soient les conditions ,il n’en demeure pas moins que son bien être doit être recherché et que la solution au problème du soutien passe forcément par une externalisation plus poussée de la gestion de camp.
    A ce sujet , l’économat des armées qui est un opérateur privilégié du ministère de la défense dont la constance et la qualité des prestations délivrées en opération sont reconnues et appréciées devrait logiquement monter en puissance dans les prochaines années .
    Reste encore à convaincre certains décideurs qui préfèrent conserver jalousement la gestion de camp au profit de militaires d’active qui ne disposent pas toujours de l’expérience et des compétences techniques nécessaires pour tenir ces postes et qui , par ailleurs , rechignent souvent à effectuer ces taches ancillaires données en plus des missions spécifiques liées à leur état de militaire (garde , des patrouilles etc…..)

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