Un statut à l’arraché

La commission dite Denoix de Saint Marc, chargée de rédiger un rapport en vue de remplacer l’actuel statut général des militaires, a remis son rapport en 2003.

En réalité, le vice-président du Conseil d’Etat, la plus haute instance de l’ordre des tribunaux administratifs, a servi, à travers ce rapport, à cautionner un projet de statut général des militaires.

Celui-ci a été examiné en conseil des ministres le 16 juin 2004, adopté c’est-à-dire approuvé sans doute sans observations, et a fait l’objet d’un communiqué officiel en date du même jour. Le projet a été déposé en juillet 2004 devant l’Assemblée nationale par le Premier Ministre, Monsieur Jean Pierre Raffarin et par Madame Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

Ce projet, objet de la brochure n°1741, a été mis en distribution le 27 juillet 2004.

C’est dire, si, a priori, à cette date, les députés plus préoccupés par la balnéothérapie ou les excursions locales ou lointaines, que par la politique appliquée à une population devenant marginale dans la société française d’aujourd’hui, ont été peu portés à le parcourir à défaut de le lire et annoter.

Les militaires ont pu, comme tout citoyen, en prendre connaissance sur Internet, mais ils ont sans doute été peu enclins à le lire à l’écran tant le texte est long. Le kiosque de l’Assemblée nationale étant fermé à peu près tout le mois d’août, ils n’ont pu faire acquisition de cet ouvrage indispensable, vendu trois euros, que les premiers jours de septembre, c’est-à-dire à une époque où il faut reprendre le travail après les vacances d’été.

Le projet doit être examiné par l’assemblée nationale fin novembre ou courant décembre, c’est-à-dire à la sauvette, à l’approche de Noël et à une période, où, après les dures séances budgétaires, les députés sont plus préoccupés par la distribution des marrons glacés ou autres friandises à leur clientèle que par l’examen d’articles exigeant attention et rigueur de jugement.

On remarquera que le gouvernement affectionne les vacances d’été et d’hiver pour déposer et discuter devant l’assemblée nationale ce texte majeur pour les militaires.

Selon des sources bien informées, il ne serait pas exclu qu’en décembre le Chef des Armées en personne vienne exposer et (se féliciter de) la réforme devant le prochain Conseil Supérieur de la Fonction Militaire. Cette visite aura très certainement lieu après l’adoption du projet par l’Assemblée nationale. Rappelons que le CSFM avait approuvé à l’unanimité le rapport de la commission Denoix lors de la 68°session, ses objections n’ayant pas été, dit-on, retenues ; il y a donc des chances maximales pour qu’aucune voix ne s’élève après les propos du Chef des Armées, surtout si l’Assemblée nationale a adopté le projet sans beaucoup d’état d’âme. Et c’est ainsi que les Militaires auront, dira la presse, entériné le nouveau statut général des militaires, sans en connaître le contenu et le caractère totalement anachronique.

Espérons seulement que l’Assemblée nationale, même si elle adopte ce projet sans la moindre modification, à la façon d’une chambre d’enregistrement du temps de la Royauté, fera aux forces armées l’honneur d’être fortement représentée (l’hémicycle est, dit-on, souvent vide même pour de grands débats), marquant ainsi par son vote qu’elle confirme le vote de la loi 97-1019 du 28 octobre 1997 qui a dispensé les jeunes Français de consacrer une petite fraction de leur temps à la défense du pays et qu’elle laisse les personnels militaires voués à leur triste sort dans un pays où les dirigeants se vantent de leur conceptions démocratiques.

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