Editorial

Dans son allocution faite aux représentants des différentes armées et de la gendarmerie le 30 novembre, le ministre de la Défense n’a cessé de souligner à quel point la nation était pleine de reconnaissance envers l’Institution militaire pour ses engagements à l’intérieur comme à l’extérieur du territoire national.

Malheureusement, aucune mesure tangible susceptible d’améliorer la condition des militaires tout en soulageant leur famille ne concrétise cette reconnaissance verbale et de circonstance.

Au discours lénifiant de Monsieur Alain RICHARD font écho les discours optimistes tenus par les Hautes autorités militaires devant la représentation nationale. Que répondre face à cette autosatisfaction générale ? Que les gardes républicains refusent de rendre les honneurs dans la cour de l’Elysée ? Que les gendarmes descendent dans la rue en uniforme pour protester ?

C’est vrai qu’une cohabitation pacifique et consensuelle durant plus de quatre années ne permet pas, à l’approche des échéances électorales, un diagnostic serein de l’état de santé de notre Défense et du moral de nos soldats ! Personne ne veut bien évidemment assumer l’échec d’une professionnalisation décrétée dans la précipitation et en l’absence de toute concertation. Pourtant, lors de la création de L’Adefdromil en avril, nous avons rendu compte au Président de la République et au Premier ministre du malaise qui régnait au sein des armées.

Pour calmer les troupes, une nouvelle fois des miettes sont ou seront distribuées. Tout juste de quoi permettre de passer, du moins l’espère t’on, le cap des échéances politiques.

15 jours de permissions supplémentaires par an : c’est la réponse apportée à la réduction du temps de travail appliquée aux salariés du privé et aux agents de la fonction publique. Pour bien montrer que le militaire n’est pas un citoyen comme les autres, l’ARTT sera pudiquement rebaptisée TAOPM ! Cette mesure est démagogique et hypocrite car chacun sait qu’à effectif constant, l’augmentation du nombre des congés par ailleurs déjà difficiles à prendre dans les armées, est source de surcharge de travail.

L’élaboration de telles mesures se fait sans l’avis des militaires. On se contentera donc d’obtenir, pour la forme, l’assentiment d’un Conseil Supérieur de la Fonction militaire à l’écoute, sinon aux ordres. Tout l’art de la rhétorique est mis en oeuvre pour flatter allègrement l’ego des dignes représentants de la communauté militaire. Quelques exemples tirés du discours du ministre de la défense s’imposent ici :

« vous êtes en première ligne en permanence avec une disponibilité et un dévouement exemplaires-.le niveau massif de confiance que vous font les français pour votre efficacité au service du Pays-je pense qu’ils seraient préoccupés s’ils sentaient que nous perdons de vue la priorité à la mission … vous bénéficiez d’une immense confiance de la part de nos concitoyens, votre présence en France comme dans le monde, votre efficacité, votre éthique, les rassurent … »

Et Lorsqu’on ne flatte pas leur ego, on trouve une excuse à leurs mouvements d’humeur …

« des signes de lassitude face aux contraintes, face à la multiplication des tâches, c’est pour mieux remplir cette mission que vous les avez exprimés ».

Il faut avoir vécu 34 années de sa vie parmi les militaires pour affirmer, que du soldat au général, ce sont des hommes comme les autres ! Qu’ils veulent avoir dans les limites compatibles avec leur statut de militaire, une vie de famille normale, une reconnaissance non simulée de leurs mérites, une juste compensation des sujétions liées au service, une retraite décente.

Le devoir de réserve sert en fait de prétexte pour contraindre au silence ceux qui souhaiteraient exprimer au grand jour leur mal vivre au sein des armées. Mais il suffit de lire le discours de Monsieur Alain Richard pour mesurer la place qui y est réservée à la gendarmerie et être ainsi convaincus que seuls ceux qui osent faire entendre leur voix publiquement peuvent espérer être écoutés.

Les gendarmes, qui se trouvent, il faut bien le reconnaître, dans une situation inacceptable, n’hésitent plus à rompre la loi du silence devant les caméras. Mais cette fois-ci ils sont descendus dans la rue et ont fait savoir qu’il faudra dorénavant compter avec eux.

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