Décret 2024-308: Contrôle du coût des marchés de défense et sécurité, 4 avril

Décret n° 2024-308 du 4 avril 2024 relatif au contrôle du coût de revient des marchés de défense ou de sécurité de l’Etat et de ses établissements publics

Publics concernés : acheteurs publics et opérateurs économiques.
Objet : précision de la forme selon laquelle les opérateurs économiques sont tenus de présenter leurs éléments techniques et comptables dans le cadre du contrôle du coût de revient des marchés de l’Etat et de ses établissements publics ; définition de la nature des charges comprises dans la détermination de ce coût et des modalités de leur comptabilisation.
Entrée en vigueur : les dispositions du décret entrent en vigueur le lendemain de sa publication.
Notice : le décret est pris pour l’application de l’article 51 de la loi n° 2023-703 du 1er août 2023 portant création des articles L. 2196-7 et L. 2521-6 et modification de l’article L. 2396-3 du code de la commande publique. Il précise la forme selon laquelle les opérateurs économiques doivent présenter leurs éléments techniques et comptables dans le cadre du contrôle du coût de revient des marchés de l’Etat et de ses établissements publics. Il définit, par ailleurs, la nature des charges comprises dans la détermination du coût de revient et les modalités de leur comptabilisation.
Références : le décret est pris pour l’application de l’article 51 de la loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense. Le décret peut être consulté sur le site Légifrance ( https://www.legifrance.gouv.fr).

Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des armées,
Vu le code de la commande publique, notamment ses articles L. 2396-3 et L. 2521-6 ;
Vu la loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, notamment son article 51 ;
Vu le décret n° 68-165 du 20 février 1968 organisant la coordination des contrôles des prix de revient dans les entreprises titulaires de marchés de matériels de guerre ou assujetties aux obligations prévues par l’article 54 de la loi de finances pour 1963,
Décrète :

    • Article 1

      Le présent décret s’applique aux marchés de défense ou de sécurité auxquels s’appliquent les articles L. 2396-3 et L. 2521-6 du code de la commande publique passés par l’Etat et ses établissements publics.

      • Article 2

        La forme et les modalités d’établissement des coûts de revient sont définies de telle façon que le coût de revient, mentionné à l’article L. 2196-7 du code de la commande publique, de l’ensemble des produits, services et travaux réalisés pendant l’exercice comptable annuel soit égal au montant des charges nettes de l’entreprise incorporables aux coûts, sur le même exercice.
        Les charges nettes incorporables sont les charges comptables desquelles sont soustraites les charges refacturées et les charges non incorporables dont la production immobilisée.

      • Article 3

        L’organisation, les processus et les outils mis en place par les soumissionnaires afin de se conformer aux obligations issues de l’article L. 2396-3 du code de la commande publique doivent permettre d’analyser et d’estimer les éléments techniques et comptables du coût de revient de leur offre.
        L’organisation, les processus et les outils mis en place par les entreprises afin de se conformer aux obligations issues de l’article L. 2396-4 du code de la commande publique doivent permettre de déterminer, de vérifier et de contrôler les éléments techniques et comptables du coût de revient des prestations objet du marché.

      • Article 4

        Les coûts de revient effectifs et prévisionnels d’une prestation sont des coûts complets, constitués chacun d’un coût de production de la prestation et d’un coût hors production incluant notamment les frais de distribution et d’administration générale.
        Le coût de revient prévisionnel d’une prestation est une estimation du coût de revient effectif, établie à des conditions économiques données et fondée sur une prévision objective des éléments techniques et comptables. Ce coût de revient intègre, en les distinguant, les provisions pour risques ou garantie.
        Le coût de revient effectif est déterminé à partir des éléments techniques constatés sur la prestation et des éléments comptables constatés sur chaque exercice en norme sociale. Il intègre, en les distinguant :
        1° Les dépenses de garantie ;
        2° Le cas échéant, l’estimation du coût de revient de la partie non achevée de la prestation ;
        3° Les éventuelles provisions pour risques résiduels ou garantie.
        Le coût de revient effectif est présenté sous la forme d’un état de coûts.

      • Article 5

        Les descriptions des organisations, processus et outils mentionnées à l’article 3 sont fournies aux agents habilités mentionnés à l’article R. 2196-11 du code de la commande publique qui en font la demande. Elles sont reprises dans un descriptif comptable propre à chaque entreprise dont le contenu peut être précisé par arrêté du ministre de la défense.

      • Article 6

        Les coûts de revient prévisionnels et effectifs sont présentés en distinguant les éléments techniques et comptables.
        Les éléments techniques sont les quantités et les montants directement imputables à la prestation. Il s’agit notamment des nombres d’unités d’œuvre, des montants détaillés des approvisionnements, des frais directs de production et des frais directs hors production.
        Les éléments comptables sont les coûts unitaires et les taux de frais non spécifiques à la prestation mais propres à chaque entreprise. Il s’agit notamment des coûts des différentes unités d’œuvre, des taux de frais d’approvisionnement et des taux de frais communs hors production. Les éléments comptables peuvent être établis notamment par activité, par métier, par catégorie socio-professionnelle ou par niveau d’expertise.

      • Article 7

        Si l’acheteur en fait la demande, les soumissionnaires précisent dans leur offre les prix suivant la décomposition des prestations prévue par les documents de la consultation. Ces prix distinguent les éléments techniques et comptables de l’estimation du coût de revient, les provisions pour risques ou garantie et la marge prévisionnelle.
        Les entreprises visées aux articles L. 2396-4 et R. 2396-5 du code de la commande publique fournissent à l’acheteur qui en fait la demande un état de coûts suivant la décomposition des prestations prévue par la clause d’obligations comptables du contrat ou, dans le silence du contrat, suivant chaque prestation constitutive de celui-ci.

      • Article 8

        Les charges incorporables dans les coûts de revient sont des charges nettes enregistrées dans les comptes sociaux à l’exclusion des charges financières qui sont remplacées par des charges financières supplétives.

      • Article 9

        Seules sont incorporables, dans les coûts de revient prévisionnels et effectifs, les charges exclusivement affectables aux prestations du marché et une quote-part des autres charges, dites charges réparties, nécessaires à leur réalisation.
        Sont exclues des coûts de revient prévisionnels et effectifs les charges suivantes :
        1° Les charges ayant le caractère de distribution du résultat de l’entreprise elle-même ou du groupe au sens des articles L. 233-1 à L. 233-5-1 du code de commerce dont elle relève, notamment la participation des salariés aux fruits de l’expansion de l’entreprise et la part de l’intéressement liée au résultat ;
        2° Les charges ayant pour contrepartie l’acquisition ou la création d’immobilisations de toute nature dont la valeur doit être portée à l’actif du bilan, hors amortissements correspondants ;
        3° Les charges et produits ne concernant pas la période comptable considérée ;
        4° Les charges correspondant à des pertes ou assimilables à des pertes, notamment les pénalités contractuelles ;
        5° Les primes d’assurance-vie contractée au profit du personnel de l’entreprise, les primes d’assurance pour risques pris en charge par le client, les primes d’assurance-crédit, les primes d’assurance perte d’exploitation, au-delà des pertes directement générées par le sinistre et des frais de redémarrage indispensables, les provisions pour dépréciation et les provisions pour pertes et charges ;
        6° Les charges non justifiées ;
        7° Les charges sans rapport direct ou indirect avec les prestations ou exclusivement affectables à d’autres prestations que celles objet du marché ;
        8° Les marges internes entre les entités d’une même entreprise et les subventions accordées aux sociétés apparentées.

      • Article 10

        Les charges et coûts répartis sont affectés suivant des clés de répartition préétablies, rationnelles et stables, propres à chaque entreprise.
        Ces clés ne doivent pas conduire à intégrer des charges anormales dans les coûts de revient prévisionnels et effectifs des prestations réalisées au profit de l’administration par rapport aux prestations réalisées pour les autres clients.
        La présentation des éléments comptables, notamment le découpage en unités d’œuvres, doit permettre aux agents habilités mentionnés à l’article R. 2196-11 du code de la commande publique, de déterminer le coût de revient de façon précise.
        Le coût de revient effectif ou prévisionnel est calculé en valorisant les éléments techniques, spécifiques à la prestation, avec les éléments comptables, spécifiques à l’entreprise.

      • Article 11

        L’entreprise estime le coût de revient prévisionnel des prestations en s’appuyant :
        1° Sur les éléments techniques présentés à la personne publique pour des prestations analogues que l’entreprise a déjà réalisées ;
        2° A défaut, sur les éléments techniques constatés par l’entreprise lors de la réalisation de prestations analogues ;
        3° A défaut, sur l’expérience de l’entreprise.
        Ces éléments techniques sont valorisés avec les éléments comptables prévisionnels convenus avec l’acheteur. A défaut, l’entreprise s’appuie sur les éléments comptables prévisionnels établis par ses soins et dûment justifiés.

      • Article 12

        La mise en œuvre du contrôle des coûts de revient prend la forme d’analyses a priori et de vérifications a posteriori. Ces analyses et vérifications sont réalisées par les agents habilités mentionnés à l’article R. 2196-11 du code de la commande publique.
        Les analyses a priori concernent l’analyse des renseignements sur les éléments techniques et sur les éléments comptables du coût de revient prévisionnel des prestations qui font l’objet de l’offre du soumissionnaire.
        Les vérifications a posteriori sont réalisées sur pièces ou sur place et portent sur les éléments techniques et sur les éléments comptables des prestations qui font l’objet du marché.
        L’analyse des éléments comptables prévisionnels communs à plusieurs analyses a priori peut être mutualisée.
        La vérification des éléments comptables effectifs communs à plusieurs vérifications a posteriori peut être mutualisée.

      • Article 13

        Les soumissionnaires à un marché mentionné à l’article L. 2196-4 du code de la commande publique et les entreprises visées aux articles L. 2396-4 et R. 2396-5 du même code sont tenus de présenter aux agents habilités mentionnés à l’article R. 2196-11 du même code qui en font la demande tous renseignements sur les éléments techniques et comptables notamment sur les quantités d’unités d’œuvres, les montants des différents approvisionnements, les coûts horaires et les taux de frais.
        La nature et la forme des renseignements que les entreprises concernées sont tenues de communiquer, les délais de conservation des renseignements et les délais de réponse aux questions et demandes de précision des agents habilités mentionnés à l’article R. 2196-11 du même code peuvent être précisés par arrêté du ministre de la défense.
        Pour les entreprises visées aux articles L. 2396-4 et R. 2396-5 du code de la commande publique, les modalités de consultation des données sources des systèmes d’information par les agents habilités mentionnés à l’article R. 2196-11 du même code peuvent être précisées par arrêté du ministre de la défense.
        Les agents habilités mentionnés à l’article R. 2196-11 du même code doivent pouvoir s’assurer que les organisations, processus et outils mentionnés à l’article 3 permettent d’estimer et d’analyser les coûts de revient prévisionnels et de déterminer et vérifier les coûts de revient effectifs dans le respect des dispositions législatives, règlementaires et contractuelles.
        Les agents habilités établissent, au profit des fonctionnaires coordonnateurs institués par le décret du 20 février 1968 susvisé qui en font la demande, les constats relatifs au respect par les entreprises concernées de leurs obligations en matière de contrôle des coûts de revient des prestations.

      • Article 14

        L’entreprise est avisée par tout moyen de la décision de l’acheteur de diligenter une analyse a priori ou une vérification a posteriori et de la liste des renseignements à fournir. Ces renseignements sont fournis dans un délai d’un mois à compter de la date de notification de la décision de l’acheteur sauf meilleur accord.
        Sauf meilleur accord, l’entreprise est avisée des dates de vérification sur place quinze jours au moins avant leur réalisation.
        Elle peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix.
        A l’issue de toute analyse a priori et de toute vérification a posteriori, la personne publique notifie par tout moyen à l’entreprise le projet de rapport afin de recueillir ses observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, ses observations orales dans un délai fixé par la personne publique qui ne peut pas être inférieur à quinze jours.
        Les observations éventuelles de l’entreprise sont annexées au rapport définitif.
        Le rapport définitif est notifié à l’entreprise par tout moyen.

      • Article 16

        Des assouplissements sur la forme des éléments comptables et du descriptif comptable peuvent être consentis aux petites et moyennes entreprises par la personne publique dans des conditions fixées par arrêté du ministre de l’économie et du ministre de la défense.

        • Article 17

          Les dispositions du présent décret sont applicables aux collectivités outre-mer de Wallis-et-Futuna, de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie et des Terres australes et antarctiques françaises.

        • Article 18

          Les modalités d’application du présent décret peuvent être précisées, en tant que de besoin, par arrêté du ministre de l’économie et du ministre de la défense.

        • Article 19

          Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre des armées sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 4 avril 2024.

Gabriel Attal
Par le Premier ministre :

Le ministre des armées,
Sébastien Lecornu

Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique,
Bruno Le Maire

Source : JORF n°0080 du 5 avril 2024
Texte n° 13

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