Question parlementaire – Assemblée nationale N° 2921 – Reconnaissance des maladies professionnelles des mariniers

Question N° 2921
de Mme Louise Morel (Démocrate (MoDem et Indépendants) – Bas-Rhin )
Question écrite
Ministère interrogé > Armées
Ministère attributaire > Armées

Rubrique > défense

Titre > Reconnaissance des maladies professionnelles des mariniers

Question publiée au JO le : 08/11/2022 page : 5157
Réponse publiée au JO le : 14/02/2023 page : 1413

Texte de la question

Mme Louise Morel attire l’attention de M. le ministre des armées sur le traitement réservé aux mariniers ayant été exposés à l’amiante ou aux essais nucléaires de la France. En effet, des milliers de mariniers ont respiré en vase clos (notamment dans les bâtiments de guerre) des fibres d’amiante, quand des milliers d’autres ont participé aux campagnes d’essais nucléaires dans le Sahara ou le Pacifique. Alors que nombre d’entre eux souffrent de maladies incurables radio-induites ou liées à l’amiante, voire sont morts prématurément, il semblerait que ces marins ne bénéficient aujourd’hui pas de la reconnaissance qu’ils méritent. Par exemple, à ce jour, les anciens militaires (ainsi que les militaires qui quittent l’institution sans droit à pension militaire de retraite) ne peuvent faire prendre en compte les années Marine au contact de l’amiante dans une seconde carrière pour un départ anticipé, alors même que cette situation leur permet de bénéficier des années effectuées à titre militaire pour le calcul de la retraite définitive dans la seconde carrière, par affiliation rétroactive à la CARSAT. De plus, les marins ayant contribué à doter la France d’une force de dissuasion nucléaire, ne bénéficient pas du titre de reconnaissance de la Nation, alors même qu’ils ont été exposés à des risques physiques très importants dans un environnement hors de la métropole. Aussi, elle lui demande ce qu’il entend mettre en œuvre pour reconnaître la prise en compte de ces spécificités.

Texte de la réponse

Le ministère des armées tient à saluer l’engagement dont les officiers mariniers exposés aux poussières d’amiante ou ayant participé aux campagnes d’essais nucléaires dans le Pacifique ont fait preuve au service de la défense de notre pays. Le Président de la République n’a pas manqué de rappeler récemment que la Nation leur est redevable et c’est pourquoi le ministère des armées s’attache à mettre en œuvre une prise en charge durable, adaptée et bienveillante du préjudice subi par ceux qui ont été exposés à ces risques. Le titre de reconnaissance de la Nation (TRN) a été créé par la loi n° 67-1114 du 21 décembre 1967 pour les militaires ayant pris part pendant 90 jours aux opérations en Afrique du Nord, à une époque où ces opérations n’ouvraient pas droit à la carte du combattant. Les conditions d’attribution de ce titre sont codifiées aux articles D. 331-1 à R* 331-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). L’article D. 331-1 du CPMIVG précise en particulier que le TRN est délivré aux militaires des forces armées françaises et aux personnes civiles ayant servi pendant au moins 90 jours dans une formation ayant participé aux opérations et missions mentionnées aux articles R. 311-1 à R. 311-20 du même code ou ayant séjourné en Indochine entre le 12 août 1954 et le 1er octobre 1957, ou en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964. Au regard de ces dispositions juridiques, seules les personnes ayant participé, pendant au moins 90 jours, aux essais nucléaires en Algérie à Reggane, de 1960 à 1961, ou à In Ecker, de 1961 au 1er juillet 1964, peuvent prétendre à l’obtention du TRN. Les militaires présents en Algérie, à compter du 2 juillet 1964 et jusqu’en 1967, n’ont pas pris part à un conflit mais ont été déployés dans le cadre de l’application des accords d’Evian, qui prévoyaient la conservation par la France d’un certain nombre d’installations militaires pendant une durée limitée. Les personnels concernés, parmi lesquels ceux ayant servi sur les sites des essais nucléaires après le 1er juillet 1964, n’ont pas vocation au TRN qui repose sur la notion d’opérations ou de conflits. De la même façon, les personnes ayant pris part aux campagnes d’expérimentations nucléaires au Centre d’expérimentation du Pacifique, en Polynésie française, n’ont à aucun moment participé, sur ce territoire, à une opération ou à un conflit les exposant à un risque d’ordre militaire. Le TRN ne peut en conséquence leur être délivré. Ceci ne remet nullement en cause les mérites des vétérans ayant participé aux essais nucléaires mais résulte de la stricte application des textes auxquels il ne peut être dérogé. Toutefois, les personnels civils et militaires ayant participé aux essais nucléaires sont susceptibles d’être récompensés par l’attribution de décorations, notamment la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre en Afrique du Nord pour ceux qui ont œuvré en Algérie, mais également la médaille de la défense nationale, créée par décret n° 82-358 du 21 avril 1982, décernée avec l’agrafe « Mururoa Hao » pour ceux ayant servi à compter de 1981 sur ce site. Enfin, le décret n° 2021-87 du 29 janvier 2021 modifiant le décret n° 2014-389 du 29 mars 2014 relatif à la médaille de la défense nationale prévoit que peuvent être décorés de la médaille de la défense nationale avec l’agrafe « Essais nucléaires », à titre exceptionnel, les personnels militaires ou civils qui justifient, par tout moyen, avoir participé aux missions liées au développement de la force dissuasive nucléaire, dans les zones et durant les périodes définies à l’article 2 de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. S’agissant des conséquences de l’exposition à l’amiante, différents dispositifs ont été créés afin de la prendre en compte. A cet égard, il convient de préciser au préalable, que l’anxiété due au risque élevé de développer une pathologie grave, et par là-même d’une espérance de vie diminuée du fait d’une exposition professionnelle avérée aux poussières d’amiante, est un préjudice qui doit être réparé par celui qui, le cas échéant, a commis une faute qui en est la cause. Ainsi, pour les agents civils bénéficiaires de l’allocation spécifique de cessation anticipée d’activité (ASCAA – décret n° 2001-1269 du 21 décembre 2001 modifié et décret n° 2006-418 du 7 avril 2006), le ministère des armées a mis en place un guichet permettant une indemnisation amiable de ce préjudice d’anxiété. Pour ces agents, en effet, ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat (3 mars 2017, n° 401395, M. Pons), le versement de l’ASCAA implique nécessairement l’existence d’un tel préjudice. Une telle jurisprudence n’est cependant pas transposable pour les militaires. L’allocation dont peuvent bénéficier les militaires en vertu du décret n° 2018-546 du 28 juin 2018, si elle porte le même nom que le dispositif mis en place pour le personnel civil ayant travaillé dans le domaine de la construction navale, ne concerne que les militaires reconnus atteints, au titre de leur activité en qualité de militaire, d’une maladie professionnelle provoquée par l’amiante. A ce jour, aucun militaire n’en bénéficie. Rien, cependant, n’empêche les militaires ayant été exposés à l’amiante de demander l’indemnisation de leur préjudice d’anxiété. Il appartient, dans ce cas, à ces derniers d’établir la réalité de ce préjudice. A cette fin, certains d’entre eux produisent une attestation d’exposition. Cette attestation d’exposition à l’amiante a été délivrée de manière automatique à compter de 1997 à tous les personnels qui en faisaient la demande, sans aucune vérification préalable de la réalité de l’exposition alléguée. Cette politique de délivrance a donc très largement excédé les obligations légales et réglementaires fixées à l’article D. 461-25 du code de la sécurité sociale et par le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 relatif au suivi post-professionnel des militaires. Elle s’explique par le choix qui a été fait, en opportunité, de permettre à tous les agents ayant été embarqués à bord de navires intégrant des matériaux amiantés de bénéficier d’un suivi médical post-professionnel gratuit, y compris à ceux n’ayant jamais accompli de tâches susceptibles de les exposer significativement à l’inhalation de poussières d’amiante. Les demandes amiables d’indemnisation présentées par des marins et anciens marins justifiant d’une exposition professionnelle significative peuvent aboutir, à condition d’être suffisamment étayées. En revanche, le ministère des armées considère que les expositions de type environnemental n’ont jamais atteint des seuils suffisants pour justifier l’existence d’un préjudice d’anxiété. Ces demandes sont donc systématiquement rejetées, quand bien même une attestation d’exposition est produite à leur soutien.

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