Nous suspections, de longue date, l’incompétence structurelle des CFM-CSFM à jouer un rôle « concertatif » valable. La « révolte » du printemps dernier n’était sans doute qu’unheureux concours de circonstances, rassemblant fortuitement uneproportion de râleurs plus importante qu’à l’accoutumée. Leur auto saisine de la révision d’un statut
général dont l’obsolescence semblait admise aux plus hauts niveaux, restera le détonateur de la « réforme ». Ou
plutôt de la « tentative de réforme », car il est malheureusement clair qu’entre temps, des processus immunitaires
dirigés contre l’évolution libérale des choses ont joué. Ces mécanismes protecteurs montrent à l’évidence que, si la société progresse, les esprit supérieurs restent englués dans les usages qui ont permis leur carrière. Mais démontrent surtout que ces réseaux ont les moyens de bloquer tout processus d’adaptation… au moins jusqu’à la catastrophe.
S’il convenait de rendre justice aux membres des Conseils à l’époque et de relever cette possibilité de faire avancer les choses autrement que par des hochements convenus du bonnet, il convient à présent de fustiger la docilité (pour ne pas dire la complaisance) avec laquelle le CSFM accepte que toute cette gesticulation ne produise qu’un avorton sans avenir. Où sont donc passés les membres révolutionnaires de ces instances, et sommes nous réellement à la veille d’une confrontation mondiale pour accepter, au détriment des seuls militaires français, la persistance d’un tel déni de droits et de libertés ?
Regardons ensemble les avis rendus par nos « représentants » du Conseil Supérieur de la Fonction Militaire (CSFM), sur les propositions déjà timorées et conformes, de la Commission de Révision du Statut des Militaires (CRSM).
1. Les droits civils et politiques
1.1.- Les libertés individuelles
Le Conseil reste muet sur le droit d’expression et sur les libertés de résidence et de circulation. A l’opposé il s’exprime favorablement pour les contrôles des moyens decommunication collectifs et individuels sans soupçonner que ces moyens existent déjà et sont largement utilisés (nous en savons quelque chose). Il se prononce pour la primauté de l’exécution du service sur l’exercice du culte. Ce qui n’est raisonnablement possible qu’avec une armée monothéiste ou chacun se montre à l’office hebdomadaire. Les cadres de contact qui, tous les jours, affrontent les problèmes concrets (alimentaire, disponibilité, etc.) savent qu’il s’agit là d’une évidence. Un principe politique veut qu’on ne fasse pas de loi inapplicable et le conseil eut pu rester silencieux sur ce point sans risquer le reproche.
Avis favorable aussi pour la suppression de l’autorisation préalable de mariage, rendue plus qu’obsolète par les
nouveaux liens formels ou non. Notons que le Conseil aborde essentiellement la question de la nationalité du « conjoint », susceptible de restreindre l’accès à des postes de responsabilité. Mata Hari était néerlandaise, mais depuis, des ministres importants aux origines outre-Danube se sont succédés sans que la DPSD ne s’en émeuve.
1.2.- Les droits politiques et citoyenneté
Le grand silence du CSFM doit être interprété en sa faveur car il est impossible que le consensus se soit établi sur e maintien des interdictions antérieures. Ou bien les membres du Conseil n’ont pas lu le rapport BONNARDO, ni celui des députés COVA et GRASSET. Comment accepter l’idée d’une telle citoyenneté au rabais ? Quels en sont les arguments réels, en dehors de l’alibi fatigué de la sécurité nationale et à qui profite ce mutisme imposé ?
1.3.- La vie publique: la liberté d’entreprendre
Même discrétion étonnante devant la proposition d’interdire l’adhésion à des « associations professionnelles ».
En 1972, et pour en interdire l’accès aux militaires, on avait inventé le terme de « groupements professionnels ». Depuis,
l’ADEFDROMIL a démontré que cette appellation ne recouvrait rien de concret, et obligé les crânes d’oeuf du ministère à innover dans les appellations incontrôlées.
Malheureusement, un certain nombre d’associations « professionnelles » ont senti passer le vent du boulet qui nous vise et s’en inquiètent par l’intermédiaire du CSFM (qui devient ainsi une annexe du Conseil Supérieur des Retraités Militaires). Que ces « associations professionnelles » là se rassurent ! La distinction entre les bonnes et les mauvaises sera toujours du ressort du chef de cabinet du ministre, comme dans n’importe quelle démocratie exotique.
Observons aussi qu’en réclamant pour les militaires la possibilité d’adhérer aux associations d’anciens combattants, sous réserve de ne pouvoir y exercer aucune responsabilité, le CSFM fait preuve d’une ignorance spectaculaire des dispositions légales relatives aux associations « loi de 1901 ». Aux termes de cette loi, chaque adhérent reste (hélas) éligible (mon Dieu !) à tout poste de responsabilité, y compris celui de président (vade retro
satanas). Mais peut-être s’agit-il de fabriquer une « loi de 1901 » propre aux exigences de la condition militaire, ou d’y transposer la magie qui fait que, bien des « assos » du ministère se voient imposer leur président par l’autorité hiérarchique locale.
2.- Les protections et garanties
2.1.- Réparation des infirmités en relation avec le service
Soyons honnête, cette réparation est excellemment prévue par le code des pensions militaires (CPMI)
d’invalidité. La cour des comptes s’est longuement exprimée sur les avantages exorbitants de ce régime par rapport aux autres. Le seul problème est que, depuis 1992, tout a été tenté (et souvent réussi !) pour dénier le droit
à réparation des victimes ou de leurs ayants droit (lire l’article sur les « pensions militaires
d’invalidité » en [cliquant ici]).
La proposition de la Commission consiste à demander l’application moins réductrice du CPMI, sans réelle modification. En énumérant les dispositions qu’il veut voir figurer dans le projet de loi, le CSFM révèle une ignorance absolue de ce
même CPMI puisque ces dispositions y sont déjà explicitement incluses.
Cependant, ne boudons pas notre plaisir de lire que le CSFM s’inquiète des dispositions en matière de maladies
professionnelles, principe d’imputabilité par présomption d’origine dont les militaires sont actuellement exclus. Il y avait forcément un médecin dans la salle.
Et souhaitons, en effet, que la jurisprudence en matière d’imputabilité à l’employeur des accidents de la vie
courante en mission à l’étranger, s’applique aux militaires. Cela n’est actuellement pas le cas.
2.2.- Protection juridique
Le CSFM souhaite que la protection juridique des militaires leur soit accordée systématiquement en vertu du principe de « présomption d’innocence ». L’évocation de ce principe révèle que les membres du Conseil débarquaient de la planète Mars pour cette 68ème session. Avec la sanction statutaire infligée au gendarme RENAUD [1], il est évident, une fois de plus, que le militaire bénéficie plutôt d’une certitude de culpabilité, y compris quand les juges civils ont conclu à son innocence. Par ailleurs on voit mal comment l’institution mettrait ses moyens en oeuvre pour défendre un militaire qu’elle accuserait elle-même de vilenie ou qu’elle aurait déjà défini comme coupable. Pour certaines élites le droit est une contrainte plus qu’une protection. Pour juger un militaire, il n’est de bon tribunal que militaire, et si possible, d’exception. Quant à l’assurance « protection juridique » que certaines assurances (odieusement favorisées) proposent aux militaires, elles s’avèrent souvent inopérantes contre les abus hiérarchiques, notamment quand d’anciens officiers constituent leur ossature directoriale. Mais là, il faut être particulièrement naïf pour escompter autre chose de ces pseudopodes du ministère de la défense. La Bundeswehrverband, association défendant les intérêts des militaires allemands, disposent d’une centaine de permanents et d’une dizaine d’avocats hyper spécialisés et à temps complet. Elle est totalement indépendante du pouvoir hiérarchique militaire et le ministre allemand de la défense en est lui-même adhérent. Voilà une protection juridique pragmatique nettement supérieure à toutes les déclarations institutionnelles d’intention sur une « présomption d’innocence » que personne, au sein des armées françaises, ne songe réellement à promouvoir et protéger.
La proposition de soutien psychologique systématique aux militaires et familles victimes de préjudice constitue une autre curiosité. D’une part on voit mal comment le Service de Santé des Armées parviendrait à faire face à cette responsabilité supplémentaire quand il est en faillite sur la presque totalité des autres, d’autre part on discerne difficilement le niveau d’agression à partir duquel interviendrait une équipe surbookée, et les délais d’une telle intervention. Il faut aussi se garder du « tout psy » malgré l’effet de mode évident et se demander comment des milliers de victimes de préjudices divers ont pu survivre sans. La récente levée de bouclier des « psy » contre une plus grande transparence de leur profession en dit long sur l’éclectisme des formations, des diplômes, des exercices et surtout des compétences.
Dans ce même chapitre de la protection juridique, le CSFM reste silencieux sur la proposition de « création d’un conseil d’enquête, pour les accidents graves, afin d’éclairer le juge pénal sur les faits et les circonstances ». Voilà
pourtant une idée plus judicieuse que judiciairement utile, mais qui nous ferait gagner beaucoup de temps. Par ailleurs, pourquoi limiter ce genre de conseil d’enquête à l’armée ? Une foultitude d’autorités seraient bien heureuses de pouvoir « éclairer » un juge d’instruction, forcément débordé et sans connaissance précise du milieu où s’est déroulé l’accident dont ils sont, en partie, responsables.
Gageons que les OPJ sont déjà à même d’apporter une façon de voir, et que nos juges sont encore
capables de se faire une intime conviction sans qu’on ait besoin de la eur souffler. Il serait intéressant de connaître
l’éclairage institutionnel de ce conseil d’enquête sur les affaires des arsenaux, sur les prévarications relevées par
le Docteur LEWDEN à l’HIA de Marseille, sur l’affaire RENAUD, l’affaire LEBIGRE, l’affaire NOEL, l’affaire VIDOT, etc.
2.3.-Emploi de la force en opérations extérieures
Avis favorable du CSFM sur la proposition d’irresponsabilité pénale d’un militaire exerçant des mesures de coercition dans le cadre d’une OPEX. Cette irresponsabilité est sans doute transmissible jusqu’au sommet de la hiérarchie, voire de l’Etat. Mais immunité qui n’existe pas en OPINT remarque le CSFM avec beaucoup de lucidité. Qu’attend-t-on en effet pour déresponsabiliser les militaires de tout acte vulnérant réalisé dans le cadre du service ?
Le problème sera de légiférer utilement à l’échelle nationale sur des actes commis à l’extérieur de nos frontières, sans que le pays sur le territoire duquel les faits se sont déroulés, ou l’organisation internationale support, n’y mettent leur grain de sel.
Au titre d’une bien timide « proposition ajoutée par le Conseil », celui ci demande « d’inscrire un droit à la prévention des accidents adaptée à la spécificité du métier de militaire ». Malheureusement pour cette instance concertative, décidément bien ignorante, ce droit existe déjà. Il provient du Code du Travail dont les armées
estimèrent en 1981 (pourquoi en 1981 ?) qu’il était nécessaire de s’en appliquer la partie qui concerne l’hygiène, la sécurité et la prévention des accidents du travail. D’où les commissions HSCT (hygiène, sécurité et conditions de travail) qui existent au sein des unités. Le militaire, bénéficie désormais du « droit de retrait » dès qu’il estime qu’un ordre le place dans une situation dangereuse sans rapport avec le bénéfice collectif attendu. Quelles qu’en soient les dérives (humoristiques), il n’est pas interdit de penser qu’en période de paix, un retrait de temps à autre épargnerait quelques vies humaines en forçant les autorités à peser leurs décisions et respecter la législation en matière de
protection des « travailleurs ». Prenons l’exemple de l’amiante. Depuis 1998, aucune entreprise ne peut fonctionner sans qu’un bilan de présence de ce poison mortel n’ait été effectué. Comment peut-on découvrir encore des fibres d’amiante, à l’état pulvérulent (soit le plus dangereux) dans le bureau délabré d’un médecin militaire, 18 mois après sa prise de fonctions ? Quand on apprend, en outre, que cette recherche n’a été effectuée que dans le but de permettre à des ouvriers civils de travailler en toute quiétude, on ne peut s’empêcher de penser que la sécurité du travail du
militaire (et heureusement, quels que soient son grade et sa fonction) n’arrive pas en tête des préoccupations de ses chefs.
2.4.- Régime disciplinaire
Sur la proposition d’inscrire les principes fondamentaux des droits de la défense dans le statut, nos représentants ont émis un avis favorable. Ces droits étaient déjà consentis par décret (le Règlement de Discipline Générale, considérablement amélioré en 2001) et il ne s’agit là que d’une variation de pure forme.
Le Conseil émet deux avis défavorables sur des tentatives de niveau médiocre, l’un sur « la création de sanctions
pécuniaires », l’autre sur la création de récompenses de même nature. L’ADEFDROMIL avait déjà alerté sur ces propositions scandaleuses en provenance d’un forum du site Internet des Saint-Cyriens. Quoiqu’il en soit, l’avancement au mérite constitue déjà une récompense pécuniaire par les effets qu’il procure sur la rémunération. Inversement, le blocage du même avancement peut s’avérer horriblement coûteux si l’on considère qu’à la perte de solde en activité s’ajoute celle de la pension retraite. Essayer de comparer la retraite d’un colonel avec celle d’un général et vous comprendrez pourquoi le premier fait tout pour accéder au grade du second.
Le silence porté sur les quatre autres propositions de ce thème est beaucoup plus révélateur. Rien sur la commission des recours, cette machine à gagner le temps qu’elle vous fait perdre. Rien sur le regroupement des sanctions disciplinaires « sans distinction de grade ». Absolument rien sur le cumul des sanctions dont nous partageons l’exclusivité avec les taulards, ni sur les sanctions et récompenses professionnelles. Et enfin mutisme sur le régime de la « suspension » que la commission désire »aligner » sur le droit commun de la fonction publique. Vivement que ce principe de l’alignement concerne enfin l’exercice des droits et libertés, et non les sanctions…
3.- La concertation
3.1.- Objet et principes fondamentaux de la concertation
Un bon dictionnaire aurait suffit à rappeler que la concertation est : »le fait de se concerter, en particulier dans le domaine politique et social ». Et que, se concerter, c’est: « s’entendre pour agir ensemble ». Malheureusement, toute cette partie du communiqué n’a d’autre finalité que la redéfinition d’une « concertation à la sauce militaire », c’est à dire un monde où la parole du chef n’est pas contestable par principe et où le consensus s’applique par ordre. Ainsi l’objet de la concertation militaire sera « d’éclairer le commandement et de permettre à la communauté militaire de s’exprimer ». Ce à quoi le CSFM souhaite que: « la concertation reste un outil de concertation (sic) et de proposition … ». Il ne prend pas beaucoup de risques sur ce coup là.
En ce qui concerne l’organisation de cette concertation, la Commission de Révision du Statut est restée très conservatrice et reçoit sur ce point un avis favorable. On ne change pas une équipe qui gagne du temps. Peu importe que les CFM-CSFM n’aient jamais vu arriver aucune des manifestations de mauvaise humeur, et n’aient pu, de ce fait « éclairer le commandement ». Peu importe que les CFM et CSFM successifs ne voient jamais les mêmes membres siéger d’une réunion sur l’autre et qu’il soit parfois difficile de faire le plein des sièges malgré les artifices mis en place pour suppléer coûte que coûte au désintérêt. Peu importe que le bilan de ces instances ressemble à une litanie désespérante de problèmes restés sans solution, et dont les rares succès rapides sont au minimum suspects. Quel plus bel exemple d’efficacité douteuse que cette quatrième étoile réclamée par le CFMSSA pour son président directeur
général, et obtenue en deux sessions, ou la diminution drastique des soldes à l’étranger, dont se prévaudra le chef d’état major des armées comme exemple à suivre par les autres ministères (que les fonctionnaires se rassurent, il n’y aura pas d’alignement).
Mais le Conseil réclame un CFM pour les militaires à l’étranger, pour les militaires outre mer, et pour les malheureux affectés dans un poste à vocation interarmées. Sachant qu’il est rare que ce genre de poste se prolonge au delà de trois années, la durée du mandat devrait être adaptée elle aussi. Sachant qu’il est rare qu’en arrivant outre
mer, un militaire connaisse exactement ce qui l’attend, on se demande bien quelles propositions il pourrait avancer dans les premiers temps. Sachant qu’il est assez rare de faire plusieurs affectations outre mer, on voit mal comment il pourrait utiliser cette expérience fugace au sein d’un CFM exotique.
C’est au chapitre de la désignation des membres que la Commission pouvait inscrire les instances de concertation dans le long terme. Il suffisait de légitimer la représentativité des conseillers par une élection et de compléter ainsi le travail du ministre précédent. Mais les deux mots sont horripilants: légitimité et élection. Exit l’élection, restera le tirage au sort, même s’il faut bidouiller un peu pour que toutes les catégories ou fonctions soient représentées (ce qui nous ferait des centaines de Conseillers et suppléants. Le choix des présidents de catégories comme bassin de recrutement du sort n’est pas innocent. D’une part ils sont déjà préemptés par le commandement,
même si élus par leurs pairs. D’autre part il suffira d’une mutation pour leur faire perdre la qualité de président de
catégorie, et celle de Conseiller si d’aventure ils glissaient du concertatif vers le revendicatif. Du grand art dans le domaine de la maîtrise des foules, mais des ficelles aussi grosses qu’éculées pour un résultat minable. A cet oukase sur le mode de désignation, dont on connaît et apprécie chaque jour les faiblesses, le CSFM répond favorablement en demandant que chaque armée ou service choisisse sa propre procédure. Voilà qui est original. Verra-t-on demain se côtoyer des membres élus par les représentés et d’autres désignés par leurs chefs, les uns crédibles les autres disqualifiés ?
La présidence effective des CFM sera confiée aux chefs d’état-major ou directeur de service. Plus rien ne devrait en filtrer et la concertation rejoindra inexorablement le rapport sur le moral, et autres fariboles destinées à sonder l’âme du militaire, dans les poubelles de l’Histoire de l’armée française ?
Non, car un Observatoire de la Condition Militaire (OCM) observera (sic) l’évolution de la situation du personnel au regard de celle des civils. Pour mémoire rappelons que c’est à la suite d’une observation défavorable de ce type que le président de la république avait prescrit d’évoluer pour rattraper le retard et que la commission créée dans ce but proposer surtout de ne pas bouger. Comprenne qui pourra.
Le médiateur autrefois proposé par les députés GRASSET et COVA, projet que ce dernier avait reconnu avoir été torpillé par les inspecteur généraux, n’est plus d’actualité. Et accessoirement, monsieur COVA, désormais dans la majorité, ne semble plus avoir beaucoup d’ardeurs réformatrices.
4.- Les règles statutaires de gestion
4.1.- Structure du statut général
Nous n’aurons pas plus d’avis sur la question que le CSFM lui-même.
4.2.- Recrutement
Ces propositions nous laissent sur notre faim. Remarquons que l’essentiel semble être un rajeunissement étonnant des recrutements (17 ans pour l’engagement et 16 ans pour le volontariat). Dans une société où l’on reproche surtout aux jeunes adultes de ne pas mûrir assez vite, les armées font preuve d’un bel optimisme. Ou d’une rare inconscience. Les militaires de carrière qui supportent déjà la prise en charge de jeunes et jeunettes de 18 ans, totalement immatures, n’ont pas fini d’en voir de toutes les couleurs. Sans compter que les parents devront signer le contrat d’engagement pour fifille et fifils et que ce contrat ne vaudra plus tripette à la majorité d’icelle et d’icelui.
Mais il était sans doute plus facile de proposer recruter dans les écoles une foultitude d’adolescents boutonneux pour qui les maigres soldes apparaissent comme l’eldorado, que de convaincre les adultes de venir ou de rester. N’importe quel économiste démontrerait qu’il serait moins coûteux d’augmenter les émoluments et d’attirer ainsi du solide. Laissons donc ces jeunes dans les filières de formation de l’éducation nationale, ils nous seront, pour la plupart, aussi
inutiles (sinon néfastes), que nous le serons pour eux.
Au chapitre des militaires « commissionnés », le Service de Santé des Armées pointe son nez et le CSFM fait semblant de ne pas le voir. En effet, ce type de recrutement s’adressera à des spécialités de haute technicité. Pourtant il ne sera pas plus financièrement attractif qu’auparavant. Comment donc se doter de ces perles rares sans rémunérer leurs compétences à hauteur du marché national ? En recrutant des « étrangers » bien sûr ! Et qui pullulent dans leur pays d’origine pour la simple raison que leurs études sont parfois moins élitistes que les nôtres. Mais soyons sérieux, il ne s’agit pas de faire de toute l’armée française une annexe de la Légion Etrangère. Et l’on voit mal la DPSD accepter l’intrusion d’étranger dans des organismes militaires de haute technologie. Restent les médecins, CQFD.
Et ce n’est certainement pas un hasard si le député UMP du Finistère, rapporteur du budget du SSA devant la commission parlementaire de la défense nationale, se fendait hier encore d’un article dans le Télégramme de BREST, faisant état du nécessaire recrutement de médecins espagnols et de leurs confrères belges (en attendant les hongrois et les bulgares) pour sauver ce qui reste du SSA.
4.3.- Lien au service
La pénurie et l’in attractivité des conditions particulières du métier de militaire commandaient de revoir ce domaine en essayant d’innover. On propose simplement de garder ceux qui s’y aventurent encore en leur permettant d’accéder à la position « carrière », soit de droit, soit de fait. De fait, car ces contrats de très longue durée permettant
d’accéder à la jouissance d’une pension à versement immédiat ressemble fort à des mini carrières assurées dès la sortie du contrat initial de trois ans.
Il semble évident qu’un militaire ayant donné satisfaction pendant 15 ans aura toutes les chances d’être prolongé et ce
ne sont pas les possibilités de prorogation qui manqueront dans 15 ans, mais plutôt les volontaires.
Enfin, la Commission propose de supprimer le recours (totalement hors la loi) aux successions répétitives de contrats de très courte durée.
Dont acte, mais silence du CSFM.
4.4.- Avancement
Peu de choses, ce qui est attristant si l’on veut bien considérer que l’avancement reste la seule manière de reconnaître les qualités du personnel et de le récompenser à hauteur de son investissement, ne serait-ce que pour le conserver plus longtemps. En fait il aurait fallu distinguer l’avancement « socio-alimentaire » qui permet d’améliorer la condition pécuniaire et sociale de la famille, et qui devrait conserver un caractère semi-automatique, d’un avancement dans le niveau de « responsabilité » qui autorise l’accès aux postes de direction ou commandement aux volontaires
capables.Mais on comprend bien que ceux qui visent les seconds dès le berceau ne perçoivent pas l’intérêt du premier…
4.5- Rémunération
Là survient cette petite vacherie pas très claire du découplage indiciaire entre fonction publique et fonction militaire, et sur laquelle notre expert s’est déjà remarquablement exprimé (lire l’article de Jean Kerdréan :
« La Réforme du Statut Général des Militaires : Mythe ou Réalité » en [cliquantici]).
La plus importante question est de dire, si oui ou non, le découplage indiciaire aboutira à l’abrogation du décret de 1948 qui est toujours le fondement de l’instruction sur la solde. Le décret de 1948 avait l’avantage d’instituer l’unicité de la grille de traitement pour toute la F.P. Il est plus qu’urgent que les états-majors, gestionnaires desressources humaines, établissent l’actualisation de ce décret de base, non abrogé et qui, au 19 décembre 2003 en était – tenez-vous bien – à son 509ème modificatif ! Sans ce travail préalable, indispensable, d’actualisation par transparence, c’est se lancer dans l’Aventure, et quelle aventure, quand on voit la course aux primes et au secret. Les rapports de la cour des comptes n’ont sûrement pas été lus ou mis à profit. Pour ceux qui connaissent un peu l’histoire de la revalorisation de la condition militaire, l’enjeu du découplage, a priori, est un leurre; on oublie volontairement toutes les difficultés
antérieures pour maintenir les personnels des armées à une place supposée honorable dans la grille d’ensemble de
la fonction publique. L’Adefdromil ne peut que mettre en garde les militaires à ce sujet. Mieux vaut tenir que courir et surtout l’essentiel est d’abord de voir clair.
4.6.- Positions statutaires
Diverses mesures d’apparence anodine… mais il convient d’être méfiant.
Un congé d’éducation, accordé sous réserve des nécessités du service (ce qui le rend déjà pratiquement impossible), et donnant lieu à retenue sur solde. Pourquoi pas dit le CSFM ? Une réduction du nombre des congés pour raison de
santé, sous prétexte de simplification, mais qui fait disparaître le congé de longue durée pour maladie (CLD à ne pas confondre avec le congé de longue maladie: CLM). Le problème est que les fonctionnaires ne s’en laisseront pas déposséder, et qu’on aura dit plus haut que les militaires bénéficient des mêmes avantages que les
fonctionnaires. Cochon qui s’en dédit ! Quant au CSFM, il aurait mieux valu qu’il se taise et nous laisse présumer de sa totale ignorance du sujet plutôt qu’il nous la confirme en l’abordant. Que viennent faire les maladies professionnelles, qui sont une présomption d’imputabilité au service de certaines maladies survenant après des expositions particulières à des nuisances (par exemple les cancers du poumon après exposition à l’amiante…) avec le régime des congés de maladie ? Et d’ailleurs, ne serait-il pas plus cohérent d’admettre le militaire aux principes généraux des maladies professionnelles, avant d’en réclamer les congés de
maladie éventuellement correspondants.
4.7.- Limites d’âge et durées maximales des services par
contrat
Ici encore, la Commission a péché par modestie là où de grandes choses étaient à faire. N’est ce pas De Gaulle qui écrivait dans son projet d’armée professionnelle: « on ne meurt bien que jeune » ? Il fallait distinguer les limites d’âges compatibles avec des emplois particulièrement « physiques », de celles de fonctions plus techniques, ces dernières étant pratiquement illimitées. En refusant obstinément de voir la limite de leur « activité » réduite à 68 ans, les officiers généraux de la deuxième section nous montrent un bel exemple de disponibilité et d’abnégation en dépit de
l’âge. Pourquoi le cas médiatisé du professeur MONTAGNIER, trop vieux pour la recherche publique française, mais encore assez jeune pour les entreprises privées des Etats Unis, n’a-t-il pas débridé définitivement les consciences ?
Il fallait oser le principe d’une deuxième carrière plus »soft », éclairée par l’expérience de la première, plus « hard ».
Si préserver les effectifs ne justifie pas d’y réfléchir au delà du convenu, se débarrasser des « indésirables » reste manifestement une priorité. La Commission proposait donc de limiter les durées de grade d’officier et de placer en retraite ceux qui les dépassaient. Ainsi, les individus « hors normes » disparaîtraient discrètement au bout de quelques années passées à attendre désespérément le grade supérieur.
Rendons cette justice au CSFM d’avoir clairement repoussé cette idée saugrenue. Remarquons qu’elle sera de toute façon inutile, l’officier découvrant qu’il n’a plus de perspective de carrière dans l’armée sait pertinemment qu’elles existent dans le monde extérieur. L’indésirable aux armées est parfois attendu comme le messie dans le civil et seuls les masochistes persisteront à supporter le mépris absurde de leurs autorités hiérarchiques.
4.8.- Reconversion et aides au départ
Nos gestionnaires font de ce chapitre un facteur essentiel de renouvellement des effectifs et de progression « harmonieuse » de carrière. Tout se passe dans leur esprit comme si les départs par le haut favorisaient les entrées par le bas. L’incohérence des mesures concomitantes de « fidélisation » n’interpelle pas. Et nous l’avons dit tant de fois…
Les article 5, 6, et 7 de la loi 75-100 étaient bien une incitation au départ, mais surtout pour laisser le champ libre aux « nominés ». « Vous n’êtes pas assez bon pour accéder au grade supérieur, mais si vous êtes sages, vous partirez avec la retraite qui va avec ». Il pourrait sembler évident qu’en présence d’une amélioration substantielle des fins de carrières, doublée de procédures propres à se débarrasser des indésirables, on n’ait plus vraiment besoin
d’incitation au départ… Panique des gestionnaires !
Il en va de même de feu l’avancement conditionnel dont le Conseil d’Etat avait fustigé l’illégalité, prétendant
que l’avancement était le résultat du seul mérite (ça se saurait). Dans un souci peu compréhensible de mélanger le durable et l’éphémère, la Commission proposait d’inscrire cette illégalité dans la loi, mais à titre transitoire. Rappelons que cette mesure pouvait se coupler à la précédente, permettant un spectaculaire « double jump » peu cohérent, à l’heure actuelle, avec les principes de prolongation de la durée du travail et de réduction relative des pensions de retraite.
4.9.- Cessation de l’état de militaire
Jusqu’à ce jour, un militaire ayant acquis le droit à pension à jouissance immédiate pouvait partir en « claquant la porte » du jour au lendemain. Il faut reconnaître que c’est devenu un peu vache pour le gestionnaire qui ne gère plus que des trous dans ses effectifs. Il faut admettre aussi que ce mouvement d’humeur est parfois imputable à ce même gestionnaire, resté sourd aux plaintes du partant (concernant les affectations par exemple).
La Commission proposait de fixer un préavis de trois mois, genre locataire et le CSFM se satisfera d’un préavis d’un mois. Cela fera vraisemblablement un mois de congé de maladie supplémentaire. Quelqu’un qui veut partir tout de suite, part tout de suite.
Et à l’inverse, favoriser la résiliation du contrat par son titulaire diminuera le nombre de CLD pour dépression, curieusement en augmentation ces derniers temps. Les propositions en ce sens de la Commission sont malheureusement assorties de conditions réductrices dont la nécessité d’un agrément. Avoir le droit de demander, c’est toujours ça de pris penseront les optimistes.
Quant à la possibilité de résilier les contrats de longue durée sur une flopée de motifs, elle démasque simplement le fait que cette longue durée doit rester prioritairement profitable à l’institution. Sinon, la résiliation remplacera avantageusement la non reconduction d’antan. La précarité reste identique, mais le CSFM veille au grain et réclame un préavis de quelques mois pour rejeter les militaires à la rue au bon vouloir du chef.
4.10.- Gestion des officiers généraux
Il serait intéressant d’en connaître le nombre exact. Certains parlent de 900 entre les généraux en activité et ceux qui attendent la prochaine guerre pour reprendre
du service. Le CSFM fait justement remarquer qu’il n’a pas reçu d’information sur la question et qu’il ne peut émettre d’avis. On l’a connu plus offensif sur des sujets qu’il ne maîtrisait pas forcément.
Pourtant les propositions étaient passionnantes :
Instaurer une gestion plus fonctionnelle et cesser les nominations conditionnelles. Il faut que chaque militaire sache que son général a été nommé après avoir rédigé une demande de mise à la retraite dont la date d’effet n’est pas définie. S’il est sage cette date peut se proroger et lui permettre d’arrondir un peu plus ses émoluments. Sinon il descend du train en marche… Consentir un sureffectif temporaire. Mais le temporaire est ici un peu spécieux puisqu’un général le reste pratiquement jusqu’à la maison de retraite (et peut être dans l’au-delà).
Assortir le congé spécial de rémunérations plus attractives. Sachant qu’il s’agit déjà, pour un colonel, de partir en conservant sa solde entière pendant 3 à 5 ans, tout en pouvant exercer un métier rémunérateur, on se demande de quoi sera fait une rémunération plus attractive. Promouvoir l’accès des généraux à des emplois civils. C’est vrai qu’une solde d’officier général a besoin d’être complétée par quelque chose de solide. Ouvrir l’accès au hors échelle-lettre B… Pour ceux à qui ce jargon ne dit pas grand chose, rassurez vous, il s’agit encore de prébendes inaccessibles au commun des mortels. En gros, quand on a atteint le sommet, il reste encore une possibilité de voir augmenter ses revenus et sa retraite. On comprend que ce ne soit pas possible pour le plus grand nombre.
Ainsi, à aucun moment la Commission n’avait proposé de revoir à la hausse les rémunérations du personnel.
Elle se rattrape sur les colonels et les généraux selon l’adage qu’on est toujours récompensé en la personne de ses
chefs.
—-
Voilà, la farce est pratiquement jouée. La CRSM (Commission de Renforcement du Statut des Militaires) neproposait pas grand chose et le CSFM (Conseil Satisfait de la Farce Ministérielle) a trouvé cela très bien. Le projet de loi qui sera présenté aux députés à l’été prochain n’a aucune raison d’être révolutionnaire puisque les militaires et leurs représentants se satisfont amplement de la situation actuelle et de l’absence de mesure concrète pour en changer. On regrettera sans doute, dans les années qui viennent, ce rendez-vous manqué, mais il y a tant d’autres réformes plus importantes à mener. Et c’est bien cela, l’avenir est ailleurs… sans doute au niveau européen.
Renaud Marie de BRASSAC
[1] Malgré une décision de justice en sa faveur, le gendarme Renaud vient de faire l’objet de la part de la
Ministre de la Défense, d’un retrait d’emploi à titre de sanction statutaire pour une durée de trois ans « . Cette affaire
est de nouveau entre les mains de son avocat.