Tout a déjà été dit et nous arrivons trop tard

Le marin partage avec le montagnard le triste privilège du risque
de mourir de froid. L’un en chutant malencontreusement dans
l’élément qui le porte l’autre en se perdant longtemps dans
l’immensité neigeuse et glacée. Les conséquences de
la surexposition au froid sont presque constamment dramatiques, surtout
quand les victimes sont mal équipées au regard de ce qui se
fait à l’heure actuelle.

Si l’hypothermie est rapide et inéluctable au contact direct de
l’eau, sa survenue sur la terre ferme nécessite un plus grand
concours de (malheureuses) circonstances et une durée telle que
les réanimateurs des zones montagneuses considèrent qu’elle
n’est jamais isolée mais témoigne d’un traumatisme
associé.

On estime en effet qu’un naufragé dont le corps est immergé
dans une eau légèrement supérieure à 0°
meurt en une dizaine de minutes. Ce temps moyen de survie
s’élève progressivement de manière asymptotique pour
atteindre plusieurs heures au delà de 20°, et en fonction
d’autres paramètres que peuvent être l’épuisement
physique, la tenue vestimentaire, l’état de la mer et les
compétences en natation.

En montagne, si l’on excepte la possibilité d’un équipement
sous adapté, une personne jeune et en bonne condition physique
peut tenir des dizaines d’heures par températures glaciales. Les
éléments défavorables sont représentés
par l’immobilité (arrêt de la production physiologique de
chaleur), la malnutrition, l’épuisement, l’exposition au vent, et
le port de vêtements humides, soit trempés par la neige,
soit à cause de la sueur accumulée au niveau des
vêtements et des sous vêtements.

Face au froid, le corps se défend en réalisant une
vasoconstriction en périphérie (les membres), pour
protéger les organes indispensables à la survie (reins,
cerveau, coeur). C’est la théorie dite du « noyau central », mais
qui implique un ralentissement des mouvements, et donc de la production
endotherme. L’hypothermie est réalisée dès que la
température centrale s’abaisse sous 35°. On considère
qu’elle est grave au dessous de 32°.

A la différence du naufragé, un montagnard est rarement
seul et les équipiers professionnels savent reconnaître les
premiers signes de l’hypothermie chez l’un d’entre eux, tout comme ils
maîtrisent généralement les moyens à mettre en
oeuvre pour interrompre, ou fortement diminuer, la déperdition
calorique.

Isoler l’accidenté du vent est sans doute la conduite la plus
simple à effectuer En l’absence d’un refuge, plus délicat
sera de trouver une source de chaleur et un moyen d’évacuer
l’humidité.

Le seul traitement de l’hypothermie constituée est le
réchauffement par tout moyen disponible. Lent en l’absence de
secours médicalisé et d’hypothermie sévère,
il peut être plus rapide sous surveillance médicale car il
expose à la défaillance cardio-circulatoire par
levée brutale de la vasoconstriction (et autres
phénomènes de nature métabolique).

Entre les mains d’une équipe spécialisée
dotée du matériel adéquat, la ressuscitation est
possible au delà de l’imaginable. Le record de
réchauffement d’une hypothermie accidentelle serait actuellement
de 14,4°.

La constatation du décès lors d’une hypothermie est
d’ailleurs pratiquement impossible sur le lieu de l’accident et en
l’absence de personnel médical entraîné, car la
circulation périphérique est très ralentie. C’est
pour cette raison que tout doit longtemps être tenté pour
réanimer, d’autant que le cerveau est longtemps
préservé de l’anoxie.

En matière de tolérance au froid, il existe bien des
curiosités, sans doute explicables par des susceptibilités
individuelles et certainement par l’acclimatement (un peu comme pour la
chaleur excessive). S’il est communément admis que l’alcoolisation
est plus dangereuse qu’efficace, il est difficile de croire que le
tonnelet légendairement accroché au collier du
Saint-bernard ne contenait pas de breuvage alcoolisé. La
résistance des ivrognes aux froideurs parfois excessives de leurs
nuits aussi comateuses qu’étoilées est une autre source de
méditation.

Tout n’a peut être pas été dit, il faut chercher
encore. Mais surtout être encore plus prudent.

Lire également :
Communiqué de l’ADEFDROMIL

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