le règlement de discipline générale modifié

Le décret du 20 juin 2001 apporte des modifications au décret n°75-675 du 28 juillet 1975 portant règlement de discipline générale dans les armées.

A côté de nombreuses modifications de forme, ce décret apporte des innovations importantes en ce qui concerne:

les autorités investies du pouvoir disciplinaire (article 34), les garanties accordées aux militaires en matière de punition disciplinaire (article 33), le droit de recours (article 13).

1.- Les autorités investies du pouvoir disciplinaire (article 34)

«Seules certaines autorités ont le pouvoir de statuer sur ces demandes (de punition) et d’infliger les punitions correspondantes. Ce pouvoir est lié à la fonction et non au grade. Ces autorités sont les suivantes:

autorité militaire de premier niveau exerçant les fonctions dont la liste est fixée par arrêté du Ministre des Armées, autorité militaire de deuxième niveau exerçant les fonctions dont la liste est fixée par arrêté du Ministre des Armées, Ministre chargé des Armées, ou, en ce qui concerne les militaires du rang, autorité militaire de troisième niveau exerçant les fonctions dont la liste est fixée par arrêté du Ministre des Armées».

Dans l’attente de la parution de ces arrêtés et compte tenu du contexte du décret, on peut estimer, pour simplifier, que:

l’autorité de premier niveau est le chef de corps, l’autorité de deuxième niveau, le commandant de la grande unité dont dépend le corps, l’autorité de troisième niveau, chef d’état-major de l’armée dont dépend l’unité.

2.- Les garanties accordées aux militaires en matière de punition disciplinaire
(article 33)

Ces garanties sont les suivantes:

«Le droit de s’expliquer: avant que la punition ne lui soit infligée, le militaire a le droit de s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés, oralement, devant l’autorité militaire de premier niveau dont il relève, par écrit, lorsque la punition est infligée par une autorité militaire supérieure. Au préalable, un délai de réflexion est laissé à l’intéressé pour organiser sa défense. Ce délai ne peut être inférieur à 24 H. L’explication écrite de l’intéressé ou la renonciation écrite à l’exercice du droit de s’expliquer est jointe au dossier transmis à l’autorité militaire supérieure.»

On peut s’interroger sur l’expression «orale». A notre avis, cette disposition ne devrait pas empêcher le militaire de présenter ses observations par écrit, même quand la punition est infligée par l’autorité du premier niveau.

En effet, les paroles passent mais les écrits restent, et les explications écrites peuvent être très utiles au militaire puni s’il décide de contester cette punition devant la juridiction administrative.

Le délai de réflexion de 24 H au moins est nécessité par la garantie suivante: l’accès au dossier disciplinaire.

«L’accès au dossier disciplinaire : avant d’être reçu par l’autorité militaire de premier niveau dont il relève, le militaire concerné doit obligatoirement être mis en mesure d’avoir communication des pièces et documents le concernant au vu desquels il est envisagé de le punir.»

Il faudra attendre la parution de l’instruction ministérielle concernant ce texte pour avoir une idée précise du contenu de ce dossier disciplinaire.

Par ailleurs, la question se posera de savoir si la communication de ce dossier emporte l’autorisation d’en faire une copie.

A notre avis cela devrait être le cas, par respect du principe du contradictoire et par application des dispositions relatives à la communication des documents administratifs personnels.

«L’application d’un barème : les punitions, autres que la réduction de grade ou le retrait de la distinction de la première classe, sont infligées dans la limite d’un barème fixé par arrêté. Ce barème énumère les différentes fautes indiquant pour chacune d’elles le maximum de la punition qui peut être infligé.»

Un tel barème existe déjà et il est peu probable qu’il soit modifié substantiellement.

«La motivation de la punition : la motivation en droit et en fait de la punition doit être précisée sur la décision prononçant la punition.»

Le militaire puni sera, bien entendu, destinataire de cette décision. La motivation en droit et en fait est essentielle pour permettre le contrôle par la juridiction administrative éventuellement saisie d’un recours contre ladite punition.

«Le droit de recours : l’exercice de ce droit constitue la procédure d’appel des punitions disciplinaires. Les modalités sont définies à l’article 13 du présent décret. La décision prononçant la punition mentionne la possibilité d’exercer le droit de recours défini à l’article 13. Elle est notifiée avec indication des voies et délai de recours devant la juridiction administrative.»

Cette notification est donc une formalité substantielle dont l’absence entraînerait automatiquement l’annulation de la punition par la juridiction administrative.

En ce qui concerne les délais de recours, il est rappelé qu’ils sont de deux mois à compter de la notification de la décision et que la juridiction compétente est le Conseil d’Etat pour ce qui concerne les décisions ministérielles et le Tribunal Administratif pour les autres.

Le Tribunal Administratif compétent est celui dans le ressort duquel se trouve la garnison où est affecté le militaire.

«Le contrôle hiérarchique : toute autorité supérieure peut intervenir au profit d’un militaire en vue d’une réduction de la punition qui a été prononcée. Seul le Ministre chargé des armées peut aggraver une punition déjà infligée.»

Cette disposition, constitue, à notre sens, une «hypothèse d’école».

3.- Droit de recours (article 13 )

Cet article, qui occupe une page entière, est d’une particulière complexité.

On retiendra que:

quel que soit l’autorité qui inflige la punition, la demande doit être inscrite sur un registre prévu à cet effet, tenu sans doute à l’échelon du corps (autorité de premier niveau), l’intéressé doit être entendu (dans les conditions fixées par l’article 33), par l’autorité de premier niveau, la réponse doit être donnée à l’intéressé dans un délai de 10 jours à partir de la date de cette inscription, si l’intéressé (le militaire puni) maintient son recours (hiérarchique sans doute), l’autorité militaire de premier niveau transmet directement la demande à l’autorité militaire de deuxième niveau dont elle relève et fait remettre à l’intéressé une copie de la transmission effectuée, l’autorité militaire de deuxième niveau instruit la demande, entend l’intéressé si elle le juge utile ou si ce dernier le sollicite par écrit et lui fait connaître sa réponse dans un délai de 15 jours à compter de la date de réception du dossier.

Il nous semble que l’autorité de deuxième niveau devrait avoir l’obligation d’entendre l’intéressé, ce qui ne sera sans doute pas souvent le cas, c’est pourquoi, le militaire a toujours intérêt à solliciter par écrit cette audition.

Si l’intéressé n’a pas obtenu satisfaction et maintient son recours (hiérarchique toujours), l’autorité saisie transmet la demande au chef d’état major de l’armée d’appartenance de l’intéressé et fait remettre à l’intéressé une copie de la transmission effectuée.

Le chef d’état major accuse réception à l’intéressé de la demande et lui fait connaître sa réponse dans un délai de 30 jours.

Si le militaire maintient son recours, le Ministre chargé des armées fait instruire le dossier par l’inspecteur général concerné, décide de la suite à lui donner et répond à l’intéressé dans un délai de 40 jours.

Une disposition fondamentale : «lorsqu’un recours formé au titre du présent article est introduit dans le délai du recours contentieux, il interrompt le cours de celui-ci jusqu’à ce qu’intervienne la décision de la dernière autorité saisie laquelle est notifiée à l’intéressé avec indication des voies et délai de recours devant la juridiction administrative». (deux mois à compter de la notification).

Une autre disposition fondamentale: «l’exercice du droit de recours n’est pas suspensif de l’exécution de la punition.»

Dès lors se pose la question de l’indemnisation du préjudice subi pour une punition exécutée qui se trouve annulée par la juridiction administrative.

Il ne s’agit plus maintenant d’une hypothèse d’école les juridictions administratives ayant déjà annulé certaines dispositions.

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