Affaire STARON

Affecté au 4° Régiment Etranger de Castelnaudary, le caporal STARON achève le 12 septembre 2003 son contrat d?engagement au sein de la Légion étrangère. A cette date, il est rayé des contrôles de l?armée d?active et bénéficie d?un très court congé de reconversion. Il totalise 10 ans de services au sein de la Légion.

Avant de quitter le 4°RE, le caporal STARON, de nationalité slovaque, règle ses dernières formalités pour obtenir sa carte de séjour.

Comme le veut la tradition, il rejoint « la maison mère » d?AUBAGNE afin de consacrer ses derniers jours d?activité à préparer son prochain retour à la vie civile.

Mais au 1er RE d?AUBAGNE, le caporal STARON est attendu de pied ferme ! En effet, la concubine de STARON a eu « l?odieuse idée » d?écrire à la Ministre de la Défense ; au général commandant la Légion étrangère et au Chef de corps du 4°RE pour leur faire part de quelques dysfonctionnements au sein de la Légion ! Chacun sait qu?une lettre laisse des traces indélébiles sur le papier (et sur la carrière aussi)… STARON va rapidement l?apprendre à ses dépens. « On ne crache pas dans la soupe ! » lui jettera le pseudo rapporteur du Conseil de discipline…

Première humiliation : Refus du certificat de bonne conduite.

Pour obtenir sa carte de séjour, le caporal STARON doit présenter un certificat de bonne conduite. C?est une pièce indispensable entrant dans la composition du dossier à fournir à la Préfecture. A Aubagne, on connaît toutes les astuces pour se payer des indociles. Le commandant du BGRHLE lui indique, dans une reprise qui nous est adressée par sa concubine : « ta copine t?a torturé ! » (Il faut comprendre par là : ta copine t?a porté préjudice…).

En 10 ans de services militaires, le Caporal STARON a reçu 20 jours d?arrêts et ses notations ont eu des hauts et des bas. Mais pour autant, a-t-il démérité au point de se voir refuser le certificat de bonne conduite ? Chacun appréciera cette décision en conscience, après avoir pris connaissance de ses dernières notations :

Au niveau du chef de service :

« Magasinier central du foyer depuis un an, il a la responsabilité d?un stock qui avoisine les trois cents mille Euros. Prenant son travail très à coeur et avec sérieux, c?est un caporal qui ne regarde pas à la tâche et qui se montre disponible au quotidien.. Ayant repris le sport, il doit s?attacher à se remettre en condition physique par une pratique plus assidue du sport. [ndr : Dans la rubrique qualités foncières, le caporal STARON est Remarquable en épreuves interarmées et d?armée et Insuffisant à l?épreuve décentralisée (handicapé par des séquelles physiques antérieures).]
Excellent clairon qualifié, il fournit des prestations de qualité au niveau régimentaire. En progrès perfectibles dans les domaines de la rigueur et du comportement [ndr : Classé « supérieur en esprit de discipline » et en « dignité et moralité ».], il mérite de se voir accorder une dernière chance de continuer à servir dans nos rangs jusqu?à la limite des services de son grade »

Au niveau du commandant d?unité :

« Le caporal STARON montre beaucoup d?intérêt dans sa fonction et semble attaché à son état de légionnaire. Volontaire à la poursuite des services, il doit continuer à prouver qu?il a toujours sa place dans nos rangs par un comportement irréprochable »

Et la lettre de félicitations du lieutenant-colonel Commandant le 4ème régiment étranger en date du 17 juin 2002 je cite : « Agent de service, le caporal STARON obtient d?excellents résultats au sein du foyer. Toujours disponible, c?est un spécialiste de haut niveau qui par son talent d?organisateur et sa compétence contribue à la parfaite réussite des prestations du foyer. Il s?est particulièrement distingué durant la période des journées portes ouvertes des festivités de Camerone 2002, où il a assuré avec brio les fonctions magasinier. Pour sa fidélité, son sens de l?organisation et son ardeur au travail le caporal STARON mérite d?être cité en exemple »

Le 28 août 2003, le Conseil de discipline se réunit dans la précipitation, selon une procédure ILLEGALE. Ses conclusions ne se font pas attendre : « Considérant que le caporal STARON n?avait pas eu un comportement en relation avec son état de légionnaire et qu?il s?était affranchi du règlement en vigueur au sein de l?Institution, est d?avis à la majorité des voix que le certificat de bonne conduite ne lui soit pas attribué »

Le jour même, le colonel Roland PETERSHEIM commandant la Légion étrangère par suppléance, REFUSE le certificat de bonne conduite.

Le 29 août 2003, le chef du bureau « fin de contrat » fait signer au caporal STARON un récépissé par lequel il reconnaît avoir reçu cette décision, et refuse une fois la signature apposée, de lui en donner copie, prétextant que le numéro de référence mentionné dans l?accusé de réception devrait lui suffire. Dans les faits, l?objectif dissimulé est bien d?interdire au caporal STARON d?intenter un recours devant la Commission des recours des militaires (la production de la décision étant obligatoire à peine d?irrecevabilité).

Bien évidemment, ce refus intervient en violation de la loi 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée, portant diverses mesures d?amélioration des relations entre l?administration et le public.

Seconde humiliation : Refus de délivrer l?attestation de perte involontaire d?emploi.

La réglementation en vigueur prévoit deux cas de perte volontaire d?emploi :

En cas de demande de résiliation de contrat pour un motif d?ordre personnel. En cas de désertion.

Le caporal STARON ne remplit aucune de ces deux conditions puisqu?il est rayé des contrôles de l?armée d?active pour fin de contrat, sans qu?aucun autre contrat ne lui soit proposé. Pourtant, lors de son entretien avec le responsable du « bureau fin de contrat », ce dernier lui indique qu?il ne peut prétendre à l?attestation involontaire de perte d?emploi et par conséquent n?a pas droit au chômage. Cette posture paraît pour le moins surprenante car la réglementation prévoit bien que l?information sur les allocations de chômage – ainsi que la constitution du dossier – sont à la charge du chef de corps. D?ailleurs, en cas de non bénéfice des allocations de chômage, le chef de corps doit remettre une attestation précisant les raisons du refus.

Une telle attestation n?a pas été remise au caporal STARON : pour quelle raison ?

A ce jour, STARON est chargé de famille. Comme tout un chacun, il a des obligations et doit faire face à des échéances. Le CTAC de BORDEAUX n?a toujours pas reçu son dossier permettant le calcul des allocations chômage : pourquoi là encore ?

Troisième humiliation : refus d?accès au Musée des Anciens de la Légion Etrangère.

Tout légionnaire quittant le service actif passe par le Musée des Anciens. C?est prévu dans le circuit de départ. Lorsqu?il se présente à la porte de ce prestigieux musée avec la trentaine de légionnaires partants, le caporal STARON est refoulé devant ses camarades rassemblés : « TOI STARON, tu n?as pas le droit d?entrer ! le certificat de bonne conduite t?a été refusé… »

Quatrième humiliation : interdiction de figurer sur la photo de groupe.

En fin de circuit, une photo de groupe est réalisée. Cette photo est destinée à la revue « Képi blanc ». Au même titre que le droit d?accès au musée lui est refusé, il est commandé à STARON de se tenir à l?écart lors de la prise de cette photographie.

Cinquième humiliation : Toute correspondance ultérieure devra être écrite à la main et être accompagnée d?un justificatif de présence sur le territoire français. Comme le permet la loi 78-753 du 17 juillet 1978, le Caporal STARON, conseillé par son avocat, adresse au Colonel PETERSHEIM, adjoint au général commandant la Légion étrangère, différentes lettres dactylographiées par son Conseil en vue d?obtenir la communication de plusieurs documents administratifs.

La lettre reçue en réponse par le caporal STARON est édifiante : en voici le contenu.

AUBAGNE, le 30 septembre 2003

N°2634/COMLE/CHANC/APM

Le colonel Roland PETERSHEIM,
adjoint au général commandant la Légion étrangère
à
Monsieur Robert STARON

Monsieur,

Par correspondance en date du 1er septembre 2003, vous sollicitez la copie de documents se rapportant au conseil de discipline du 28 août 2003.
Veuillez trouver ci-joint la copie du procès-verbal du conseil de discipline n° 2408 et la copie de la note fixant la convocation de ce conseil.

Toute correspondance ultérieure devra, par ailleurs, sous peine de ne pas être prise en considération, être écrite de votre main et sera accompagnée d?un justificatif de votre présence sur le territoire français.[ndr : Cette phrase est soulignée par nos soins. Elle est en écriture normale dans le document original.]

Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

Une question fondamentale se présente. De quel pouvoir est investi le colonel adjoint au général commandant la Légion étrangère pour exiger d?un militaire rendu à la vie civile, qu?il rédige ses correspondances de manière manuscrite et qu?il fournisse un JUSTIFICATIF de sa présence sur le territoire français ?

Rien ne laisse transparaître que cet officier supérieur dispose de quelques notions relatives aux libertés publiques. Je doute que le général d?armée chef d?état-major de l?armée de terre, apprécie le bon goût de l?affaire du caporal STARON. Elle ne grandit pas la Légion étrangère et son contenu devrait faire le bonheur des associations de défense des droits de l?homme.

Le caporal STARON n?a ni tué ni volé. Personne ne l?a dégradé. Ses notes ont eu des hauts et des bas. En 2003, elles sont plutôt excellentes et en 2002, sa lettre de félicitations mentionne : « Pour sa fidélité, son sens de l?organisation et son ardeur au travail, le caporal STARON mérite d?être cité en exemple » Ce légionnaire méritait-il, à l?heure du départ, toutes ces humiliations gratuites ? Je pense sincèrement que non.

C?est un exercice extrêmement facile de s?attaquer à un militaire du rang étranger sans moyen de défense et de « jouer » avec l?attribution ou non d?un certificat de bonne conduite pour empêcher l?obtention ultérieure de la nationalité française, après dix années au service de la France. C?est enfantin d?humilier, de refuser ses droits élémentaires à un soldat lorsqu?on dispose d?un rang hiérarchique élevé. Mais il risque d?être extrêmement pénible de s?en expliquer le moment venu : en particulier lorsqu?on est gravement fâché avec les libertés publiques.

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