Audition de Mme Florence Parly, ministre des Armées, sur les opérations en cours et les exportations d’armement..

Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 7 mai 2019

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 32

Présidence de M. Jean-Jacques Bridey, président

 Audition de Mme Florence Parly, ministre des Armées, sur les opérations en cours et les exportations d’armement..

La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.

M. le président Jean-Jacques Bridey. Chers collègues, à la veille des commémorations du 8 mai 1945, je vous propose de remercier en votre nom Mme la ministre d’avoir accepté cette audition.

J’informe dès à présent chacun d’entre vous que Mme la ministre sera de nouveau entendue par notre commission le 10 juillet prochain sur le rapport annuel au Parlement sur les exportations d’armement. Je vous laisse immédiatement la parole afin de faire le point sur les opérations en cours et d’apporter quelques éclaircissements salutaires à la suite de fuites inappropriées dans la presse d’un document classifié.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c’est toujours un plaisir de me trouver ici devant vous, à la demande de votre président comme cela a été rappelé. Avant de faire un point sur les opérations extérieures en cours, je souhaiterais aborder une question que, tout comme vous, je prends extrêmement au sérieux, celle de nos exportations d’armes, même si, comme vous l’avez dit, Monsieur le président, nous aurons l’occasion d’en reparler très prochainement, puisque je viendrai en juillet vous présenter le rapport annuel au Parlement sur les exportations d’armement de la France.

Mais il était nécessaire d’avoir dès aujourd’hui un débat serein et, autant que possible, basé sur les faits.

La première question à laquelle je souhaite apporter une réponse peut paraître simple : au fond, pourquoi vend-on des armes ? Beaucoup de Français se la posent, vous vous la posez sûrement et je veux tenter d’y répondre clairement, en écartant les hypothèses et conclusions hâtives.

La réponse est simple. C’est parce que c’est indispensable à notre souveraineté : celle de la France d’abord ; et celle de l’Europe aussi, que ce gouvernement s’attache chaque jour à construire.

La souveraineté de la France est bien en jeu dans cette affaire. C’est au fond notre liberté d’action dans le monde, dans le cadre de nos responsabilités de puissance de paix et de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies qui est en question. Pour disposer des équipements militaires qui nous permettent d’intervenir pour assurer notre mission fondamentale de protection de notre territoire et de nos ressortissants ainsi que la dissuasion nucléaire, nous devons maintenir la viabilité et l’indépendance de notre industrie de défense pour les prochaines décennies.

C’est beaucoup pour notre pays, qui n’a pas l’échelle des États-Unis, de la Russie ou de la Chine, pour viabiliser ses industries à coups de commande publique. L’Europe, on peut le regretter, ne peut être le seul marché de substitution du marché national : elle dépense trop peu pour sa défense, et quand elle le fait, elle achète encore trop peu au sein de l’Union européenne, et plutôt en dehors de l’Union européenne. Nous n’avons donc pas le choix : il nous faut exporter. Ceux de nos partenaires qui ont fait le choix de cesser de vendre des armes à tel ou tel pays non-européen n’ont pas la responsabilité particulière de la dissuasion nucléaire, ni une stratégie de présence militaire active en dehors de leurs frontières.

Mais derrière l’export, il n’y a pas que la préservation des industries de notre souveraineté nationale. Il y a aussi la construction incessante de la souveraineté européenne.

Avec la Belgique et les Pays-Bas – où j’étais hier, nous construisons les chasseurs de mines du futur ; avec l’Allemagne et l’Espagne, nous construirons l’avion de combat du futur ; de nombreux autres pays européens sont intéressés. Ce qui se joue derrière ces programmes, c’est la souveraineté de notre continent. L’Europe dépend trop des tiers. Comme le relevait avec une certaine dose d’humour un responsable étranger, les Européens sont les derniers végétariens dans un monde de carnivores. Il faut changer de régime – alimentaire j’entends ! – ; et cela commence par nous doter de nos équipements plutôt que d’implorer des tiers de nous les vendre. La Commission européenne elle-même en a pris conscience, c’est pourquoi elle a lancé le Fonds européen de défense et souhaite y consacrer treize milliards d’euros.

Dans les prochaines années, il y aura chez nos partenaires européens de grandes décisions d’équipement : les sous-marins aux Pays-Bas, les avions de combat en Suisse et en Finlande, pour ne mentionner que celles-ci. Nous devons tout faire pour réussir sur ces marchés d’exportation, car ce qu’il y a derrière, c’est l’Europe : l’interopérabilité de nos forces, l’habitude du travail en commun, la solidarité, et la résilience face à la volatilité du monde extérieur.

Enfin, l’export permet de tisser des liens étroits avec des États stratégiques pour la sécurité de la France. Les partenariats bâtis avec l’Inde ou l’Australie assurent notre présence dans une zone, l’Asie, où se joueront les futurs équilibres mondiaux. La coopération avec les Émirats arabes unis, qui se traduit par la présence de plusieurs bases françaises sur leur territoire, nous place au cœur du Moyen-Orient, une région clef pour nos intérêts de sécurité et nos approvisionnements énergétiques.

Au-delà de ces aspects stratégiques, qui ne passionnent peut-être pas tous les Français, il ne faut pas négliger la dimension économique de l’armement pour nos territoires. Les industries d’armement, ce sont 200 000 emplois directs, et 400 000 emplois indirects. Au total, 13 % des emplois industriels en France. Mais c’est plus que cela. C’est un maillage d’entreprises dans l’ensemble du pays, qui irrigue tous nos territoires de Cherbourg ou Saint-Nazaire à Saclay, Nice, Toulon – vous trouverez d’ailleurs une carte dans le prochain rapport. Dans vos circonscriptions, dans vos territoires, ce sont des milliers d’entreprises, PME et ETI, qui vivent de ces contrats d’exportation. Derrière ces chiffres, il y a des hommes, des femmes qui vivent, ainsi que leurs familles. Lorsque récemment l’entreprise Nicolas a failli mettre la clé sous la porte en raison d’une restriction étrangère d’exportation envers un certain pays – d’aucuns le reconnaîtront –, les auteurs de la restriction étaient sans doute fort aise de ne pas être dans la cafétéria à devoir s’expliquer avec le personnel.

Je ne dis pas que l’argument économique justifie de faire n’importe quoi, loin s’en faut. Mais il est parfois un peu gênant de voir les mêmes beaux esprits qui étrillent la politique export du gouvernement parader ensuite au Bourget ou à Villepinte ou s’offusquer de l’emprise américaine sur les marchés d’équipement. En ce domaine comme en toute chose, un peu de cohérence ne nuit pas.

Donc, nous devons vendre ; il faut vendre aux Européens en priorité bien évidemment, mais nous devons vendre à d’autres également. La question est donc : comment le faire avec le maximum de discernement, pour préserver les intérêts de long terme de notre pays.

Car l’autre caractéristique des ventes d’armes, c’est qu’elles ne se font pas l’échelle d’une journée, d’un mois, ou d’un mandat : elles se font à l’échelle d’une génération. Un avion c’est trente ou quarante ans de partenariat. En quarante ans, des pays amis peuvent le devenir moins, à la faveur d’une élection chez eux ou chez nous. Des pays pacifiques peuvent devenir plus belliqueux ou se trouver tout simplement confrontés à de nouvelles menaces. Des gouvernements stables peuvent être renversés par des populistes, des autocrates ou des fanatiques. Mais à l’inverse, de grands pays pas très bien gouvernés peuvent changer. Alors en prenant nos décisions, nous devons soigneusement peser leurs conséquences. Ce n’est pas facile ; mais comme chacun sait, gouverner, ce n’est pas s’émouvoir, c’est prévoir.

Un sujet qui a ému l’opinion à bon droit ces dernières années, ces derniers mois, ces dernières semaines : le Yémen. Et je souhaite l’évoquer avec vous.

Je n’irai pas par quatre chemins et j’espère que vous m’écouterez jusqu’au bout. C’est un conflit atroce qui dure depuis trop longtemps avec des conséquences humanitaires intolérables, en particulier la famine. Je vois ce qu’il se passe et je le répète, notre priorité est la fin de cette guerre. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour qu’une solution politique voie le jour : nous sommes en étroite relation avec l’envoyé spécial des Nations unies, Martin Griffiths, à qui nous avons offert toute notre aide et tout notre soutien pour cette difficile mission.

Le fait qu’en vertu d’un partenariat ancien avec les Émirats et l’Arabie saoudite, nous ayons vendu il y a vingt ans pour la plupart, des armes qui se trouvent employées sur ce champ de bataille doit-il nous faire sentir coupables ?

Avant de répondre à cette question, j’aimerais avec vous examiner les faits. D’abord les faits.

Nous n’avons jamais prétendu qu’aucune arme française n’était utilisée au Yémen. Mais nous n’avons aujourd’hui aucune preuve qui attesterait que des armes de fabrication française sont utilisées à dessein contre des populations civiles.

Je n’entrerai pas dans la discussion d’une note de la direction du renseignement militaire qui a été « fuitée » à la presse. C’est une question de principe : je ne commente pas un document revêtu du secret de la défense nationale. Je ne commenterai pas davantage les poursuites lancées par le parquet contre ceux qui ont divulgué ces informations.

Est-ce que cela m’amuse de voir un procureur lancer une procédure judiciaire en réponse à cette fuite de document classifié ? Est-ce que cela m’amuse de voir convoquer des journalistes qui le diffusent en violation du code pénal ? Évidemment non. J’aime passionnément la liberté, et puisqu’il se trouve que je voyage beaucoup, j’aime particulièrement mon pays pour cela. Mais en tant que ministre des Armées, est-ce que je peux tolérer la fuite de documents qui peuvent compromettre nos sources, nos moyens, nos partenaires ? Certainement pas.

Mais revenons à l’Arabie et aux Émirats. La plupart des équipements vendus à ces deux pays l’ont été bien avant la guerre au Yémen. Pourquoi l’ont-ils été ?

Parce que nous avons là-bas des intérêts de long terme, qui ne dépendent pas d’un dirigeant, pas d’un conflit, et qui dépassent même les pays dont il s’agit.

Ils concernent la protection de nos ressortissants : près de 40 000 Français vivent dans le Golfe arabo-persique dont 30 000 en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis.

Ils concernent la sécurité de nos approvisionnements énergétiques via le détroit de Bab el Mandeb, qui est le quatrième passage maritime dans le transport des hydrocarbures. Il en va aussi de la liberté de navigation, car au-delà de nos importations énergétiques, toute menace au large du détroit pèserait lourd sur le trafic maritime mondial : tout le flux de containers d’Asie y transite, au même titre que les approvisionnements à destination de La Réunion.

Ils concernent la stabilité dans cette région essentielle, où l’Iran multiplie ses arsenaux balistiques et accroît, comme nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir, son influence déstabilisante.

Ils concernent notre présence militaire dans la région, avec notamment trois bases françaises aux seuls Émirats arabes unis.

Ils concernent enfin, et peut-être surtout, la lutte contre le terrorisme. Rappelons que ceux qui luttent contre Al Qaïda dans la Péninsule arabique, sont ceux qui luttent contre une organisation qui a déjà frappé en France – je pense à Charlie Hebdo –, ce sont les Émirats.

Aurait-on pu ou dû empêcher les Émirats et l’Arabie d’engager la guerre du Yémen ?

Là aussi, revenons-en aux faits. La guerre du Yémen, c’est d’abord l’histoire d’un coup d’État contre un gouvernement légitime, mené par une faction soutenue par l’Iran. C’est en 2014 qu’un conflit interne éclate après des années de déchirements, malgré la réunification des Yémen du nord et du sud en 1990. Les rebelles houthis conquièrent alors la capitale, ils s’en prennent à la population, et face à une situation intenable, le président Hadi, président légitime et reconnu par la communauté internationale fait appel aux Saoudiens et aux Émiriens en mars 2015.

La guerre au Yémen, c’est ensuite l’histoire d’une menace permanente contre le territoire de l’Arabie, avec des missiles régulièrement tirés contre la capitale Riyad, et contre les Émirats, fréquemment victimes d’attaques de drones ou de vedettes suicides. Pourriez-vous me dire quel est l’État souverain qui peut accepter cela ?

Une fois la guerre déclenchée, quand nos partenaires utilisent la force d’une manière qui ne nous paraît pas compatible avec le droit international humanitaire, nous ne manquons pas de le leur dire.

Devrions-nous pour autant cesser toute vente d’armement à ces pays et interrompre le service des équipements déjà fournis ? Je crois plutôt que dans cette situation, il nous faut exercer notre discernement. Conformément au Traité sur le commerce des armes, nous pouvons interrompre la fourniture de certains matériels lorsque nous estimons qu’il existe, aux termes de ce traité, un risque « prépondérant » que les armes concernées soient utilisées pour commettre une violation grave du droit humanitaire ou des droits de l’Homme. C’est dans cette optique que nous procédons à un examen sérieux de chaque dossier de vente d’armement qui nous est soumis. Ainsi, par exemple, nous avons refusé cette année d’autoriser l’exportation de munitions air-sol à l’un des pays dont nous parlions et, dans une quinzaine de dossiers, les industriels ont eux-mêmes retiré leurs demandes de licences d’exportation à la suite d’un dialogue avec les services de l’État, qui les ont découragés de poursuivre dans ces projets.

Devrions-nous aller plus loin, et cesser toute relation d’armement avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ? Je ne le crois pas. Un membre du Gouvernement est comptable non de ses indignations, mais des intérêts de la France avant tout. Aussi, pour la femme ou l’homme que son ministère place devant de telles responsabilités, il est bien délicat de trouver un équilibre dans de tels dilemmes. Pour tout vous dire, et bien entendu sans préjudice du respect de nos institutions démocratiques, le premier censeur d’un ministre confronté à de tels choix n’est en vérité ni la Représentation nationale, ni même le peuple français : c’est en premier lieu sa conscience. Or, que se passerait-il si la France rompait ses liens avec les pays dont nous parlons ? D’abord, tout contact serait perdu avec ces États pour une génération au moins. Ensuite, ce serait priver la France de partenaires stratégiques qui, à ses côtés, ont su jouer, jouent encore aujourd’hui et jouerons peut-être encore à l’avenir un rôle positif dans le règlement de certaines crises. Rappelons que c’est sous les auspices de l’Arabie saoudite qu’a été conclu en 1989 l’accord de Taëf, qui a restauré la paix au Liban, et que c’est également elle qui a lancé l’initiative arabe de paix en Palestine en 2002. Rappelons que, plus récemment, c’est à Abou Dhabi que les deux parties qui se combattent en Libye étaient arrivées à deux doigts d’un règlement durable de la crise, avant l’initiative malheureuse du maréchal Haftar devant Tripoli. Autre conséquence d’une rupture de tout lien : l’action que nous menons conjointement contre le terrorisme s’en trouverait fragilisée ; rappelons par exemple le soutien que ces deux pays apportent au G5 Sahel. Par ailleurs, ce serait porter un coup sérieux à la réputation de la France auprès de ses clients, en donnant l’impression qu’elle peut lâcher ses partenaires en cours de route si elle désapprouve telle ou telle de leurs actions. Enfin, ce serait fragiliser tout un écosystème industriel et technologique dans notre pays, qui dépend de nos contrats à l’exportation.

Ainsi, plutôt que des options maximalistes, mieux vaut à mes yeux faire confiance à nos institutions, quitte à ce que ce soit plutôt les yeux ouverts que les yeux fermés. Je pense en particulier à la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), qui est chargée de recommander d’accorder ‒ ou non ‒ des licences d’exportation, en tenant compte de nos obligations juridiques ainsi que des différents intérêts à l’œuvre. Cette commission est ainsi la cheville ouvrière de procédures exigeantes qui garantissent le plein respect du droit national et du droit international, notamment le Traité sur le commerce des armes et la Position commune de l’Union européenne. Lorsque je vous demande de nous faire confiance en matière d’exportation d’armes, c’est bien en raison de la robustesse de nos procédures.

Les choses peuvent certes paraître techniques, mais permettez-moi d’expliquer concrètement ce processus. En pratique, chaque demande de licence d’exportation est instruite par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, par celui des Armées, par celui de l’Économie et des Finances, par le cabinet du Premier ministre, par les services de renseignement, ainsi que par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. De surcroît, d’autres administrations sont fréquemment conduites à donner leur avis, comme le ministère de l’Intérieur, celui de la Recherche ou les douanes. Ainsi, le ministère des Armées est loin d’agir seul dans son coin : au contraire, l’instruction de chaque dossier soumis à la décision du Premier ministre est toujours collégiale. Elle repose sur des analyses très pointues des matériels concernés, de la situation du pays client, voire des unités militaires destinataires des équipements, comme de l’impact d’une vente pour notre industrie et pour nos forces. Les discussions préalables à la décision du Premier ministre sont approfondies ; en témoigne d’ailleurs le fait que les industriels nous reprochent des délais d’instruction qui s’allongent. La commission travaille toujours avec la plus grande minutie. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’elle ajourne la conclusion de l’instruction d’un dossier pour solliciter des explications complémentaires, par exemple en interrogeant la désormais célèbre direction du renseignement militaire sur l’usage possible d’un matériel, ou pour poursuivre des discussions avec l’industriel concerné, aux termes desquels l’industriel en vient parfois à retirer sa demande de licence.

J’ajoute que même lorsqu’est accordée une autorisation d’exportation, c’est toujours sous certaines conditions. Nous pouvons ainsi, par exemple, interdire la réexportation des matériels, assortir l’autorisation de l’obligation de prendre des mesures propres à éviter la dissémination des armements, ou assortir leur livraison d’offres de modules de formation au droit international humanitaire. En somme, les conditions d’exportations sont strictes.

Certains d’entre vous se prévaudront cependant d’exemples étrangers pour plaider en faveur d’un embargo complet. Je vous ai déjà dit pourquoi nos procédures me paraissent préférables dans l’intérêt des Français ; permettez-moi d’ajouter que les comparaisons internationales ne sont pas toujours pertinentes. À la différence de la France, les États auxquels on se compare parfois n’ont pas la responsabilité d’entretenir une force de dissuasion nucléaire, n’exercent pas les mêmes responsabilités opérationnelles que nous sur un certain nombre de théâtres de guerre, n’ont pas notre stratégie de présence dans le monde et n’ont donc pas besoin de partenaires stratégiques pour la mettre en œuvre. De surcroît, soyons complets et réalistes : comme vous, j’entends certes dans certaines capitales les protestations de rigueur de vertus offusquées lorsqu’il s’agit des exportations françaises, mais j’observe que les mêmes responsables ignorent volontiers ce que font les filiales ou les joint ventures de leurs champions nationaux de l’armement. Pour ma part, je préfère m’en tenir à notre double exigence de clarté et de cohérence.

Bref, vous l’avez compris, je ne suis pas une lobbyiste de l’industrie française de l’armement, mais j’invite chacun à prendre en compte l’ensemble des intérêts de la France dans ces affaires, ceux d’aujourd’hui comme ceux de demain, qui vont au-delà de l’horizon d’une législature.

J’en viens désormais à l’état de nos OPEX.

Au Levant, où nous combattons le terrorisme à sa source, avec de récents succès. Nous avons franchi une étape décisive en reprenant à Daech l’ensemble des territoires qu’il contrôlait : cela représentait plus qu’un symbole, et c’est aujourd’hui chose faite. Nous pouvons tous en féliciter la coalition internationale et notamment notre force Chammal, en particulier nos artilleurs et nos pilotes, ainsi que les forces locales. Ensemble, ces forces sont parvenues après cinq ans d’efforts à reprendre l’ultime bastion de l’ennemi. Cette étape nous conduit à adapter notre dispositif ; c’est pourquoi nos artilleurs et nos canons CAESAR rentrent en France. Le reste du dispositif de la force Chammal demeure inchangé et, après avoir lutté contre Daech, reste engagé auprès forces irakiennes pour éviter toute résurgence de ce groupe terroriste, sous une forme ou une autre. Tout en maintenant ainsi une force militaire qui aidera les forces locales à stabiliser les territoires libérés, nous allons intensifier nos actions de formation à leur profit, afin que les Irakiens puissent s’approprier eux-mêmes leur sécurité.

Quant à la force Barkhane, déployée dans le Sahel, elle est engagée sur deux fronts : la lutte contre le terrorisme et le soutien à la montée en puissance des forces armées des États de la région, afin que celles-ci puissent un jour prendre en charge de façon autonome la sécurité de la zone. Après dix-huit mois d’opérations dans la région du Liptako, au sud-est du Mali, nous avons décidé d’étendre nos efforts plus à l’ouest, dans la région du Gourma, située aux confins de trois États : le Mali, le Niger et le Burkina Faso. C’est dans cette région que, le deux avril dernier, le médecin principal Marc Laycuras est mort pour la France. Nous lui avons rendu hommage le mois dernier et, devant vous, je veux saluer de nouveau sa mémoire, avec un immense respect. Quelques jours après ce drame, une action combinant des moyens aériens et terrestres a permis de mettre hors de combat trente-cinq terroristes et de saisir de très importants stocks d’armes.

Pour autant, éradiquer le terrorisme ne suffit pas. C’est pourquoi nous formons, nous entraînons et nous accompagnons au combat les forces armées des cinq pays de la bande sahélo-saharienne : la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. En effet, les forces françaises n’ont pas vocation à rester indéfiniment engagées dans cette région. Je crois profondément que la sécurité du Sahel doit être assurée par les forces locales car la MINUSMA, l’EUTM Mali et Barkhane ne sont pas éternelles. Ainsi, notre seul but est bien de rendre opérationnelles les forces armées locales pour permettre à ces États de retrouver les pleins moyens de leur souveraineté et restaurer la paix. La semaine prochaine, je retrouverai d’ailleurs à Bruxelles nombre de mes homologues européens et africains pour étudier les moyens de consolider la force conjointe du G5 Sahel.

J’en viens à la République centrafricaine. Le jour même de ma dernière audition devant vous, le 6 février, un accord de paix était signé à Bangui sous l’égide de l’Union africaine, dans le cadre de l’Initiative africaine pour la paix en République centrafricaine. Certes, le fait qu’il s’agisse du huitième accord de paix dans ce pays signé depuis 2012 appelle à une certaine prudence quant à ses effets ; mais il ne faudrait pas pour autant sous-estimer le progrès qu’il représente. Nous veillerons donc à sa mise en œuvre avec vigilance, en lien avec la MINUSCA et avec l’EUTM RCA, au commandement de laquelle nous relèverons d’ailleurs les Portugais au second semestre 2019.

Pour finir, je tiens à évoquer la sécurité maritime, en particulier les déploiements de notre groupe aéronaval. Après un mois de soutien à la lutte contre Daech, le Charles-de-Gaulle et son escorte ont rejoint l’océan Indien et atteindront au mois de juin Singapour, où j’aurai le plaisir de les retrouver à l’occasion du Shangri-La Dialogue.

Par ailleurs, notre marine nationale continue à lutter activement contre les trafics et autre flux illégaux, qui contribuent au financement du terrorisme. L’équipage du Floréal, que j’ai vivement félicité, a saisi la semaine dernière près de cinq tonnes de drogue dans l’océan Indien, ce qui porte à treize tonnes le volume de ces saisies depuis septembre dernier.

Concluant sur ce point mon tour d’horizon des opérations, j’espère avoir répondu à certaines de vos interrogations et suis prête à répondre à celles qui subsisteraient.

M. le président Jean Jacques Bridey. Merci Madame la ministre pour ce propos liminaire complet et détaillé. Mes chers collègues, nous avons d’ores-et-déjà vingt-sept questions : je n’en prendrai donc pas davantage. Nous disposons d’une heure et demie, chacun peut exprimer sa question dans la limite d’une minute et demie. Je vais commencer par donner la parole à chacun des groupes présents.

M. Fabien Gouttefarde. Je vous remercie, Madame la ministre, d’être présente de nouveau aujourd’hui, notamment pour vous exprimer sur ce sujet brûlant. Je voudrais, en tant que président du groupe d’amitié France-Yémen, revenir sur le conflit qui se déroule au Yémen actuellement. Comme vous le savez tous probablement, le 26 mars dernier marquait les quatre ans du début de l’intervention de la coalition, coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Elle n’est plus composée que de quatre pays aujourd’hui, alors qu’elle en comptait une dizaine à l’origine. Vous l’avez mentionné, Madame la ministre, le 15 avril dernier, le site Media Disclose publiait une note classée « confidentiel défense » rédigée par la direction du renseignement militaire sur la situation sécuritaire au Yémen. Bien évidemment, je ne souhaite pas, et légalement, je ne peux pas revenir sur le détail du contenu de cette note, qui est toujours classifiée, vous l’avez indiqué. Je rappelle simplement, car certains s’en prévalent, qu’aucun élément ne permet de conclure à la présence de matériels français sur le front actif. Vous nous avez expliqué, effectivement, pourquoi l’on vendait des armes de manière générale. Ma question porte donc sur le fait de savoir si vous pouviez nous expliquer les raisons géopolitiques de la poursuite des ventes d’armes à l’Arabie saoudite. Dans vos propos, vous y avez répondu par anticipation mais j’aimerais ajouter à la description faite de ce conflit et rappeler à nos collègues une information que l’on lit rarement dans la presse : les houthis ne sont pas uniquement un groupe persécuté et avide de liberté pour leur territoire, ils franchissent quotidiennement la frontière avec l’Arabie saoudite pour mener à bien des incursions et des attaques contre un État souverain. Depuis les accords de Stockholm, où il faut rappeler que la France est un des rares pays du P5 à pouvoir échanger avec l’ensemble des parties, notre diplomatie et les services du ministère des Armées ont-ils constaté une modification chez l’Arabie saoudite et chez ses alliés de la manière dont elle conduit les hostilités ? N’y a-t-il pas également une possibilité de travailler avec elle pour un meilleur respect du droit international humanitaire ?

M. Jean-Jacques Ferrara. Madame la ministre, je souhaiterais quant à moi avoir des informations concernant le contrat d’exportation de Rafale à destination de l’Inde. Vous ne l’avez pas évoqué, et j’ai connaissance des turbulences intervenues autour de ce contrat, en particulier concernant l’ouverture d’une enquête par la Cour suprême indienne le 10 avril dernier. Est-il remis en cause ? Les premières livraisons devaient intervenir en 2019 et portent sur trente-six Rafale. D’autre part, concernant les opérations, vous l’avez évoqué, nous nous apprêtons à rapatrier nos artilleurs de la Task force Wagram. Qu’en est-il donc de notre base aérienne projetée au Levant, en Jordanie ? Allons-nous également diminuer nos effectifs à cet endroit ? Qu’est-il envisagé quant au maintien de cette base aérienne projetée ?

Mme Josy Poueyto. Madame la ministre, merci pour votre exposé qui nous a permis d’avoir de nombreuses réponses à nos questions. Je voudrais pour ma part vous interpeller sur la mobilisation du fonds européen de défense (FEDef), avancée majeure pour la construction d’une Europe de la défense. Il s’agit d’un premier pas qui nous fait espérer à terme une forme européenne de DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), qui fait le succès de la base industrielle et technologique de défense américaine. Il est de notre avis que cette voie de financement accroîtra l’interopérabilité de nos forces en opérations et permettra une rationalisation de nos politiques d’export européen tout en posant d’autres questions, notamment relative au projet mené en collaboration avec nos voisins britanniques. Aussi, en soutien de notre base industrielle de défense autant qu’à nos opérations, pour lesquelles nous sommes convaincus que l’européanisation dépend du rapprochement de nos équipements et de nos doctrines, je souhaitais vous demander un panorama des initiatives qui pourront bénéficier du fond européen de défense, notamment dans le cadre conjoint de la coopération structurée permanente, nouveau creuset institutionnel de la mise en cohérence capacitaire européenne.

M. Olivier Becht. Madame la ministre, je souhaitais tout d’abord vous dire au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants que nous partageons votre analyse sur la nécessité pour notre industrie d’exporter des armes pour assurer le maintien d’une protection souveraine française, c’est-à-dire la capacité d’avoir des armes françaises fabriquées en France pour notre armée. Sans cela, à l’avenir, nous serons amenés à dépendre d’autres pays, même si certains sont nos alliés. À ce sujet, certains de nos alliés utilisent sans complexe l’OTAN pour exiger que les armées européennes achètent prioritairement voire exclusivement américain. Si l’on peut comprendre les doutes exprimés par les États-Unis à propos de l’achat par la Turquie de systèmes S-400 russes, l’on peut en revanche avoir davantage de doutes sur les pressions exercées sur certains pays pour le F-35 contre le Rafale. Ma question est donc la suivante : quelle politique peut mener le Gouvernement au sein de l’Alliance pour faire en sorte, que si préférence alliée il doit y avoir, celle-ci s’exerce réellement au sein et au profit de tous les alliés ?

M. Joaquim Pueyo. Compte tenu des révélations faites dans la presse, il nous paraît nécessaire que les députés se posent des questions sur ces informations. Vous nous avez affirmé, il y a quelques minutes, qu’il n’existe pas de preuve que des armes françaises soient utilisées contre les civils. Nous en prenons acte. Cependant, il m’a semblé que les informations diffusées n’étaient pas suffisamment précises. En apprenant que l’Allemagne, grand pays démocratique, a décidé de suspendre ses exportations d’armes grâce à un moratoire, il paraît utile de poser la question de la concertation européenne sur ce sujet. Pourquoi l’Allemagne a-t-elle suspendu ses exportations d’armes et pourquoi la France affirme-t-elle que ses armes ne sont pas utilisées contre des civils ? La question est surtout de savoir de quelle façon contrôler ces licences a posteriori pour s’assurer que notre pays ne se trouve pas en contradiction avec ses engagements internationaux. Vous l’avez indiqué, nous ne sommes pas en contradiction avec ces engagements, mais notre interrogation porte sur la voie à emprunter pour renforcer et rendre réellement efficient un contrôle après la vente. Quel processus pourrait être mis en place afin de bloquer ces livraisons si des signes venaient à prouver l’implication dans des crimes de guerre ? C’est une question que les parlementaires doivent se poser. À titre d’exemple, l’on pourrait envisager de suspendre les contrats d’entretien et de formation. Vous le savez, le 15 avril dernier, de très nombreux parlementaires de gauche ont demandé qu’une délégation parlementaire puisse se constituer pour contrôler, voire même participer à la décision d’autorisation des exportations d’armes. Quel est votre sentiment sur cette initiative parlementaire, qui en réalité, a pour objectif de mieux contrôler et peut-être même de travailler avec une transparence nouvelle. Des controverses ont lieu actuellement au sein d’ONG et dans l’enceinte de l’ONU. Nous souhaitons donc davantage de transparence. Si vous avez effectivement répondu en partie à nos questionnements, cela ne me paraît pas suffisant. Il me semble important de tirer des leçons de cette expérience, afin de renforcer le contrôle démocratique sur les exportations d’armement.

M. Yannick Favennec Becot. Madame la ministre, ma question rejoint celle de notre collègue M. Joaquim Pueyo, puisque de nombreux pays européens tels que le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Suède permettent à leur parlement l’accès à des informations et engagent des débats sur les transactions financières liées à l’exportation d’armement. Une telle initiative peut-elle être engagée par le Gouvernement afin d’apporter davantage de transparence sur la politique d’armement et d’exportation française ?

M. Bastien Lachaud. Madame la ministre, merci pour votre présentation. Vous avez affirmé dans votre propos liminaire être guidée par votre conscience dans l’objectif de défendre au mieux les intérêts de la France. Défendre les intérêts de la France, à mon sens, c’est également faire en sorte que sa parole, au niveau mondial, soit respectée. Comment faire respecter sa parole si ce n’est en respectant ses propres engagements ? Nous avons signé le Traité sur le commerce des armes, qui dans son article 6 prévoit clairement qu’il est suffisant d’avoir connaissance que des armes que nous vendons pourraient servir à commettre des crimes de guerre pour interdire l’ensemble de ces ventes. Le document de la direction du renseignement militaire que vous refusez de commenter, ainsi que d’autres documents, montre que les navires livrés par la France ont bien servi au blocus mené par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis au Yémen, blocus qualifié par le panel d’experts de l’ONU comme pouvant être « constitutif d’une violation grave du droit international humanitaire ». Ces navires continuent, Madame la ministre, de bénéficier d’un maintien en condition opérationnelle de la part des entreprises françaises. En d’autres termes, ces entreprises pourraient se rendre complices de crimes de guerre. Je voudrais donc savoir, Madame la ministre, comment la France peut-elle défendre ses intérêts sans respecter sa parole au niveau international ?

M. André Chassaigne. Je voudrais, en premier lieu, revenir sur le dispositif de contrôle strict des exportations d’armement dont la France, d’après vous Madame la ministre, peut s’enorgueillir. Sur ce point, je tiens tout de même à regretter que ce dispositif soit, conformément à la Constitution, uniquement entre les mains du pouvoir exécutif et que votre seule obligation soit la transmission d’un rapport annuel au Parlement. Je regrette que ce dernier ne soit pas davantage associé à ces discussions.

Ma deuxième remarque concerne l’Allemagne à laquelle, je pense, vous avez fait allusion tout à l’heure et où le Parlement a décidé de geler depuis octobre 2018 les ventes d’armes à l’Arabie saoudite en incluant, semble-t-il, l’exportation de matériels militaires fabriqués par d’autres pays amis utilisant des composants allemands. Ces blocages existent-ils et, concrètement, l’Allemagne peut-elle empêcher la France de vendre de l’armement détenant des composants allemands ?

Pour terminer, j’insisterai, moi aussi, sur le fait qu’il me semble important de tenir compte du Traité sur le commerce des armes. Vous avez cité son article 7 évoquant la nécessaire prise en compte des risques encourus. Pour ma part, je pense que les risques sont avérés et qu’il faut en tenir compte, et je regrette que vous ne le fassiez pas. Par ailleurs, si l’on se reporte à l’article 6 de ce même traité, vous avez effectivement connaissance que des armes servent contre des populations. Cette utilisation doit pousser la France, conformément à cet article 6, à arrêter la vente d’armes à l’Arabie saoudite.

M. Gwendal Rouillard. Depuis plusieurs semaines, Madame la Ministre, vous évoquez le sort et la reconstruction de la région après la reprise des derniers territoires anciennement contrôlés par Daech. J’aimerais savoir, dans ce contexte, quelle place vous accordez à la coopération entre les armées françaises et libanaises et plus globalement, à quelques mois de la venue du président de la République à Beyrouth, quelle place vous accordez à la relation franco-libanaise.

Mme la ministre. Je tenterai de répondre à vos questions dans l’ordre et regrouperai sans doute celles qui se ressemblent. Je reviendrai tout d’abord sur les derniers développements de la situation militaire du conflit actuellement en cours au Yémen. Nous avons tous eu un sursaut d’espoir en décembre 2018 lorsque les rencontres de Stockholm ont eu lieu et que des accords ont été signés, ces derniers ouvrant enfin un espace pour un dialogue politique susceptible de déboucher sur une solution menant à la paix. Suite à la signature de ces accords, il y a tout d’abord eu une forte accalmie dans les combats mais, malgré toutes les tentatives de l’envoyé spécial du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, M. Martin Griffiths, les différentes parties n’ont pas mis en œuvre la première phase du plan qui consistait à exiger des houthis qu’ils se redéploient en dehors du port d’Hodeïda. Ce redéploiement n’a donc jamais débuté et le timide cessez-le-feu qui s’était établi s’est érodé pour finalement aboutir à la reprise des combats. Pour l’instant, je dois l’admettre et m’en désole avec vous, cette tentative n’a donc pas été couronnée de succès, ce qui n’empêche évidemment pas que l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU de poursuivre les discussions, et nous les poursuivons à ses côtés et avec tous les partenaires, pour que l’Arabie saoudite fasse évoluer sa manière de conduire les opérations, que les belligérants respectent le droit international humanitaire et pour continuer d’essayer de faire avancer une solution politique. Je ne sais pas le temps que cela prendra mais je peux vous assurer que la détermination de l’envoyé spécial, comme la nôtre, est totale.

Concernant le contrat Rafale conclu avec l’Inde, son déroulement est jusqu’à présent conforme à la programmation. Comme vous le savez, ce contrat est couvert par un accord intergouvernemental signé en 2016, les premières livraisons étant prévues pour le mois de septembre 2019. Sous cet angle-là, les choses se déroulent donc de manière nominale. Par ailleurs, il y a la possibilité de conclure un nouveau contrat pour plus d’une centaine d’avions de combat supplémentaires. La perspective de ces éventuelles ventes complémentaires aiguise beaucoup d’appétits et un certain nombre d’enquêtes sont donc menées en Inde, dans le contexte particulier des élections qui y ont lieu. Malgré ce contexte, je peux vous dire qu’aujourd’hui aucune des investigations menées ne révèle un quelconque dysfonctionnement et que, par ailleurs, la question qui est réellement en cause est celle du partenaire industriel indien choisi, conformément à l’exigence indienne, symbolisée par le slogan make in India, d’organiser avec des industries indiennes une partie de la production des Rafale français. Nous y verrons donc sans doute plus clair quand la période électorale sera terminée.

Concernant l’avenir de la base aérienne projetée H-5 en Jordanie, il importe de rappeler qu’actuellement nous poursuivons notre action aux côtés de la coalition internationale contre Daech, coalition qui mène encore des missions de renseignement, dans une moindre mesure d’appui-feu, comme cela est encore arrivé récemment, ou de défense aérienne. Nous n’avons donc pas, à court terme, l’intention de modifier le dispositif actuel mais demeurons évidemment prêts à l’ajuster en fonction de l’évolution de la situation locale.

Pour répondre à votre question concernant le fonds européen de défense et les premiers emplois qui pourraient en être envisagés, je rappellerai, comme vous le savez, que ce fonds est une très grande première, jamais l’Union européenne n’ayant consacré le moindre euro pour faciliter et soutenir les phases de Recherche et Développement de projets à caractère militaire. Dans les propositions qui sont faites par la Commission européenne, il devrait y avoir, en premier lieu de 2019 à 2020, une phase expérimentale durant laquelle 500 millions d’euros seront investis puis une deuxième phase, de 2021 à 2027, où l’investissement sera alors de 13 milliards d’euros. Durant la phase expérimentale, nous savons, d’ores et déjà, que deux projets auxquels la France participe vont bénéficier de ces fonds. Il s’agit d’un investissement prévu de 100 millions d’euros pour le projet de drone européen MALE et de 37 millions d’euros pour le projet ESSOR, projet qui consiste à mettre au point des radios logicielles interopérables entre les différents États. Concernant le lien entre le FEDef et la coopération structurée permanente (CSP), il faut également ajouter que les projets labellisés par la CSP seront plus facilement sélectionnés au FEDef et bénéficieront d’un bonus supplémentaire de 10 % par rapport aux projets qui ne seraient pas soutenus par celle-ci. Comme vous le voyez, les points d’application sont d’ores et déjà très concrets et il ne tient plus qu’aux inspirateurs de projets de remplir les conditions en termes de maturation du projet pour prétendre aux bénéfices de ces fonds.

M. Olivier Becht m’a interrogée sur la conditionnalité que les États-Unis pourraient éventuellement imposer au moment où ils demandent aux alliés d’accroître leurs dépenses en faveur de la défense. Il ne faut pas être naïf : si les États-Unis demandent que les alliés dépensent plus, ils aimeraient aussi beaucoup que ceux-ci dépensent plus encore pour acheter des équipements américains. Et lorsque nous osons parler, face à nos alliés de l’OTAN, de politique européenne de défense ou de Fonds européen de défense en plaidant que tout cela est bon aussi pour l’Alliance atlantique, nous nous entendons parfois répondre, de manière plus ou moins ouverte, que c’est du protectionnisme. Autrement dit, nous sommes contre toute forme de conditionnalité. Comme j’ai eu l’occasion de le dire, l’article 5 du Traité de l’Alliance atlantique n’est pas l’article F35.

Comment favoriser les équipements européens à l’OTAN ? D’abord, en contribuant à la définition de standards communs à l’organisation, en mettant le paquet sur les prospects européens à l’export. Cependant, on ne pourra pas empêcher certains pays, notamment ceux qui dépensent peu, de vouloir acheter des équipements américains pour ainsi se dédouaner de ce qu’ils ne dépenseront pas auprès d’autres et, en particulier, auprès des Européens. Il faut en prendre acte mais plus encore, il faut faire tous les efforts possibles pour convaincre ces pays de procéder autrement. J’ai eu des échanges, samedi dernier encore, avec le Premier ministre slovaque. Il rentrait de Washington où il avait annoncé au président Trump qu’il allait acheter des avions américains. Il a donc été très bien accueilli par ce dernier. Mais il a aussi dit qu’il était temps, maintenant, de procéder à des acquisitions européennes. C’est une première étape qu’il nous faut absolument consolider. Il faut aller plus loin encore et peut-être qu’un jour, on pensera d’abord à acheter européen, pour ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, avant de penser à acheter américain.

J’en viens aux questions de Joaquim Pueyo. Sur les fuites, je n’ai rien à ajouter à ce que je vous ai déjà dit, vous le comprendrez. Je vous répondrai, en revanche, concernant l’Allemagne, également évoquée par André Chassaigne. L’Allemagne a annoncé la suspension temporaire de ses exportations. Les Européens se sont-ils concertés ? Ou plutôt, l’Allemagne s’est-elle concertée avec ses partenaires européens ? La réponse est non. Elle l’a tellement peu fait que sa décision a suscité, de notre part, par la voie du président de la République, une réponse très franche. Une discussion aurait été souhaitable avant que l’Allemagne prenne cette décision unilatérale. Cette dernière concerne ses partenaires européens dans la mesure où l’Allemagne suspend des licences d’exportation d’armements qui ne sont pas purement allemands mais à la fabrication desquels l’Allemagne a contribué. Il est d’autant plus regrettable que cette discussion n’ait pas été possible que nous avons signé un traité à Aix-la-Chapelle au début du mois de janvier, traité dans lequel nous avons souhaité développer notre coopération en matière de défense. Par ailleurs, nous avions précédemment décidé de nous engager dans des programmes d’armement extrêmement ambitieux, tels que le char de combat du futur et le système de combat aérien du futur. Il est donc absolument essentiel que nous puissions trouver un point d’accord avec nos partenaires allemands sur les futurs programmes d’équipement que nous allons conduire ensemble. Il faut pouvoir nous mettre d’accord a priori sur le fait que ces programmes d’armement auront vocation à être exportés sinon cela change complètement la physionomie des investissements auxquels nous devrons consentir, par le biais de financements d’État. Il faut aussi aplanir la question de l’existence de composants allemands dans des matériels fabriqués en partenariat avec d’autres pays. C’est pourquoi nous sommes en ce moment en pleine discussion sur le de minimis, c’est-à-dire sur le seuil en deçà duquel il n’est pas possible de bloquer les choses avec quelque composant mineur que ce soit. Bref, encore une fois, il aurait fallu se concerter. Mais depuis, nous nous parlons beaucoup et j’espère pouvoir, lorsque je reviendrai devant vous au mois de juillet, vous apporter des réponses plus complètes.

S’agissant du contrôle a posteriori des licences déjà accordées, les conditions de délivrance des licences sont vraiment étudiées à la loupe. Elles prennent en compte les conditions d’emploi telles qu’on peut les anticiper. Comprenez bien qu’on ne peut pas nécessairement tout prévoir par avance. Une fois que le matériel est vendu, un contrôle a lieu auprès de l’industriel qui a procédé à la vente, pour vérifier la conformité de ce qui a effectivement été exporté aux autorisations qui ont été données. Cependant, la question que vous posez est d’une autre nature : il s’agit de savoir si on peut contrôler le client lui-même. C’est évidemment très compliqué. D’une part, parce qu’il est très difficile de mettre un agent de contrôle derrière chaque matériel que nous vendons. Et, d’autre part, quelle serait la probabilité que le pays souverain ayant acheté ces équipements accepte un tel contrôle ? Vendre un équipement militaire en faisant accepter d’entrée de jeu la limitation de son emploi serait une transaction assez compliquée à négocier et je n’ai pas connaissance d’États qui acceptent une telle limitation de souveraineté. Par ailleurs, faisons l’hypothèse que nous tentions de mettre en place une conditionnalité. Pensez-vous que les compétiteurs feraient de même ?

J’en viens à la transparence. Je sais que nous sommes dans un débat un peu asymétrique. Vous en voulez plus – c’est votre droit légitime. Néanmoins, conformément à l’article 20 de la Constitution, la délivrance des autorisations d’exportations par l’autorité administrative relève du Gouvernement. C’est pourquoi les licences d’exportation sont délivrées sous l’autorité du Premier ministre, suivant la procédure que j’ai décrite tout à l’heure. Cela ne veut pas dire que nous ne soyons pas attachés à la transparence sur ce sujet, en particulier vis-à-vis de vous tous. Je ne sais si le rapport précité est suffisant – je vous en laisse seuls juges – mais je peux vous dire qu’il vous est remis tous les ans depuis le début des années 2000 et qu’il est détaillé. J’ai eu la curiosité de feuilleter celui que remet mon collègue britannique à vos collègues du Parlement britannique. Je vous en recommande la lecture : vous n’y apprendrez pas grand-chose. Peut-être y a-t-il une commission chargée d’examiner ces questions outre-Manche mais je peux vous dire que quand je compare le rapport que j’ai lu, celui que je vous ai remis il y a un an et celui que je vous prépare pour le mois de juillet, je n’ai pas de doute quant au fait que l’un est beaucoup plus transparent que l’autre. Dans notre rapport, il y a de très nombreuses données chiffrées qui, en plus, sont très facilement identifiables, même par des non-spécialistes – nous ne cherchons donc pas à vous perdre. Ce rapport permet de dégager une vision d’ensemble des autorisations qui sont délivrées mais aussi des prises de commande ainsi que des livraisons qui sont réellement effectuées – et non pas des livraisons papier. On y trouve aussi le montage financier qui les accompagne. Vous me direz que c’est encore trop peu mais on ne trouve pas ces éléments-là dans le rapport britannique. Dans le rapport qui vous sera transmis dans quelques semaines, vous constaterez aussi des évolutions – que j’ai souhaitées. Il y aura notamment des études de cas concrètes et des encadrés détaillant les procédures qui ont été mises en application. Enfin, pour terminer, je ne peux pas ne pas mentionner la mission d’information parlementaire, actuellement conduite par Jacques Maire, ici présent, et par Mme Michèle Tabarot au nom de la commission des Affaires étrangères, qui réfléchit sur ce sujet. Cette mission fera certainement des propositions dont nous pourrons discuter – comme c’est toujours le cas dans ces circonstances. Nous faisons ce que, je crois, la Constitution nous autorise à faire dans le cadre de la séparation des pouvoirs.

Vous avez évoqué le Traité sur le commerce des armes. En vertu de ce texte, nous avons obligation d’interdire les exportations lorsque nous avons connaissance, au moment de l’autorisation, que les armes pourraient servir à commettre « un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels ou d’autres crimes de guerre ». Les autres critères qui sont posés par ce traité sont des critères d’évaluation. Il s’agit par exemple du risque « prépondérant », cité tout à l’heure, que les armes soient utilisées pour commettre une violation grave du droit humanitaire ou des droits de l’homme. L’État doit, dans ce cas, envisager des mesures d’atténuation du risque qui peuvent aller jusqu’à l’interdiction. S’agissant du Yémen, nous appliquons naturellement l’embargo qui a été adopté par le Conseil de sécurité des Nations unies. En ce qui concerne les membres de la coalition qui interviennent au Yémen, j’ai eu l’occasion de dire – et je redis – que les autorisations d’exportations qui ont été délivrées avant le début des hostilités avaient déjà été pesées et soupesées selon les critères d’évaluation du Traité sur le commerce des armes. Aujourd’hui, vis-à-vis d’États souverains, nous œuvrons par le dialogue et la diplomatie pour mettre fin à ce conflit et assurer le respect du droit international humanitaire. Je veux réaffirmer ici que je ne pense pas, en mon âme et conscience, qu’en suspendant pour l’avenir les exportations d’armement à l’intention de ces deux pays, nous contribuerions à arrêter cette guerre et à pouvoir peser en faveur de la solution politique que nous souhaitons pour mettre fin à ce conflit.

Enfin, une question m’a été posée sur la coopération franco-libanaise. Nous continuons de participer à la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL), 650 soldats français étant engagés au sein de la réserve opérationnelle de la force. Une compagnie finlandaise est également engagée dans la FINUL, dont le mandat a été renouvelé à la fin du mois d’août dernier. Ce mandat maintient les capacités de la FINUL et demande la montée en puissance de la marine libanaise. Par ailleurs, nous aidons de façon bilatérale les forces libanaises dans le cadre de cessions : nous avons cédé pour l’équivalent de 52 millions d’euros de matériel en 2017-2018. Nous les aidons aussi dans le cadre de formations, via une trentaine de détachements d’instruction, et dans le cadre de la coopération opérationnelle puisque toutes les patrouilles de la FINUL sont menées conjointement avec les forces libanaises. Enfin, un prêt de 400 millions d’euros a été proposé en 2018 au gouvernement libanais pour l’équipement de son armée. Pour des raisons qui tiennent très largement au changement d’équipe gouvernementale, et en particulier au changement de ministre de la Défense, ce projet était resté en friche : nous l’avons relancé et j’ai eu l’occasion de rencontrer mon nouvel homologue au mois de février dernier. J’espère que les discussions qui concernent en réalité très largement le ministre de l’économie et des finances libanais pourront progresser.

M. Stéphane Baudu. Je voudrais revenir sur les questions d’exportations d’armement. Un accroissement de la concurrence sur ce marché en tension a été mis en avant dans le rapport 2018 sur les exportations d’armement. Une des solutions avancées est le renfort du rôle de l’État dans ces exportations dans le cadre d’un schéma mandant-mandataire de contrat d’État à État qui, selon le rapport, nécessiterait néanmoins des modifications juridiques au niveau national ainsi qu’une augmentation des effectifs de votre ministère. Par ailleurs, nous partageons des inquiétudes quant à la réglementation américaine ITAR concernant les projets européens complexes à industriels multiples si nous souhaitions investir de manière conséquente sur des marchés stratégiques émergents. Aussi, pour faire court, j’aimerais pouvoir disposer de précisions de votre part quant à l’avancée du nouveau schéma d’exportation étatique en 2019 et quant à la façon dont il s’articule avec la canalisation du risque ITAR.

Mme Alexandra Valetta Ardisson. Mme la ministre, vous avez en partie répondu à la question que je souhaitais vous poser concernant les discussions avec l’Allemagne sur le contrôle des exportations. Je vais cependant profiter de la minute de parole qui m’est accordée pour apporter un témoignage. J’étais avec certains de nos collègues à l’ambassade de France à Ryad en juin dernier lorsqu’un missile s’est abattu à quelques mètres, en plein quartier résidentiel. Je tiens donc à souligner que les choses ne sont ni aussi simples ni aussi manichéennes qu’il y paraît et je voudrais vous remercier pour vos propos liminaires qui ont, je pense, permis de clarifier beaucoup de choses et d’affirmer le positionnement assumé de la France.

M. Claude de Ganay. Au début de cette réunion vous vous êtes félicité, Monsieur le président, de la venue de notre ministre et je pense que le nombre de parlementaires présents témoigne de leur intérêt et je ne peux donc que vous suggérer de l’inviter plus souvent.

M. le président. Mme la ministre vient régulièrement ; elle est venue au mois de février et reviendra le 10 juillet, tandis qu’une audition commune avec la commission des Affaires européennes est prévue le 29 mai.

M. Claude de Ganay. Nous nous réjouissons donc de la revoir le 10 juillet. Une petite précision, Mme la ministre, sur l’opération Chammal. Il a été fait état, avant le départ de la Task ForceWagram, d’une présence française de l’ordre de 1 100 soldats. Or un calcul artisanal des forces présentes aboutit au chiffre de 700 après son retour, soit un écart que j’ai sans doute mal mesuré. En revanche en matière d’armement, je voudrais vous poser une question un peu provocatrice. Je reviens non pas sur la tribune de Mme l’ambassadrice de France en Allemagne mais sur son audition par le Sénat dans laquelle elle a notamment déclaré de façon assez précise qu’outre-Rhin les questions d’armement étaient, je cite, « évidemment instrumentalisées à des fins de politique intérieure » et que, je cite à nouveau, « l’Allemagne privilégie des approches différentes des nôtres que ce soit en matière de souveraineté, de défense et de stratégie ». Le constat est donc double. L’Allemagne est un partenaire fluctuant dans sa prise de décision et divergeant dans sa vision stratégique. En dehors du simple apport en capitaux, quelle est donc la pertinence de se lancer dans des coopérations industrielles complexes, échelonnées sur des décennies, avec un partenaire aussi peu fiable ? C’est une question provocatrice.

M. le président. Oui, elle figurera au compte rendu.

M. Christian Hutin. Je vous remercie vivement, Monsieur le président, d’accueillir un membre de la commission des affaires étrangères.

M. le président. C’est toujours un plaisir !

M. Christian Hutin. C’est la première fois que je vois, inscrite au mur, cette déclaration de Charles de Gaulle « La défense ! C’est la première raison d’être de l’État. Il n’y peut manquer sans se détruire lui-même. ». Une deuxième du même auteur dit « La politique ne se fait pas à la corbeille ». Mme la ministre, vous avez parlé de la cafétéria, et de la même manière, la politique ne se fait pas à la cafétéria. Nous n’avons rien contre les 14 % d’emplois occupant nos ouvriers et nos industries en France. Mais vous n’êtes pas la ministre de n’importe quel pays, vous êtes une ministre de la France, une Nation qui a une certaine vision des choses, une forme de vision internationale et probablement humaniste et universaliste. Dans ce cadre-là, nous avons, Alexis Corbière, Jean-Paul Lecocq, moi-même ainsi que l’ensemble des députés d’opposition et de gauche produit, il y a quelques mois, une tribune qui a fait bouger un peu les choses, du moins je l’imagine. Vous nous avez répondu d’une manière extrêmement étonnante au Sénat, nous expliquant que l’ensemble des armes vendues par la France n’étaient pas utilisées dans le cadre du conflit. Je cite les propos de votre secrétaire d’État tenus cet après-midi, les seuls un peu intelligibles, les autres, terribles, nous ayant forcés à quitter l’hémicycle…

M. le président. On ne les a pas tellement entendus, tant vous faisiez de bruit.

M. Christian Hutin. Monsieur le président…

M. le président. C’est vous qui en parlez.

M. Christian Hutin. Je vous remercie de m’inviter mais je tiens à préciser que ce qu’a dit la secrétaire d’État n’était pas légitime au regard de ce qu’est la Représentation nationale…

M. le président. Nous n’avons pas à commenter les propos d’un membre du Gouvernement.

Mme Laurence Dumont. Ah si : nous pouvons commenter les propos d’un ministre, mais l’inverse n’est pas vrai.

M. le président : Pouvez-vous poser votre question ? Vous avez dépassé les deux minutes.

M. Christian Hutin. L’opposition a peu de pouvoir mais elle a le droit de commenter les propos d’un secrétaire d’État et c’est ce que j’essaie de faire aujourd’hui ; nous nous sommes levés parce que nous avons considéré que la réponse était inadmissible.

M. le président. Vous avez la ministre des Armées devant vous, posez-lui votre question.

M. Christian Hutin. Oui, mais vous m’avez interrompu, Monsieur le président.

M. le président. Vous divaguiez. Allez-y, vous êtes à une minute trente.

M. Christian Hutin. Non, vous avez pris 25 ou 30 secondes sur mon temps, je me permettrai donc de continuer.

M. le président. Je les retire, dépêchez-vous, il y a encore quinze questions.

M. Christian Hutin. C’est vous le patron.

M. le président. Il y a encore quinze questions dont deux de votre groupe.

M. Christian Hutin. Vous avez 340 députés, vous faites ce que vous voulez…

M. le président. Non, je ne fais pas ce que je veux, ce n’est pas ainsi que cela se passe ici. Allez-y !

M. Christian Hutin. Je continue mon propos. Mme la ministre nous a expliqué que les armes vendues par la France n’étaient pas des armes utilisées dans le cadre du conflit. Mais qui peut le croire ? Un char Leclerc ne va-t-il pas franchir la frontière, les canons CAESAR que nous vendons ne vont-ils servir qu’à défendre l’Arabie saoudite, tels une ligne Maginot ? C’est impossible. Les corvettes Gowind vont-elles servir au canotage ? Non. Nous avons un gros problème aujourd’hui en lien avec le Parlement. Le Royaume-Uni, un pays exportateur d’armes s’il en est, exerce un contrôle sérieux du Parlement sur ses ventes d’armes. En France, c’est le Premier ministre qui décide sur avis du ministre des Affaires étrangères et celui des Armées, le Parlement n’étant jamais concerné. Je pense qu’il faut faire un progrès démocratique, comme l’évoque actuellement le président de la République. Pourquoi pas celui-là ? Ce pourrait être essentiel pour éviter à une ministre des Armées de se parjurer devant le Parlement. Merci, Monsieur le président.

M. le président. Ce que vous décrivez n’est pas nouveau. Cette pratique dure depuis dix, quinze ans. M. Corbière a toujours été contre. Mais vous, ne changez pas d’avis d’une législature à une autre.

M. Jacques Maire. Merci Monsieur le président de tolérer deux membres de la commission des Affaires étrangères. Je voudrais revenir non pas sur le commentaire du conflit au Yémen mais plutôt sur les conséquences de ces controverses. Un des éléments importants de l’offre française, outre sa qualité et son sérieux, est le consensus traditionnel sur les exportations d’armement précisément lié aux impératifs de souveraineté et d’autonomie qui viennent d’être exposés. Les polémiques passées n’ont, selon ma perception, jamais eu l’importance médiatique et le relais associatif, ainsi que le risque de contentieux, que l’on sent poindre aujourd’hui au sujet du Yémen. Ma question est simple. Pensez-vous que ce changement de contexte puisse fragiliser ce consensus traditionnel et quelles conséquences peut-on en tirer ?

M. Jacques Marilossian. Merci Mme la ministre pour votre intervention et vos réponses sur ce sujet sensible. Nous intégrons un volet de contrat opérationnel dans nos ventes à l’export qui inclut la maintenance, comme c’est le cas avec la Belgique dans le cadre du contrat CaMo. La maintenance est indispensable pour que le client dispose en permanence d’un matériel opérationnel. Il s’agit d’une sorte de service après-vente qui implique des relations de confiance dans un rapport gagnant-gagnant entre le vendeur et l’acheteur. Pouvez-vous nous en dire plus sur les dispositifs actuels de maintenance proposés par les industriels français dans les contrats en cours avec l’Arabie saoudite et quelles seraient les règles applicables en cas de conflit dans le cadre d’un potentiel embargo ? La maintenance peut-elle être interrompue, doit-elle systématiquement se poursuivre ou peut-elle être aménagée ? Je vous remercie.

M. Alexis Corbière. Mes quelques mots vont être critiques mais je tiens à vous remercier, Mme la ministre, pour vos propos dans lesquels vous avez dit des choses fortes, peut-être pour la première fois. Vous avez utilisé une ligne de défense face aux questions que nous nous posons sur le Yémen, qui ont peut-être provoqué cette réunion, considérant que nous devions vendre des armes et vous avez brossé une forme de realpolitik, que l’on apprécie ou pas, mais qui a le mérite de nous éclairer sur les actes du Gouvernement.

La question « Faut-il vendre des armes ? » est un faux débat. Un cas très précis nous préoccupe dans un conflit particulièrement meurtrier, vous ne l’ignorez pas, qui interpelle, fait débat, indigne beaucoup de gens et pas seulement en France. Quels que soient les désaccords que je peux avoir avec vous, Mme la ministre, et avec tout le respect que je vous dois ainsi qu’à votre fonction, vous avez dit des choses sur ce conflit. J’estime, vous me pardonnerez la trivialité du propos, que quand vous vous exprimez devant nous vous devez dire des choses que nous désapprouvons mais qui sont justes. Vous avez dit le 4 juillet 2018 devant la commission que vous pensiez que les armes utilisées par la coalition ne l’étaient que de façon défensive. Vous avez également déclaré le 20 juillet 2019 que vous n’aviez pas connaissance d’une utilisation directe d’armes françaises au Yémen ; vous avez déclaré le 18 avril 2019 que vous n’aviez pas d’éléments de preuves permettant de dire que des armes françaises sont à l’origine de victimes civiles au Yémen. Je pense que vous ne reviendrez pas sur ces paroles devant nous ou devant les médias à forte audience. Pourtant j’entends bien que vous ne voulez pas commenter une note confidentielle, alors que c’est bien elle qui fait débat. L’existence de cette note semble remettre votre parole en cause et je souhaite que vous vous exprimiez sur cette note. Je n’accepte pas, Mme la ministre, que vous esquiviez, alors que cette note est précisément l’objet de cette audition. Vous devez vous prononcer. Cette note dit-elle vrai ? En aviez-vous connaissance ? Vos paroles selon lesquelles vous n’aviez pas d’éléments indiquant que des armes françaises étaient utilisées contre la population civile sont-elles vraies ? Nous avons besoin de savoir. Comme l’a dit mon collègue Hutin, nous pensons qu’il faut plus de pouvoir parlementaire. Vous avez évoqué votre conscience mais moi je veux soulager votre conscience (murmures de désapprobation dans la salle), vous n’avez pas à prendre seule certaines décisions et je comprends bien votre propos. C’est précisément la représentation parlementaire qui permet de faire des choix parfois difficiles, des choix aux conséquences géo-politiques, effectués non par une personne seule mais par un collectif. C’est tout l’objet…

M. le président. Il faut conclure à présent.

M. Alexis Corbière. Je conclus. Vous avez cité le Royaume-Uni qui me semble être un mauvais exemple. Les parlementaires britanniques ont la possibilité de faire des contre-rapports qui leur ont permis d’obtenir des précisions sur de nombreux points. Il faut nous donner des réponses précises.

M. Christophe Blanchet. Il s’agit d’une question de Patricia Mirallès qui a dû nous quitter. L’actualité malheureuse nous rappelle que les groupes armés terroristes ont atteint les pays de l’Afrique de l’ouest en bordure de l’océan Atlantique, soit 2 000 kilomètres au sud de l’endroit où ils se trouvaient au début de l’opération Serval en 2013. La fin de la saison des pluies peut faire craindre la multiplication des incursions. Comment peut-on répondre à la mutation et à l’évolution des terroristes qui ne cherchent plus à administrer un prétendu État islamiste mais visent à interdire des territoires beaucoup plus vastes par des opérations commando spectaculaires, œuvres de groupes épars, donc moins vulnérables. La doctrine de l’opération Barkhane doit-elle évoluer a minimasur de nouveaux théâtres d’opération, ses effectifs doivent-ils être renforcés et ses moyens accrus ? Quand la force du G5 Sahel sera-t-elle opérationnelle ?

M. Laurent Furst. Mme la ministre, je voudrais vous poser une question sur un pays dans lequel les armes ont beaucoup parlé, l’Afghanistan. Les États-Unis ne cachent pas leur volonté de quitter le pays et des discussions avec les talibans sont en cours. L’Occident dans sa globalité va-t-il se retirer d’Afghanistan ? La situation va-t-elle être identique à celle qu’a connue le Sud-Vietnam ? Les talibans vont-ils prendre le pouvoir ? L’intervention de l’Occident, dont la France qui compte 99 soldats tués en Afghanistan, et pour laquelle des centaines de milliards ont été dépensés, aura-t-elle finalement servi à quelque chose ?

Mme Françoise Dumas. Vous avez rappelé Mme la ministre combien les enjeux en matière d’exportation sont complexes et ne se prêtent pas à une lecture binaire. Nous avons une des meilleures industries de défense au monde, qui donne du travail à 200 000 personnes, et exporter des armements est effectivement indispensable pour financer notre autonomie stratégique, à laquelle nous sommes tous ici très attachés. Partant de ce constat, que pourrions-nous faire pour pouvoir à l’avenir exporter notre production en direction d’alliés plus proches de notre conception de la défense, à commencer par nos alliés européens, sans doute les plus fiables ? Aujourd’hui la plupart des pays européens achètent américain. Durant la période de 2010 à 2015, seulement 9,7 % du total des exportations françaises d’armement ont eu pour destination les pays européens contre 54 % pour le Proche et Moyen-Orient et 34,6 % pour l’Asie. Entre 2008 et 2017, le Royaume-Uni est notre premier client européen et neuvième sur la liste de nos clients internationaux. Une stratégie est-elle envisagée dans le cadre de l’Europe de la défense pour renforcer les achats intra-communautaires ?

M. Patrice Verchère. La mise en commun de ressources françaises et allemandes s’accélère depuis plusieurs années, avec le risque de voir les Allemands nous poser des difficultés en matière d’exportations. Ma question porte sur le projet SCAF et le remplacement du char Leclerc. Pouvez-vous nous indiquer quelle est la position du Gouvernement concernant la demande de Rheinmetall de prise de contrôle de KNDS ? Vous avez partiellement répondu mais le sujet est important. La situation de la Libye est particulièrement chaotique sur le plan de la politique interne et en raison de la présence active de plusieurs groupes djihadistes. L’offensive lancée par le maréchal Haftar en direction de Tripoli risque de remettre en cause le processus politique souhaité par la France. Votre collègue Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, rappelait à juste titre que la France soutenait tout ce qui contribuait à la sécurité des Français et des pays amis de la France. Dès lors, quel soutien la France apporte-t-elle aux forces du maréchal Haftar, qu’il s’agisse d’une aide militaire, d’envoi de forces spéciales ou d’armement ?

Mme Laurence Dumont. Deux courtes remarques liminaires. La première pour déplorer la réponse indigente de la secrétaire d’État dans l’hémicycle cet après-midi, peut-être pour vous laisser la primeur des réponses. La deuxième pour regretter qu’une telle audition se déroule à huis clos car je ne vois pas en quoi vos propos le justifient.

M. le président. C’est la pratique habituelle…

Mme Laurence Dumont. Mais vous avez toujours le choix de lever le huis clos, Monsieur le président…

M. le président. Quand la commission de la Défense auditionne la ministre et les chefs d’état-major, les réunions se tiennent à huis clos depuis au moins dix ans.

Mme Laurence Dumont. Mais vous pouvez aussi lever le huis clos sans problème, comme chaque président de commission est libre de le faire. À la commission des Affaires étrangères…

M. le président. Il s’agit d’une décision du bureau.

Mme Laurence Dumont. Je peux la déplorer

M. Christian Hutin. C’est le nouveau monde !

M. le président. Je veux bien tout entendre mais en l’espèce il s’agit aussi de l’ancien monde. Passons à la question.

Mme Laurence Dumont. Je reviens …

M. Jacques Marilossian. Vous venez de quelle commission ?

Mme Laurence Dumont. Je viens de la commission des Affaires étrangères, cher collègue.

M. Jacques Marilossian. Vous êtes à la commission de la Défense, je vous demande de respecter la commission, s’il vous plaît !

Mme Laurence Dumont. Je respecte absolument cette commission. Je vous rappelle que les députés peuvent participer à toutes les réunions de commission, s’ils le souhaitent.

M. le président. D’accord. Vous me posez une question, je vous réponds.

Mme Laurence Dumont. Je suis interpelée par un collègue et je lui réponds poliment.

M. Charles de la Verpillière. Cette querelle de famille me chagrine !

M. le président. C’est la pratique de la commission.

Mme Laurence Dumont. J’ai bien compris.

M. Jacques Marilossian. Arrêtez de donner des leçons.

Mme Laurence Dumont. Je déplore d’autant plus qu’il n’y ait pas eu de réponse dans l’hémicycle en raison la tenue de cette audition à huis clos. La secrétaire d’État a évité le sujet du Yémen. Donc je reviens d’un mot sur le Traité sur le commerce des armes qui interdit la vente d’armes susceptibles d’être utilisées contre les populations civiles. Je reprends rapidement vos déclarations. Vous avez déclaré le 30 octobre que vous procédiez à un examen extrêmement rigoureux du respect du droit international humanitaire avant de délivrer les licences. Vous nous avez expliqué que, depuis le début de l’année, si j’ai bien noté, avaient été enregistrés un refus et quinze demandes retirées par les industriels eux-mêmes. Combien de licences ont été acceptées depuis le début de l’année ? En janvier, vous avez déclaré que vous n’aviez pas connaissance du fait que des armes étaient utilisées directement dans ce conflit, une précaution de langage que nous avons d’ailleurs beaucoup appréciée. Ma question est simple. Depuis ces déclarations de non-utilisation directe, avez-vous des indices ou des preuves d’un changement de cet état de fait ? Je crains que non. Des armes françaises sont-elles utilisées directement pour mener des opérations de combat ou de soutien au Yémen, notamment les canons CAESAR à la frontière. Je ne comprendrais pas que nous n’obtenions pas de réponse à une question pareille avant la fin de cette audition.

Vous avez publiquement affirmé que la levée du blocus était la priorité de la diplomatie française. Comment conciliez-vous cette affirmation avec la participation au blocus naval de deux navires de fabrication française. Pour terminer, vous avez évoqué la vertu offusquée de certains, je dirais, Mme la ministre, qu’il ne s’agit nullement de vertu offusquée mais juste de transparence et de respect des engagements internationaux que nous avons pris en toute souveraineté concernant la ratification du Traité sur le commerce des armes.

M. le président. Merci. Je pense que Mme la ministre a déjà répondu très clairement dans son propos liminaire à toutes les questions que vous avez posées.

Mme Laurence Dumont. Vous n’avez semble-t-il pas écouté ma question.

M. Jean-Jacques Bridey. J’ai bien écouté, mais vous n’écoutez pas les propos tenus. La réponse ne vous satisfait peut-être pas mais c’est la réponse donnée par la ministre et je ne pense pas qu’elle sera différente dans quelques minutes.

M. Christophe Lejeune. Mme la ministre, vous avez annoncé la semaine dernière le retrait de la Task Force Wagram d’Irak après trente mois d’engagement dans la lutte contre Daech dans le cadre de l’opération Chammal. Le territoire du califat autoproclamé a pu être réduit à néant notamment grâce à l’appui de nos soldats que je tiens à saluer vivement aujourd’hui. Les interventions n’ont d’ailleurs pas suffisamment souligné que nos soldats concourent eux aussi à la paix. Le retrait de cette force ne signifie toutefois pas le désengagement de la France en Irak, le président de la République ayant annoncé la semaine dernière, après son entretien avec le Premier ministre irakien, le renforcement de la coopération militaire avec Bagdad. La France veut rester un partenaire de premier plan pour l’Irak et l’aider à renforcer sa capacité anti-terroriste, à protéger ses frontières et à réaffirmer son appareil sécuritaire. Quels moyens concrets la France mettra-t-elle à disposition pour renforcer la coopération militaire entre nos deux pays ?

M. Charles de la Verpillière. Mme la ministre, la presse s’est fait l’écho, il y a environ une semaine, d’un incident entre une frégate française et la flotte chinoise, au large de Taïwan me semble-t-il. Pouvez-vous nous dire ce qu’il s’est passé exactement car nous disposons des seules informations de la presse ? Nous n’avons aucun commentaire à faire sur le sujet épineux des ventes d’armes sinon pour dire notre amusement de voir ces déchirements au sein de la famille, ou plutôt de l’ex-famille, socialiste. (Murmures.)

Mme Séverine Gipson. Mme la ministre, je vous remercie pour votre présentation très intéressante. On le sait, et vous l’avez rappelé, les industriels français de la défense sont obligés de vendre à l’export pour vivre. Or, les contrats à l’exportation impliquent de plus en plus de transferts de technologie, clause indispensable au succès des marchés export. Véritable pari, les demandes, parfois pressantes, de nos clients partenaires peuvent présenter un risque. En effet, il n’est pas impossible que ces transferts de technologie, et ces offsets, concédés par la France à ses clients engendrent de nouveaux concurrents en améliorant leur niveau de performance technologique et commerciale. Aussi, pouvez-vous nous préciser comment sont contrôlés ces transferts de technologie et quelle est la position de la France à ce sujet ?

M. Philippe Chalumeau. Merci beaucoup Mme la ministre pour votre présence. Ma question portera sur l’action de nos forces armées au Mali. Début avril, la première opération d’envergure de Barkhane était engagée dans la région de Gourma, un nouveau théâtre d’opérations. Elle a permis de neutraliser des terroristes, hommes et matériel, et l’action de nos soldats doit être saluée à ce titre. Cette nouvelle opération témoigne de l’importance de la présence de nos forces armées au Mali pour lutter contre le terrorisme mais aussi des nouvelles formes d’affrontement rencontrées par nos soldats, plus fragmentées et proches de la guérilla. Les combats dans le cadre de l’opération Barkhane sont bien distincts de ceux qui se sont déroulés dans celui de l’opération Serval. Le décès début avril du médecin-capitaine Marc Laycuras témoigne de la violence que peut revêtir cette nouvelle forme d’opposition et je voudrais saluer sa mémoire, comme vous l’avez fait, ainsi que les honneurs que vous lui avez rendus aux Invalides. Dès lors, Mme la ministre, compte tenu des nouvelles formes d’opposition militaire rencontrées au Mali, comment voyez-vous l’évolution de la situation militaire dans cette région, notamment l’implication du gouvernement malien, et de notre engagement dans l’opération Barkhane ?

M. Olivier Faure. Merci de votre présence, Mme la ministre. Je souhaite vous poser trois questions très précises qui ne seront pas la répétition de ce que vous avez déjà entendu et dont j’aimerais que vous puissiez apprécier la nuance. La première porte sur le Traité sur le commerce des armes ratifié en 2014. Comme vous le savez, il suffit que des armes soient seulement susceptibles d’être utilisées contre des populations civiles pour entraîner une interdiction. Vous avez dit n’avoir pas connaissance, à ce stade, d’une telle utilisation. Cherchons-nous à avoir connaissance de cette utilisation ? Cherchons-nous à savoir ? Nous contentons-nous du seul fait que l’information ne nous est pas parvenue ? Cherchons-nous vraiment à comprendre ce qui se passe sur ce territoire et à savoir comment nos armes sont utilisées ?

Ma deuxième question est celle qui a été posée à votre secrétaire d’État dans l’hémicycle concernant la rumeur selon laquelle un bateau saoudien ferait escale au Havre pour acheminer des armes vers l’Arabie saoudite. Pouvez-vous confirmer qu’il n’en est rien et que vous avez, là aussi, tout fait pour contrôler le chargement embarqué dans ce navire ?

Ma troisième question porte sur le contrôle parlementaire. Vous nous avez rappelé les termes de la Constitution. Nous pouvons vous suivre sur ce point. Vous savez aussi que vous avez la possibilité d’accorder un droit de contrôle. La question n’est donc pas de savoir ce que vous nous rappelez mais quelle votre position personnelle. Êtes-vous favorable à ce que les parlementaires soient eux-mêmes amenés à contrôler en temps réel nos exportations d’armes dans les différents pays du monde ? Je conclus par une appréciation ; vous nous avez dit que votre conscience était engagée lors de la prise de décisions de cette nature. Je le comprends et le conçois et, pour tout vous dire, je n’aimerais pas être à votre place. Mais cette question n’est pas seulement une question de conscience, elle est éminemment politique et relève de fait totalement de la souveraineté nationale. Vous avez évoqué la réputation de la France au plan international et j’en appelle à votre intelligence et à votre conscience tant cette réputation est entamée par le sentiment que la France concourt à, je cite l’ONU, « la pire crise humanitaire au monde » au moment où nous parlons.

M. le président. Nous n’avons pas dû écouter les mêmes propos tenus ici par la ministre qui a été très claire et a donné tous les éléments de réponse que vous réclamez.

M. Thomas Gassilloud. Je rappelle en préambule à nos collègues socialistes que le pic de livraisons d’armes à l’Arabie Saoudite a été atteint en 2014, et de loin, avec 3,6 milliards d’euros. (Murmures de désapprobation) Que chacun assume ses positions !

Pour l’armée de terre, 2019 est l’année Scorpion, un système qui permettra de mieux protéger nos soldats, notamment face à la menace des engins explosifs improvisés, et de conserver l’avantage opérationnel sur nos adversaires. Avant même sa mise en service, Scorpion connaît un véritable succès à l’export avec l’accord intergouvernemental franco-belge qui sera bientôt présenté au Parlement pour ratification. Nous étions d’ailleurs dernièrement à Bruxelles à ce propos avec Jean-Charles Larsonneur dont vous voudrez bien excuser l’absence car il est en déplacement dans le cadre de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. Le contrat CaMo va bien au-delà d’une vente d’équipement. Il s’agit d’une convergence en matière de doctrine, de formation, d’entraînement et de maintenance. Au-delà du produit industriel, c’est bien la crédibilité de l’armée de terre qui a fait la différence et des officiers belges participaient ce matin, aux Journées prospective infanterie qui se déroulent à l’École militaire. Cet exemple d’export permet de développer la souveraineté européenne à plusieurs titres. Mme la ministre, quels enseignements pouvons-nous tirer du contrat CaMo, notamment du modèle d’accord intergouvernemental cadre (AIG), et, suite à ce premier succès, quelles initiatives pourrait-on prendre pour favoriser le développement de l’approche Scorpion avec nos voisins européens ?

Madame la ministre. En ce qui concerne les contrats d’État à État, il s’agit de répondre à une demande croissante des clients, qui ne souhaitent plus avoir pour seuls interlocuteurs les industriels fournisseurs mais veulent pouvoir bénéficier d’un adossement dans le cadre d’un contrat passé par l’État français pour le compte de l’État client. Le marché public est conclu entre l’État français et l’industriel, lui-même inclus dans un accord intergouvernemental entre la France et le client. Il s’agit d’une forme adaptée d’un mécanisme bien connu utilisé par les États-Unis, initiée pour la première fois dans le cadre du contrat CaMo cité précédemment. Ainsi, la Belgique achète à Nexter par l’intermédiaire de la France, ce qui permet de dépasser le cadre d’une simple transaction commerciale et de s’inscrire dans le cadre d’une coopération beaucoup plus large associant nos deux pays. Le contrat comprend ainsi des stipulations qui n’avaient jusqu’à présent pas été autant développées, notamment au travers d’actions de formation et d’entraînement en commun, ouvrant à l’armée belge le bénéfice de nos vastes terrains de manœuvre, ainsi qu’une plus grande intégration de la gestion de la maintenance et des stocks de pièces détachées. Nous avons donc pu, au travers de ce contrat, répondre à l’attente des clients. Comment cela s’articule-t-il avec les contraintes posées par la réglementation ITAR ? Même si cela prendra du temps, je pense que ces contrats vont précisément permettre de développer un marché européen et nous autoriser ainsi à nous affranchir progressivement de composants américains, actuellement présents dans nombre d’équipements de fabrication européenne.

S’agissant de la Task Force Wagram, elle représente moins de 200 personnels sur un total de 1200 déployés dans le cadre de la coalition, ce qui conduit donc à maintenir environ 1000 personnels sur ce théâtre.

Nous avons d’excellentes et nombreuses raisons de nous engager dans des partenariats industriels avec l’Allemagne ; l’existence de visions et d’histoires différentes n’en atténuent pas la pertinence. Je veux souligner que l’Allemagne est un partenaire fiable dans de très nombreux domaines, qu’il s’agisse de notre présence au Sahel, où elle joue un rôle clé en assurant actuellement le commandement de l’opération EUTM au Mali, ou dans le cadre de l’UE, car sans l’Allemagne nous n’aurions pas pu lancer la coopération structurée permanente. Quand des difficultés se présentent, l’essentiel est de mettre toute son énergie à les résoudre : c’est ce que nous faisons actuellement.

Sur le respect de nos engagements pris dans le cadre du Traité sur le commerce des armes et nos modalités de contrôle des exportations d’armement, je ne peux tout d’abord pas laisser dire que la réponse de Mme la secrétaire d’État lors des questions au Gouvernement n’était pas digne du Parlement. Elle a dit ce qu’il fallait dire, avec seulement deux minutes pour le faire, et je suis ici pour continuer à vous répondre, dans le cadre du contrôle parlementaire tel qu’il existe aujourd’hui. Ce dernier sera peut-être amené à évoluer, mais je dois avouer avoir un peu de mal à m’exprimer de manière abstraite sur ce sujet, des propositions précises n’ayant pas encore été formulées. J’ai déjà mentionné le rapport sur les exportations d’armement fourni au Parlement britannique et je voudrais à cet égard rappeler que le Royaume-Uni est le deuxième fournisseur d’armes de l’Arabie saoudite, avec 25 % de parts de marché, soit le double de la France mais loin derrière les États-Unis, qui représentent 65 %. Sans vouloir vous commander, des échanges avec vos collègues britanniques seraient sans aucun doute utiles sur ce sujet.

Quant au fait que des armes françaises ne sont pas utilisées à dessein contre des populations civiles, je répète que nous n’avons aucune preuve du contraire. Nous touchons là une des difficultés qui est peut-être à l’origine des incompréhensions dans le dialogue que nous avons ici, Monsieur Faure : ce n’est pas parce que nous n’avons pas de preuve du contraire que ce que vous dites est vrai. Il est parfaitement légitime de s’interroger, de douter, mais ma responsabilité n’est pas d’élucubrer à partir de doutes, même si je ne porte aucun jugement de valeur sur le fait d’en avoir. Ma responsabilité est de travailler à partir de faits.

M. Olivier Faure. Ma question précise, à laquelle vous ne répondez pas, était : « allez-vous chercher des preuves ? »

M. Le président. Nous ne sommes pas dans l’hémicycle ! La ministre est en train de vous répondre.

Mme la ministre. Si vous avez décidé que par principe je ne réponds pas aux questions et également par principe que :

a. le simple fait qu’il y ait des armes françaises vendues à des belligérants au Yémen et

b. qu’il y ait des victimes dans cette horrible guerre implique

c. que ce sont les armes françaises qui sont à l’origine des victimes,

j’en suis désolée, mais c’est un raisonnement que je ne peux pas tenir ni soutenir. Je peux comprendre que des opinions puissent être exprimées, y compris dans des journaux, mais je pense qui si je tenais ce type de raisonnement en tant que ministre vous seriez en droit de me le reprocher.

M. Olivier Faure. Vous ne répondez donc pas !

M. le président. Un peu de respect ! Vous n’avez pas la même interprétation de l’article 6 du TCA que nous, soit. Mais pourquoi insinuez-vous que les canons CAESAR positionnés sur le territoire saoudien ouvrent le feu sur des populations civiles ? Ces canons sont en position défensive.

M. Olivier Faure. Ce n’est pas ce que j’ai dit ! Ma question, une nouvelle fois, est : « faisons-nous tout pour rechercher la vérité ? »

M. le président. Mme la ministre a bien précisé que nous avons un dialogue avec les États de cette région pour mieux suivre l’utilisation des armes vendues il y a parfois dix ou vingt ans.

M. Christian Hutin. Êtes-vous président de cette commission ou bien ministre ? (Exclamations.)

M. le président. Puis-je vous répondre et argumenter ? Notre diplomatie s’emploie à effectuer les pressions nécessaires sur ces pays.

Mme la ministre. M. Faure, la réponse à votre question est : oui. Nous cherchons à savoir. Vous avez d’ailleurs eu connaissance et mentionné des travaux de la DRM. Et si nous ne le faisions pas, nous manquerions à nos devoirs. Je ne reviens pas sur le fait que nous travaillons de manière rigoureuse ; j’ai fait allusion précédemment au fait que certaines questions étaient traitées en conscience et je souligne à nouveau que le processus de décision interministériel permet une délibération collective avant la prise de décision.

Nous pouvons tous avoir des interrogations et des opinions personnelles, mais cette guerre a débuté en 2015 et les équipements militaires dont nous parlons n’ont pas été vendus postérieurement à cette date. Je comprends donc qu’il y a des sensibilités à géométrie variable, mais je n’en dirais pas plus !

M. Charles de la Verpillière. Ce n’est pas moi qui l’ai dit… (Sourires.)

Mme la ministre. S’agissant des conséquences de ce type de débat public, qui n’est pas illégitime mais constitue une donnée à prendre en considération, on peut relever que la question des exportations d’armement a toujours été sensible ; ce n’est pas nouveau. De ce point de vue il est intéressant de constater qu’il existe des sensibilités à géométrie ou à temporalité variable.

M. Olivier Faure. On pourrait parler de la vôtre, dans ce cas ! Cessez ces attaques ad hominem ! (Exclamations.)

Mme la ministre. Regardez les statistiques d’exportations, et vous comprendrez de quoi je parle…

M. Olivier Faure. Ce n’est pas possible, franchement !

M. le président. Laissez parler la ministre. Il s’agit de questions sérieuses : la ministre a consacré du temps à vous répondre et nous devons avoir un dialogue constructif

Mme la ministre. Je vais poursuivre en effet, car je n’ai pas encore répondu à la question concernant le cargo saoudien. Il faut aller au fond des choses. Est-il étonnant qu’un navire saoudien passe par Le Havre ? La réponse est non, car il s’agit d’un grand port. Est-il étonnant qu’il puisse contenir des armes ? La réponse est non, car nous avons un partenariat stratégique avec l’Arabie saoudite. Est-ce que ceci se fait dans le respect de nos obligations internationales ? La réponse est oui, puisque nous ne vendons et n’avons vendu des armes à ce pays que dans le respect de ces obligations. Enfin, ce navire n’est pas encore dans nos eaux territoriales et je fais toute confiance aux autorités dont c’est la fonction pour assurer le contrôle de la cargaison. Voilà ce que je pouvais dire sur cette affaire qui n’en est pas une.

Je reviens sur les conséquences de ce débat sur les exportations d’armements, qui peut être principiel ou circonstanciel. Je comprends parfaitement l’émotion que peut susciter spécifiquement la guerre au Yémen, dont il a été souligné à juste titre qu’il s’agit de la pire crise humanitaire depuis bien longtemps. Ce débat est par nature sain et nous sommes ici pour en parler. Je ne sais pas quelles en seront les conséquences par la suite, mais je souhaite que l’on travaille à partir de faits ; c’est ce que j’ai essayé de dire et je suis désolée si j’ai pu froisser certains. On ne doit travailler que sur des faits, pas des sur des suspicions, des interprétations ou des présupposés. J’ai reçu des interpellations d’ONG, comme beaucoup d’entre vous je suppose, qui disent en substance que la situation est alarmante car selon elles, potentiellement, tant de millions de personnes sont susceptibles de subir les conséquences de la présence d’armes dans telle zone. Cette question de l’interprétation du TCA est centrale, et elle n’a pas fini de revenir dans le débat.

M. le président. Et vous reprenez l’interprétation qui a été faite par certains de la note que vous mentionnez, admettez-le, M. Faure. Écoutez les propos de Mme la ministre, qui a été très précise sur l’article 6 du TCA, au lieu de vous enfermer dans vos interprétations !

M. Christian Hutin. Vous êtes quasiment le ministre.

M. le président. J’essaie simplement de faire régner un peu de respect et d’écoute dans cette commission, sachant qu’il reste encore des réponses à apporter aux autres questions de nos collègues.

Mme la ministre. Les contrats de maintenance pour les armements ayant fait l’objet de licences d’exportation peuvent couvrir de longues périodes. Mais comme ces licences ne peuvent excéder une durée de trois ans, l’industriel concerné doit alors demander une prorogation de la licence, instruite selon la procédure de droit commun que j’ai déjà décrite.

La capacité opérationnelle de la force conjointe du G5 Sahel est en cours d’acquisition, étape par étape, et n’est pas complète à ce stade. Les opérations ont été malheureusement interrompues pendant plus de six mois ; elles ont heureusement repris à partir de janvier 2019 et nous accompagnerons ce travail tout au long de l’année. Cette capacité opérationnelle dépend certes de la livraison de matériels, mais aussi de la concrétisation des promesses de dons qui ont été formulées, ce à quoi nous nous attelons.

Sur l’idée de privilégier davantage les exportations à destination d’alliés européens, je répète qu’à ce stade le marché européen est trop étroit. Il faut donc le faire grandir, ce qui est déjà à l’œuvre avec le réinvestissement actuel dans le secteur de la défense. La question reste de savoir quelle sera la part de marché accordée aux matériels européens, sachant que celle des Américains est extrêmement importante. Nous effectuons donc des démarches auprès de nos partenaires européens pour que se développent les instruments encourageant les capacités industrielles et matériels européens. Par ailleurs, nous sommes très attentifs aux appels d’offres que vont lancer un certain nombre de pays européens, à savoir la Finlande et la Suisse pour des avions de combat, la Belgique et les Pays-Bas pour la guerre des mines sous-marines et, enfin, les Pays-Bas pour des sous-marins. Faisons un rêve et imaginons que ces quatre contrats échoient à des compétiteurs européens –pour l’un c’est bien parti, pour les trois autres c’est très ouvert – et alors l’Europe de la défense aura fait de grands progrès.

S’agissant du nombre de licences accordées en 2018, vous aurez la réponse précise dans le rapport sur les exportations d’armement, dont la rédaction sera prochainement achevée.

M. Verchère m’a interrogé sur l’état d’avancement des projets MGCS et SCAF. Les travaux progressent et j’espère être en mesure de rendre publiques prochainement des étapes importantes s’agissant du projet de char du futur, tandis que pour le système de combat aérien nous avons déjà finalisé le contrat d’architecture ; le salon du Bourget pourrait en outre être l’occasion de bonnes nouvelles montrant que ce projet est sur de bons rails. Sur votre deuxième question portant sur l’actionnariat du groupe KNDS, je vais dire une chose très simple : KNDS est une entreprise contrôlée à 50 % par la France et à 50 % par l’Allemagne, et ce partage à vocation à demeurer. La question que pose Rheinmetall s’adresse donc à l’Allemagne, mais pas à KNDS.

J’ai été interrogée sur la position de la France dans la crise libyenne. Nous parlons à toutes les parties. Le Premier ministre libyen, M. Fayez el-Sarraj, ainsi que ses ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères seront reçus demain par le président de la République ; nous discutons aussi avec le maréchal Haftar. L’enjeu n’est pas un soutien militaire, mais la désescalade ; nous soutenons donc l’idée d’un cessez-le-feu immédiat et sans conditions. Ensuite il faudra reprendre le processus politique qui avait été bien engagé à Abu Dhabi et qui devra aboutir in fine à des élections.

En ce qui concerne l’incident qui a récemment eu lieu en mer de Chine dans le détroit de Taïwan, comme vous le savez la marine nationale y navigue au moins une fois par an, sans que cela n’ait jamais posé le moindre problème puisque, par définition, nous respectons le droit de la mer en naviguant dans les eaux internationales, sans jamais enfreindre cette limite. Il n’y a aucun changement de posture de la France sur cette question : elle respecte pleinement la souveraineté des États et continuera à exercer pleinement son droit de naviguer dans les eaux internationales, conformément aux règles internationales établies.

La coopération militaire avec l’Irak s’exprime tout d’abord d’un point de vue opérationnel, dans le cadre de la coalition opérant contre l’État islamique. Nous coopérons aussi en matière de formation, à la demande des Irakiens, notamment dans les domaines du combat en zone désertique, où nos opérations au Sahel nous ont donné une expérience certaine, de la lutte contre les engins explosifs improvisés et, enfin, de l’artillerie. Nous avons aussi une coopération capacitaire, en accompagnant la remontée en puissance de l’armée irakienne.

J’ai aussi été interrogée sur les transferts de technologies dans le cadre des exportations d’armement. Le phénomène, de plus en plus important, est assez similaire aux demandes de compensations industrielles formulées par les clients : il s’agit pour eux de devenir davantage des partenaires de coopération plutôt que de rester de simples importateurs de systèmes, en réduisant leur dépendance aux acquisitions de matériels étrangers tout en souhaitant montrer que ces dernières s’inscrivent dans une logique d’investissement. Ces transferts sont bien entendu surveillés et constituent un point d’attention majeur lors de l’examen des demandes de licences, afin qu’ils ne menacent pas les intérêts fondamentaux français. S’agissant des évolutions de l’opération Barkhane, comme je l’ai déjà indiqué, nous avons investi la zone du Liptako et étendu nos actions dans le Gourma, afin de sécuriser ces zones pour affranchir les populations civiles des pressions dont elles sont victimes de la part des groupes terroristes. Il s’agit aussi de développer immédiatement des actions civilo-militaires puis des projets de développement assurant la consolidation de cette intervention sécuritaire. Nous le faisons en partenariat avec les forces armées maliennes qui, une fois cette sécurisation assurée, ont vocation à rester sur place pour nous permettre d’étendre notre action ailleurs. Mais nous avons parfaitement conscience du fait que la présence de Barkhane n’est à elle seule pas en mesure de résoudre la situation qui prévaut au Sahel. Seule une solution politique peut le faire. La priorité au Mali est donc de mettre en œuvre l’accord d’Alger signé en 2015, notamment ses dispositions prévoyant le retour des institutions étatiques dans des zones qui avaient été abandonnées par l’État malien, et d’assurer la réintégration dans les forces armées d’individus qui avaient rejoint les groupes armés, afin qu’un processus de réconciliation s’enclenche et que la démarche politique aboutisse à ce que nous avons toujours souhaité : le retour à la paix et à la sécurité de cette zone du Sahel.

Pour terminer, Monsieur le président, je souhaite souligner avec quel plaisir je réponds à vos invitations à m’exprimer devant cette commission. Vous pouvez donc m’inviter autant que vous le souhaitez !

M. le président. Madame la ministre, rendez-vous est déjà pris pour le mercredi 10 juillet, afin que vous présentiez le rapport au Parlement sur les exportations d’armement.

La séance est levée à dix-neuf heures quarante.

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Membres présents ou excusés

Présents. – M. Didier Baichère, M. Xavier Batut, M. Stéphane Baudu, M. Thibault Bazin, M. Olivier Becht, M. Christophe Blanchet, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Philippe Chalumeau, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Olivier Faure, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Benjamin Griveaux, M. Stanislas Guerini, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, M. Fabien Lainé, M. Didier Le Gac, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, Mme Patricia Mirallès, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Joaquim Pueyo, M. Gwendal Rouillard, M. Antoine Savignat, M. Joachim Son-Forget, Mme Laurence Trastour-Isnart, M. Stéphane Travert, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Patrice Verchère, M. Charles de la Verpillière

Excusés. – M. Louis Aliot, M. Jean-Philippe Ardouin, M. Florian Bachelier, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Sylvain Brial, M. Luc Carvounas, M. Richard Ferrand, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Christian Jacob, M. Jean-Michel Jacques, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, Mme Anissa Khedher, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Gilles Le Gendre, M. Franck Marlin, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Sabine Thillaye

Assistaient également à la réunion. – Mme Laurence Dumont, M. Christian Hutin, M. Jacques Maire

 

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